France : Éric Raoult exige un droit de réserve de la part des lauréats du prix Goncourt

Publié le 12 novembre 2009
Éric Raoult, député UMP, a exigé un devoir de réserve de la part des lauréats du Prix Goncourt. L'élu de la majorité présidentielle s'est notamment ému des propos de Marie NDiaye, dernière lauréate du prix littéraire. L'intéressée avait qualifié l'atmosphère la France de Nicolas Sarkozy de « détestable atmosphère de flicage ».

Une question écrite datée du 10 octobre 2009 énonce « le devoir de réserve, dû aux lauréats du prix Goncourt. En effet, ce prix, qui est le prix littéraire français le plus prestigieux, est regardé en France, mais aussi dans le monde, par de nombreux auteurs et amateurs de la littérature française. »

Bernard Pivot : Le devoir de réserve des écrivains n’existe pas

 
Bernard Pivot, membre de l'académie Goncourt

Cette déclaration suscite la polémique de la part des élus de l'opposition et de plusieurs chroniqueurs. Ainsi, Bernard Pivot, membre de l'Académie Goncourt, a notamment déclaré que « Le devoir de réserve des écrivains n’existe pas, il n’a jamais existé et dans un pays démocratique, il n’existera jamais. » Interrogé par le Nouvel Obs, l'intéressé rappelle que le député UMP « invoque quelque chose qui n'a jamais existé, n'existe pas et, grâce à Dieu, n'existera jamais. » Et de rappeler qu'il « n'est nulle part inscrit dans les statuts de l'Académie Goncourt qu'elle aurait à choisir des auteurs n'affichant qu'une neutralité inodore et incolore. Le choix se fait en fonction de la qualité d'un roman, sans se soucier des opinions politiques, philosophiques ou religieuses de son auteur. » « Monsieur Éric Raoult n'a tout de même pas demandé qu'on aille arrêter Marie NDiaye à Berlin pour la mettre en prison. On voit surtout que cet homme ne connaît vraiment rien au milieu littéraire… » conclut-il en substance.

Dans sa chronique dans Le Bien Public, Philippe Croly relève « une énormité qui laisse sans voix. » « Aussi hésite-t-on entre deux attitudes. En rire, si l'on songe au ridicule de cette position qui voudrait qu'un écrivain, lauréat d'un prix entièrement privé, devrait un droit de réserve, comme un membre de la fonction publique, ce qu'elle n'est pas (…) ». Et d'ajouter : « Ou en pleurer, quand on se demande si ce point de vue ne risque pas d'être partagé », évoquant une sorte de « ballon-sonde, certes ridicule, mais qui permettra (…) » de faire passer en douceur des idées « menaçant les fondements même de la liberté d'expression ».

L'affaire devient politique

 
Éric Raoult

Le parti socialiste s'est saisi de l'affaire. Christian Paul, député, accuse Éric Raoult de censure exécrable, de « violenter la liberté d'expression, donc notre liberté tout court ». Il évoque une « ignoble intimidation » envers la lauréate. « Je lui demande, pour notre pays et son histoire, de retirer ses propos, et au ministre de la Culture de faire son devoir en condamnant cette dérive » a-t-il ajouté.

Marie Ndiaye persiste et signe

Interrogée sur Inrocks.com, Marie Ndiaye persiste dans ses propos. « Le droit de réserve ne s’applique qu’aux fonctionnaires de l’État, et je ne suis pas employée de l’État en ayant obtenu le Goncourt. Je rappelle par ailleurs que notre entretien remonte à plusieurs mois avant le Goncourt, mais quand bien même…  » confie-t-elle.

Sources