Finlande : les centristes dépassent les conservateurs d'un seul siège aux élections législatives
Publié le 19 mars 2007
Comme le prévoyaient les derniers sondages d'opinion la semaine dernière, les élections législatives qui se sont déroulées en Finlande, dimanche 18 mars 2007, se sont traduites par un résultat très serré, puisque le Parti du Centre, formation dirigée par le Premier ministre sortant, Matti Vanhanen, ne conserve son titre de premier parti finlandais avec une avance réduite à un siège, par rapport à son suivant immédiat, le Parti de la Coalition nationale.
La campagne
En raison de la forte croissance économique connue par la Finlande ces dernières années, la campagne a été fortement marquée par des débats économiques et financiers. Des propositions ont été faites, visant notamment à réduire les taux de l'impôt sur le revenu et de la TVA. Certaines formations ont également évoqué la possibilité de mettre en place un système d'allocation universelle et d'autres systèmes d'extension de la solidarité nationale.
Dans un registre plus personnel, la campagne a aussi été marquée par l'exploitation faite par Susan Kuronen, avec laquelle le Premier ministre, divorcé depuis quelques années, a entretenu une brève relation après son divorce. Susan Kuronen a publié un ouvrage à scandale révélant des détails intimes de leur relation, et contenant notamment des copies d'échanges électroniques privés entre Matti Vanhanen et elle. Le Premier ministre a indiqué, dimanche, son intention de poursuivre en justice l'éditeur de l'ouvrage, pour atteinte à la vie privée.
Déroulement du scrutin
Les 4,3 millions d'électeurs finlandais étaient appelés aux urnes, dimanche 18 mars, dans environ 3 000 bureaux de vote, ouverts de 9 heures à 20 heures.
Le mode de scrutin allie la représentation proportionnelle à scrutin de liste, sans seuil minimal de représentativité, avec l'expression d'une préférence personnelle pour un candidat. L'absence de seuil de représentativité est toutefois tempérée par la division du territoire finlandais en 15 districts électoraux, d'importance inégale. Ainsi l'archipel d'Åland n'élit qu'un seul député, ce qui conduit les électeurs de ces îles du golfe de Botnie à voter en réalité au scrutin uninominal majoritaire à un tour. Parmi+ les 14 autres districts, un seul élit un nombre de députés correspondant à la moyenne nationale (14), tandis que six élisent un nombre de députés supérieur (s'étageant entre 17 et 34) et sept élisent un nombre de députés inférieur (s'étageant entre 6 et 12). Il s'ensuit « mécaniquement » que la chance d'obtenir des élus au parlement est assez faible pour les formations obtenant moins de 2 % des suffrages exprimés.
La participation s'est légèrement érodée depuis 2003. Elle s'élevait, il y a quatre ans, à 69,7 % des électeurs inscrits, mais n'a pas dépassé, ce dimanche, 67,8 %.
Parmi les particularités du système électoral finlandais figure la latitude laissée aux électeurs de voter en avance par rapport à la date du scrutin. En Finlande même, des bureaux de vote spéciaux, au minimum un par municipalité, sont ouverts à cet effet à partir du mercredi situé 11 jours avant le jour de l'élection, jusqu'au samedi veille de l'élection. Des bureaux de vote spéciaux suivant les règles du vote anticipé sont également organisés dans les hôpitaux et les prisons, et réservés aux personnes hospitalisées ou incarcérées. Pareillement, pour les Finlandais de l'étranger, des dispositions de vote anticipé sont également prévues, ainsi que dans les navires, dans lesquels le début des opérations peut être avancé d'une semaine encore, soit à partir du 18e jour précédant le scrutin [1].
Selon les estimations transmises par les autorités finlandaises, environ 29 % des électeurs auraient recouru à la faculté de voter par anticipation.
Premiers enseignements
Le Parti du Centre conserve la première place dans le paysage politique finlandais, que ce soit en nombre de votes ou en nombre de sièges. À ce titre, suivant un usage traditionnel dans la vie parlementaire du pays, le poste de Premier ministre devrait revenir à M. Vanhanen, à qui il reviendra soit de reconduire la coalition sortante, incluant les sociaux-démocrates et les députés de la minorité suédoise, soit de rechercher un nouveau type d'alliance.
Dans l'assemblée sortante, l'alliance de centre-gauche disposait de 116 sièges sur 200 : 55 pour le Parti du Centre, 53 pour le Parti social-démocrate et 8 pour le Parti suédois du peuple. Une reconduction à l'identique de l'alliance grouperait cette fois 105 sièges, soit une majorité assez étroite : 51 centristes, 45 sociaux-démocrates et 9 suédois.
Les conservateurs de la Coalition nationale, forts de leur progression importante en suffrages et en sièges, réclament déjà d'être associés, d'une manière ou d'une autre, aux affaires. Cela pourrait passer par un simple élargissement de l'attelage gouvernementale, mais aussi par une cure d'opposition pour les sociaux-démocrates, qui ont subi un recul assez symétrique aux gains enregistrés par les conservateurs.
L'une des hypothèses envisagées par certains commentateurs verrait les sociaux-démocrates passer dans l'opposition et les conservateurs prendre leur place aux côtés des centristes et du parti suédois, avec l'appoint des 7 députés démocrates-chrétiens et des 15 députés Verts. L'assise parlementaire d'une telle combinaison pourrait être de 132 sièges sur 200, ce qui serait susceptible d'assurer une certaine stabilité au gouvernement. La simple permutation, au sein de la majorité, entre les conservateurs et les sociaux-démocrates, paraît assez peu probable, car la majorité en sièges – 110 – serait à peine plus forte que celle qui existerait en cas de maintien de la combinaison sortante.
Le ministre des Finances, Eero Heinaluoma, n'a fait pour sa part aucune difficulté pour reconnaître que son parti avait perdu les élections, ce qui laisse présager un possible retrait du gouvernement.
Au sein du Parti de la Coalition nationale, le président du parti, Jyrki Katainen, âgé de 36 ans et qui a pris les rênes de la formation en 2004, pourrait souffrir du retour en politique de l'ancien président du parti, Sauli Niinistö, ancien ministre des Finances de 1996 à 2003, adversaire de la présidente de la République Tarja Halonen au 2e tour de l'élection présidentielle, le 29 janvier 2006, où il avait recueilli 48,2 % des voix. Fait notable dans l'élection de dimanche, Sauli Niinistö a bénéficié de plus de 60 000 suffrages préférentiels, record absolu dans le scrutin, là où le Premier ministre Vanhanen n'en a recueilli que 24 000 et, que, au sein du Parti de la Coalition, Jyrki Katainen n'est arrivé qu'en 5e position, avec moins de 11 000 votes préférentiels. L'ancien ministre des Finances, en outre, n'est âgé que de 58 ans, âge qui n'est habituellement pas celui de la retraite volontaire, dans la vie politique.
Un éventuel « basculement » au centre-droit des alliances gouvernementales, si les sociaux-démocrates passaient dans l'opposition, pourrait éventuellement donner l'occasion d'un passage de témoin, à la tête du ministère des Finances, entre l'actuel titulaire du poste, Eero Heinäluoma, président du Parti social-démocrate, et Sauli Niinistö, qui n'avait quitté le poste en 2003 qu'après le recul de son parti aux élections et son passage dans l'opposition. Sauli Niinistö, toutefois, avait annoncé, en même temps que sa candidature aux législatives, qu'il n'envisageait pas d'occuper de fonctions de premier plan, comme la direction du gouvernement.
Les semaines qui viennnent devraient être consacrées à de délicates négociations entre les formations politiques, en vue de former un nouveau Conseil d'État (en finnois : Valtioneuvosto, en suédois : Statsrådet), appellation finlandaise du gouvernement. Le Premier ministre sortant dispose d'environ quatre semaines pour élaborer une nouvelle combinaison gouvernementale, puisque l'investiture officielle du Premier ministre par les députés n'est pas attendue avant le 17 avril, la nomination du nouveau cabinet par la présidente Tarja Halonen, sur proposition du Premier ministre, devant survenir le surlendemain.
Résultats détaillés
Formation politique | Résultats 2007 |
Évolution depuis 2003 | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Nom français | Nom finnois
Nom suédois |
Voix | % | Sièges | Voix | % | Sièges | |
Parti du Centre | (KESK) Suomen KeskustaCentern i Finland
|
639 993 | 23,1 | 51 | -49 398 | -1,6 | -4 | |
Parti de la Coalition nationale |
(KOK) Kansallinen KokoomusSamlingspartiet
|
616 519 | 22,3 | 50 | +98 615 | +3,7 | +10 | |
Parti social-démocrate de Finlande |
(SDP) Sosialidemokraattinen PuolueFinlands Socialdemokratiska Parti
|
593 609 | 21,4 | 45 | -89 614 | -3,0 | -8 | |
Alliance de gauche | (VAS) VasemmistoliittoVänsterförbundet
|
244 009 | 8,8 | 17 | -33 143 | -1,1 | -2 | |
Ligue verte | (VIHR) Vihreä liittoGröna förbundet
|
233 930 | 8,5 | 15 | +10 366 | +0,4 | +1 | |
Parti démocrate-chrétien | (KD) KristillisdemokraatitKristdemokraterna
|
134 643 | 4,9 | 7 | -14 344 | -0,5 | 0 | |
« Parti suédois du peuple » | (RKP) Ruotsalainen Kansanpuolue(SFP) Svenska Folkpartiet |
125 387 | 4,5 | 9 | -3 437 | -0,1 | +1 | |
« les Vrais Finnois » | (PS) PerussuomalaisetSannfinländarna
|
112 099 | 4,1 | 5 | +68 283 | +2,5 | 2 | |
Parti communiste de Finlande |
(SKP) Suomen kommunistinen puolueFinlands kommunistiska parti
|
18 266 | 0,7 | 0 | -2 813 | -0,1 | 0 | |
Parti des citoyens seniors | (SSP) Suomen SenioripuolueFinlands seniorparti
|
16 674 | 0,6 | 0 | +11 328 | +0,4 | 0 | |
Groupes indépendants | (MUUT) |
12 523 | 0,5 | 1 | -1 049 | 0,0 | 0 | |
Parti de l'indépendance | (ITSP) ItsenäisyyspuolueSjälvständighetspartiet
|
5 579 | 0,2 | 0 | parti inexistant en 2003 | |||
« Bleus-blancs de Finlande » | (SKS) Suomen Kansan SinivalkoisetFinlands Folkets Blåvita
|
3 916 | 0,1 | 0 | -663 | 0,0 | 0 | |
Libéraux | (LIB) LiberaalitLiberalerna
|
3 252 | 0,1 | 0 | -5 524 | -0,2 | 0 | |
« Pour les pauvres » | (KÖY) Köyhien AsiallaFör de fattigas väl
|
2 505 | 0,1 | 0 | +1 057 | 0,0 | 0 | |
« Pour la paix et le socialisme-Parti communiste des travailleurs » | (KTP) Rauhan ja Sosialismin puolesta – Kommunistinen TyöväenpuolueFör Fred och Socialism - Kommunistiska Arbetarparti
|
2 120 | 0,1 | 0 | -788 | 0,0 | 0 | |
Parti finnois des travailleurs | (STP) Suomen TyöväenpuolueFinlands Arbetarparti
|
1 765 | 0,1 | 0 | parti inexistant en 2003 | |||
« Mouvement patriotique » | (SIK) Suomen Isänmaallinen kansanliikeFinlands fosterländska folkrörelse
|
821 | 0,0 | 0 | -1 819 | -0,1 | 0 | |
? | (YVP) Yhteisvastuu puoluePartiet för gemensamt ansvar
|
161 | 0,0 | 0 | -243 | 0,0 | 0 | |
Totaux | 2 771 479 | 100,0 | 200 | -20 278 | 0,0 | 0 |
Résultats provisoires tels que consultés sur le site de la radio-télévision publique YLE :
Les résultats définitifs seront publiés ultérieurement.
Le centenaire de 1907
Les Finlandais ont par ailleurs célébré, jeudi et vendredi le centenaire des premières élections au suffrage universel qui, en 1907, s'étaient déroulées dans un pays qui n'était encore qu'un grand-duché rattaché à l'empire de Russie. Le scrutin des 15 et 16 mars 1907 avait été l'occasion d'une double première sur le continent européen : il s'agissait des premières élections au suffrage universel auxquelles femmes pouvaient participer [2], mais aussi auxquelles elles pouvaient se porter candidates. 19 femmes avaient d'ailleurs été élues cette année-là, aux côtés de 181 hommes.
- ↑ Source : page (en anglais) « Voting in Advance », sur le site du ministère finlandais de la Justice.
- ↑ La Commune de Paris, en 1871, avait projeté d'accorder le droit de vote aux femmes, mais le projet n'avait pas eu le temps d'être concrétisé.
Sources
- Sources anglophones
- ((en)) – Karl Ritter, pour AP, « Governing Center Party edges opposition in Finnish election ». news.independent.co.uk, 19 mars 2007.
- ((en)) – Dpa, « Ruling parties stumble in Finnish parliamentary elections ». Monsters and Critics, 19 mars 2007.
- ((en)) – BBC News, « Finnish PM in razor-thin poll win ». BBC News, 18 mars 2007.
- ((en)) – John Acher, « Finns vote in neck-and-neck election ». Reuters, 18 mars 2007.
- Sources francophones
- ((fr)) – Tarmo Virki, pour Reuters, « Discussions sur un nouveau gouvernement de coalition en Finlande ». Lemonde.fr, 19 mars 2007.
- ((fr)) – Rex Merrifield, pour Reuters, « Les législatives en Finlande s'annoncent très serrées ». NouvelObs.com, 17 mars 2007.