Colombie : les FARC demandent la médiation du président français Nicolas Sarkozy

Publié le 26 mai 2007
Les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) ont publié, jeudi 24 mai 2007, sur le site web de l’Agencia de Noticias de la Nueva Colombia (ANNCOL) [1], une brève interview de Raúl Reyes [2], membre du secrétariat, conseiller et porte-parole du Bloc Sud des FARC [3].

Localisation du département de Valle del Cauca
Localisation de la municipalité de Pradera
Localisation de la municipalité de Florida
Raúl Reyes
Source : Département d'État des États-Unis

Dans cet entretien, ce haut responsable du mouvement de guérilla colombien s'adresse directement au nouveau président français, Nicolas Sarkozy, et au peuple de France, pour leur demander d'intercéder en faveur de la création d'une zone démilitarisée, sur le territoire des municipalités de Pradera et Florida, dans la région Sud du département de Valle del Cauca, où les FARC sont traditionnellement influentes depuis leur création en 1964.

Les modalités de création de cette zone démilitarisée resteraient toutefois à définir. Son principe avait été suggéré, à l'automne 2005, par une initiative diplomatique [4] commune de la France, de la Suisse et de l'Espagne, acceptée le 13 décembre, avec des réticences, par le président Álvaro Uribe.

Les trois pays européens préconisaient une zone démilitarisée de 180 km² [5], de laquelle se retireraient toutes les forces armées, que ce soit du côté gouvernemental ou de celui de la guerilla.

Dans l'optique des diplomates européens, la création de cette zone démilitarisée devait servir de prélude à un accord humanitaire permettant un échange de prisonniers en nombre limité, de l'ordre de 59 otages détenus par les FARC, contre environ 500 guerilleros détenus par la justice colombienne.

Les FARC, quant à elles, penchaient pour une zone « démilitarisée » de 800 km² (soit la majeure partie du territoire des deux municipalités de Pradera et Florida, dont la superficie totale est d'environ 950 km²), que seules les forces gouvernementales (armée et police) auraient dû quitter. Les chefs de la guerilla colombienne réclamaient également l'élargissement de 1 600 guérilleros détenus par l'État colombien.

Le caractère unilatéral de la « démilitarisation » prônée par les FARC a entraîné l'arrêt du dialogue que tentait d'initier la diplomatie européenne entre le gouvernement colombien et la guérilla.

Les événements depuis le 17 mai

Le 17 mai, un otage des FARC était parvenu à s'évader et avait confirmé qu'Íngrid Betancourt, détenue par les FARC depuis le 23 février 2002, était en vie, en dépit de conditions de détention très dures (elle serait ainsi enchaînée à la suite de plusieurs tentatives d'évasion de sa part).

Le même jour, le président français s'entrenait par téléphone avec son homologue colombien, qui lui rapportait à cette occasion les éléments ressortant des déclarations de l'otage fraîchement évadé, et M. Sarkozy affirmait sa préférence pour une solution négociée.

Le 18 mai 2007, le président Sarkozy recevait au palais de l'Élysée Mélanie et Lorenzo Delloye-Betancourt, enfants d'Íngrid Betancourt, leur tante Astrid Betancourt et leur père Fabrice Delloye, ex-mari de l'otage.

Le même jour, le président Álvaro Uribe donnait l'ordre aux forces armées colombiennes de libérer par la force tous les otages détenus, dont Mme Betancourt et trois ressortissants américains.

Cette annonce avait provoqué une vive émotion dans tous les milieux attachés à la libération de l'ancienne candidate écologiste à l'élection présidentielle colombienne de 2002, Mélanie Delloye s'élevant par exemple vivement contre un « show médiatique » du président colombien [6] et contre les risques encourus par les otages en cas d'attaque par l'armée de leurs lieux de détention, dans un contexte où les guerilleros doivent être à l'affût du moindre bruit inhabituel. La Fédération internationale des comités Ingrid Betancourt protestait également, mais dans un registre plus mesuré, en faisant part de son « inquiétude », tout en soulignant que les membres des FARC, en tant qu'auteurs de crimes de guerre, seraient susceptibles de « éventuellement répondre de leurs actes devant la justice internationale » [7].

Le 22 mai, Nicolas Sarkozy recevait au palais de l'Élysée, l'envoyé spécial du président Álvaro Uribe, le Haut-commissaire pour la paix en Colombie, Luis Carlos Restrepo, et lui réaffirmait l'attachement de la France à une solution négociée, qui ne mette pas en péril la vie des otages de la guerilla.

Le 24 mai, l'ANNCOL publiait les déclarations de Raúl Reyes. Fait notable, le ministre colombien des Relations extérieures, Fernando Araújo, lui-même retenu en otage par les FARC entre décembre 2000 et décembre 2006, se montrait le soir même, au cours d'une conférence de presse, discrètement satisfait des déclarations de Raúl Reyes et semblait vouloir à son tour encourager la perspective d'une solution négociée impliquant la France.

Le ministère français des Affaires étrangères réagissait, quant à lui, dans la matinée du vendredi 25 mai, en prenant acte de la volonté affichée par les FARC de leur « disponibilité à conclure un accord humanitaire et à recevoir des émissaires ». Le porte-parole du Quai d'Orsay signalait par ailleurs que l'accueil positif réservé par M. Araújo aux déclarations de Raúl Reyes laissait espérer un déblocage rapide de la question des otages.

De fait, le président colombien lui-même annonçait un peu plus tard dans la journée son intention de libérer avant le 7 juin, sous réserve d'une renonciation préalable à la violence, un certain nombre de guerilleros emprisonnés, dans le but de les voir ensuite un rôle d'émissaires auprès des chefs de la guerilla.

Vendredi soir, Nicolas Sarkozy s'entretenait de nouveau par téléphone avec Álvaro Uribe, sans que le contenu de leurs échanges soient rendu public. On peut légitimement supposer qu'ils ont évoqué les possibles nouvelles perspectives liées à une éventuelle réactivation de l'initiative européenne de l'automne 2005.

Notes

Sources

Sources anglophones
Sources francophones
Source hispanophone