Afghanistan : les forces de l'OTAN auraient négligé l'expérience russe

Publié le 31 août 2008
Les récents événements survenus en Afghanistan ont de nouveau soulevé la question de l'efficacité et du professionnalisme des opérations de l'OTAN et de la coalition antiterroriste dans ce pays. En moins d'une semaine, une unité spéciale française faisant partie de l'ISAF (Force internationale d'assistance à la sécurité) est tombée dans une embuscade et 10 soldats ont été tués, tandis que vendredi dernier (22 août), dans la province d'Hérat, plus de 70 civils ont péri au cours d'une opération lancée dans le district de Shindand. Selon les médias, cette dernière a été effectuée par les forces de la coalition, c'est-à-dire essentiellement par l'US Air Force. Naturellement, cet événement a bouleversé l'Afghanistan. Le président Hamid Karzaï insiste désormais sur la révision du statut des forces internationales présentes dans le pays.

Rappelons que ces forces sont représentées en Afghanistan par deux missions: la coalition antiterroriste internationale sous la direction des États-Unis et la Force internationale d'assistance à la sécurité (ISAF) sous la direction de l'OTAN. Le principal objectif de l'ISAF, qui agit en Afghanistan conformément à un mandat de l'ONU, est en principe d'assurer la stabilité sur les territoires libérés des combattants armés. Le principal objectif de la coalition antiterroriste est, en principe également, de libérer les territoires en question en effectuant des opérations visant à rechercher et neutraliser les membres d'Al-Qaïda et les talibans.

Les opérations de la coalition et de l'ISAF sont donc incomparables de par leur nature. Il est évident que le risque de commettre une erreur est bien plus grand pour la coalition que pour l'ISAF, et que n'importe quelle opération doit être minutieusement préparée. Une seule question se pose: qu'est-ce qui empêche les États-Unis de le faire ? D'autant qu'ils ont déjà, semble-t-il, fait l'amère expérience de ce genre d'erreurs. Il suffit de se souvenir du bombardement d'un mariage effectué en juillet 2002 par l'aviation américaine au cours d'une opération analogue lancée dans la province d'Ourouzgan (district de Deh Rawood). Ironie du sort, cela avait eu lieu dans la maison même où Hamid Karzaï s'était à une époque caché des talibans.

Ce fut la première grave bévue, et les parties décidèrent de la passer sous silence. Cette fois-ci, Hamid Karzaï a fait de sérieux reproches aux États-Unis en les accusant d'être incapables d'agir en coopération avec l'armée afghane. Pour sa part, le commandement américain en Afghanistan affirme que l'armée afghane a participé à l'opération et que ce sont justement les Afghans qui ont insisté pour bombarder ce site et indiqué les cibles.

La situation est connue: l'interaction entre les deux armées est en apparence organisée, mais le principe de commandement unique et de responsabilité personnelle n'est pas appliqué. C'est pourquoi le gouvernement afghan a certainement raison d'insister sur le changement du statut des troupes de la coalition. Comme tout l'indique, il s'agit de s'assurer que la coalition ne se borne plus seulement à informer de ses opérations de recherche des combattants d'Al-Qaïda, etc. mais qu'elle obtienne aussi l'autorisation de les effectuer.

En ce qui concerne les soldats français, la situation est tout à fait différente. Ils sont tombés dans une embuscade à 50 km de Kaboul, capitale afghane. L'OTAN n'avait jamais essuyé en Afghanistan de telles pertes en un seul combat, encore moins dans une zone aussi sécurisée.

Evidemment, l'opinion française a tout de suite réagi. Cette réaction était prévisible. Libération a carrément titré: « Faut-il partir ? »

Le fait que Kaboul ait subi, pour la première fois depuis près de cinq ans, une attaque de missiles donne également matière à réflexion. C'est un signal alarmant attestant que le pouvoir central perd probablement le contact qu'il avait réussi à établir dans la province de Kaboul avec la population locale. Cette province est considérée pratiquement comme la seule où l'OTAN contrôle plus ou moins la situation. D'ailleurs, jusqu'à ces derniers temps, la province d'Hérat était également considérée comme « tranquille ».

Peut-être faut-il effectivement partir ? Mais alors, à quoi cela aura-t-il servi se rendre en Afghanistan et de lancer toute cette opération ?

Il semble que l'OTAN n'ait pas beaucoup de chance ces derniers temps en Afghanistan. Je le regrette sincèrement, car j'ai assisté à l'apparition des premières unités de l'ISAF à Kaboul début 2002. J'ai été témoin des actions de l'OTAN qui a abordé sans tarder et avec persévérance la formation de l'armée nationale afghane. Après avoir travaillé, rien que dans la coopération militaire, pendant près de 15 ans en Afghanistan et participé aux étapes importantes de l'édification de l'armée afghane depuis l'époque monarchique, je suis en mesure de faire des comparaisons.

À mon avis, l'OTAN accomplit sa mission en Afghanistan de façon professionnelle. Quant à l'aggravation actuelle de la situation dans le pays, elle était absolument prévisible, car les 60.000 militaires qui constituent les forces communes de la coalition et de l'ISAF sont certainement insuffisants pour simultanément effectuer des opérations de recherche et de neutralisation des combattants d'Al-Qaïda, assurer une stabilité solide sur tout le territoire de l'Afghanistan et, en même temps, participer activement aux travaux de reconstruction.

Un seul reproche peut être adressé à l'OTAN et aux États-Unis en Afghanistan: ils ont commis la même erreur que l'URSS à un moment donné. En Afghanistan, tous les problèmes, y compris ceux de « la recherche et de la neutralisation » des terroristes d'Al-Qaïda, ainsi que de la stabilité et de la sécurité, doivent être réglés en premier lieu par les Afghans eux-mêmes. Les effectifs de l'Armée nationale afghane, prévus à 70.000 par les États-Unis et l'OTAN, sont catastrophiquement insuffisants pour atteindre ces objectifs. Il est vrai, à présent, on parle déjà de 120 000 soldats, voire plus. Mais on a perdu du temps, bien que l'ambassade russe, et en particulier l'ambassadeur actuel Zamir Kaboulov, ait souligné que la stabilité en Afghanistan dépendait directement de son armée, et que 70 000 soldats n'étaient certainement pas suffisants pour cela.

A présent, les États-Unis et l'OTAN considéreront peut-être autrement l'expérience afghane de la Russie et les conseils de Moscou. Il ne convient pas de réduire la coopération avec la Russie autour de l'Afghanistan uniquement à des questions de transit des cargaisons de l'OTAN à travers le territoire russe.

Cet article reprend la totalité ou des extraits de la dépêche de l'agence de presse RIA Novosti intitulée
«  Afghanistan: l'expérience de l'URSS négligée? » datée du 29 août 2008.

Note

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Sources



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