Pakistan : assassinat d'une ministre provinciale refusant de porter le voile islamique

Publié le 23 février 2007
Zilla Huma Usman, ministre des Affaires sociales du gouvernement provincial du Panjâb et alliée politique du président pakistanais Pervez Musharraf, a été assassinée, mardi 20 février 2007 à Gujranwala.

Localisation du Pakistan

Mme Usman, qui militait pour les droits des femmes, semble avoir été la victime d'un activiste islamiste ne supportant pas qu'elle puisse se promener tête nue ni que des femmes puissent exercer une activité politique.

L'attentat

 
Carte du Pakistan

L'attentat s'est produit alors que Zilla Huma Usman s'apprêtait à prendre la parole devant plusieurs dizaines de personnes réunies au siège local de la Ligue musulmane du Pakistan à Gujranwala, ville située à environ 70 km au nord de Lahore, capitale provinciale, et environ 250 km au sud-est d'Islamabad, capitale du pays.

Alors qu'elle sortait de son automobile, devant plusieurs de ses amis politiques qui lui lançaient de pétales de rose, un individu a surgi l'arme au poing et a tiré un seul coup de feu, qui a atteint Mme Usman à la tête. Aussitôt transportée dans un hôpital voisin, la victime est décédée sur la table d'opération.

L'assassin avait été aussitôt maîtrisé par le chauffeur de la victime et remis entre les mains des forces de police.

La victime

Zilla Huma Usman, qui était âgée de 36 ans, était entrée en politique en 2002, année où elle avait été élue député à l'assemblée provinciale du Panjâb.

Le 1er décembre 2006, elle avait été nommée ministre des Affaires sociales dans le gouvernement provincial du Panjâb, dirigé par Chaudhry Pervaiz Elahi.

Zilla Huma Usman était mariée à un médecin et mère de deux enfants.

L'assassin

Selon les informations révélées par la police pakistanaise, l'assassin serait un homme nommé Mohammad Sarwar, qui tiendrait un magasin d'informatique à Gujranwala. Il serait marié et père de neuf enfants, dont quatre filles, et son épouse et ses filles seraient confinées dans la maison familiale.

Selon les autorités policières, l'homme aurait précédemment été mis en cause dans les meutres de sept autres femmes, dont au moins deux qui seraient qualifiées de « prostituées », mais aurait été relâché faute de charges suffisantes.

Outre le fait que l'assassinat de Zilla Huma Usman se soit produit devant de nombreux témoins, l'homme n'aurait semble-t-il fait aucune difficulté pour reconnaître sa culpabilité et pour expliquer son geste. Il aurait reconnu avoir agi en réaction au refus continu de la victime de porter un foulard recouvrant sa chevelure [1]. Son geste serait également motivé, selon les autorités policières, par son refus de l'engagement des femmes dans la politique et les affaires gouvernementales, l'assassin considérant qu'il serait contraire aux enseignements d'Allah qu'une femme puisse devenir ministre ou dirigeante.

Il aurait en outre témoigné de son absence de regrets, considérant que la victime aurait exercé une mauvaise influence sur les autres femmes.

Le contexte local

La ville de Gujranwala, peuplée de plus de 3,5 millions d'habitants, avait été le théâtre d'émeutes, en avril 2005, lors de l'organisation d'un marathon réunissant des sportifs des deux sexes. Cette compétition mixte avait été encouragée par Zilla Huma Usman et la police avait dû faire usage de la force pour permettre le déroulement de la manifestation sportive, que les émeutiers avaient tenté d'empêcher.

Le contexte national

Cet assassinat intervient quelques semaines après l'adoption par le parlement fédéral d'une loi sur la protection des femmes (censée contrebalancer les effets négatifs de la charia sur celles-ci), dans un pays musulman où les femmes représentent environ 20 % des effectifs de l'Assemblée nationale (la chambre basse du parlement pakistanais) mais où, selon certaines associations et institutions chargées de la surveillance des droits de l'homme, se multiplieraient les incidents causés par des opposants islamistes à l'émancipation des femmes.

Les réactions

Les réactions ont été nombreuses au Pakistan. On pourra citer notamment :

Zobaida Jalal, ministre fédérale du Bien-être social, qui voit dans cet assassinat « une perte irréparable pour la cause des droits des femmes et leur émancipation » ;

Shaukat Aziz, Premier ministre fédéral, qui qualifie la victime de « femme politique engagée et consacrée à sa cause » ;

le président Pervez Musharraf a également fait part de sa profonde tristesse après l'attentat ;

enfin, la Chambre des députés et le Sénat fédéraux ont adopté des résolutions condamnant l'asssassinat de Zilla Huma Usman.

Sources

Sources anglophones
Source francophone


  1. Zilla Huma Usman, en dépit de son refus de se couvrir la tête, était semble-t-il toujours vêtue du salwar kamiz, ensemble de vêtement traditionnel au Panjâb et dans d'aures parties du sous-continent indien, composé d'une tunique à manches longues et d'un pantalon long, ne laissant apparaître aucune partie du corps en dehors des mains et de la tête.