États-Unis : la Cour suprême valide l'interdiction de l'« avortement par naissance partielle »

Publié le 19 avril 2007
La Cour suprême des États-Unis a validé, mercredi 18 avril 2007, par 5 voix contre 4, la loi d'interdiction d'« avortement par naissance partielle » (Partial-Birth Abortion Ban Act) [1], une loi adoptée en octobre 2003 par les deux chambres du Congrès et promulguée le 5 novembre suivant par le président George W. Bush, qui interdit sur tout le territoire des États-Unis la méthode d'avortement tardive (au-delà d'un délai de douze semaines de grossesse) consistant à extraire en premier les jambes et le torse du fœtus, puis à aspirer chirurgicalement le contenu de la boîte crânienne de l'enfant pour permettre le passage de la tête.

Façade du bâtiment abritant la Cour suprême des États-Unis

La décision de la Cour

 
Les neuf juges actuels de la Cour suprême, en 2006

La décision de la Cour a été acquise par cinq voix « pour » émanant des juges :

La décision de la Cour annule toutes les décisions des cours de rang inférieur qui avaient toutes conclu à son invalidation, argüant dans chaque cas l'absence de dispositions de remplacement en cas de menaces sur la santé de la femme.

La Cour a estimé que la loi de 2003 ne constituerait pas une violation du droit constitutionnel des femmes à l'avortement, soulignant que des méthodes alternatives existent et que la restriction imposée par cette loi ne concerne qu'un nombre très limité de cas. Dans sa décision, le juge Kennedy a souligné par ailleurs que la validation de la loi interdisant cette méthode d'avortement ne constituerait pas une remise en cause des précédentes décisions de la Cour suprême en matière d'avortement.

La Cour suprême, dans une précédente composition où les « conservateurs » bénéficiaient d'un rapport de force moins favorable, avait elle-même invalidé, en 2000, une loi comparable adoptée par l'État du Nebraska.

Les quatre juges de la minorité sont :

  • Ruth Bader Ginsburg, réputée « progressiste », nommée par Bill Clinton en 1993 ;
  • John Paul Stevens, réputé « progressiste », bien qu'ayant été nommé par un président républicain, Gerald Ford, en 1975 ;
  • David Souter, réputé « progressiste », bien qu'ayant été nommé par un président républicain, George Bush « père », en 1990 ;
  • Stephen Breyer, réputé « progressiste », nommée par Bill Clinton en 1994.

Fait inhabituel, alors qu'il est ordinaire que les juges opposés à une décision de la Cour suprême publient leurs opinions dissidentes en annexe d'une décision prise à la majorité, l'une des juges, Ruth Bader Ginsburg, s'est publiquement exprimée aussitôt la décision rendue, pour déplorer que la plus haute instance judiciaire américaine « donne sa bénédiction à une interdiction qui ne comporte aucune exception si la santé de la femme est menacée » et souligner que cette méthode d'avortement, qui ne touche que quelques milliers de cas parmi les 1,2 million d'avortements pratiqués chaque année aux États-Unis, serait vue comme « nécessaire et appropriée dans certains cas » par les gynécologues et obstétriciens.

Quelques réactions

Satisfaction

 
Sceau de la Cour suprême des États-Unis

Roberta Combs, présidente de la Christian Coalition of America, a estimé que « ce n'est qu'une question de temps avant que la cour n'abolisse l'« infâme » décision Roe contre Wade de 1973 ».

Roy Newman, président du groupe Operation Rescue [2], a vu dans la décision de mercredi « la première lézarde » dans l'édifice constitutionnel né de la décision Roe contre Wade, et la première étape « vers l'interdiction de la terrifiante pratique de l'avortement dans cette nation ».

Le président George W. Bush, pour sa part, a vu dans la décision de mercredi « une reconnaissance des progrès faits au cours des six années précédentes dans la protection de la dignité humaine et le soutien au caractère sacré de la vie » et annoncé sa détermination à « travailler pour assister au jour où chaque enfant sera accueilli dans la vie et protégé par la loi ». Il a rappelé en outre que, selon ses vues, cette loi constituerait « un engagement pour bâtir une culture de la vie » aux États-Unis.

Désapprobation

Barbara Boxer, sénatrice démocrate de Californie, déplore le fait que, selon elle, « la santé des femmes ayant des grossesses à risque (soit) désormais fortement menacée » et regrette l'impact des plus récentes nominations à la Cour suprême [3]

Eve Gartner, s'exprimant au nom du Planning familial américain (Planned Parenthood Federation of America) [4], a vu dans la décision de la Cour une remise en cause de 30 années de jurisprudence sur l'avortement et du droit des femmes à la santé et à la sécurité.

Réaction mitigée

Le journaliste français Yves Daoudal, opposant notoire à toute forme d'avortement, se félicite de ce qu'il considère comme « une première victoire de la culture de vie, due à la récente nomination à la Cour suprême d’un juge “conservateur” », mais tempère aussitôt son propos en déplorant que les juges aient souligné l'existence des pratiques alternatives, comme celle du démembrement du fœtus avant extraction, ou celle de l'injection létale sur le fœtus avant extraction, et conclut en estimant que, selon ses vues, « la barbarie demeure quasi intacte ».

Notes

Sources

Sources anglophones
Sources francophones