France : Jean-Louis Debré nommé président du Conseil constitutionnel, à l'occasion du renouvellement triennal
Publié le 24 février 2007
Comme tous les trois ans à la même époque, les trois principaux personnages de la République française (dans l'ordre protocolaire), ont annoncé, vendredi 23 février 2007, le renouvellement du « tiers sortant » du Conseil constitutionnel, nommé en février 1998. À l'occasion de ce renouvellement triennal, Jean-Louis Debré, jusqu'ici président de l'Assemblée nationale, a été nommé à la présidence du Conseil constitutionnel, remplaçant Pierre Mazeaud, qui assurait cette fonction depuis le 8 mars 2004 [1].

Les nominations
- Jacques Chirac, président de la République, a nommé Jean-Louis Debré en remplacement de Pierre Mazeaud ;
- Christian Poncelet, président du Sénat, a nommé Renaud Denoix de Saint Marc, en remplacement de Simone Veil ;
- Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale pour quelques jours encore (jusqu'à sa prise de fonction au Conseil constitutionnel), a nommé Guy Canivet en remplacement de Jean-Claude Colliard.
Les trois nouveaux membres devraient prêter serment le 5 mars prochain au palais de l'Élysée, au cours d'une cérémonie présidée par Jacques Chirac. Leur mandat est de neuf ans, et il devraient rester membres du conseil jusqu'en mars 2016.
Par ailleurs, dans une décision séparée du président de la République, les fonctions de président du Conseil constitutionnel seront dévolues à Jean-Louis Debré, pour une période que la constitution française ne fixe pas [2]
Les deux décisions du président de la République (nomination de Jean-Louis Debré comme membre et comme président) sont datées du 23 février, les décisions des présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale sont datées du 22 février.
La composition du Conseil
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Dans l'éventualité d'une non-candidature de Jacques Chirac au renouvellement de son mandat de président de la République, hypothèse qui semble actuellement la plus probable, sauf énorme surprise, le Conseil constitutionnel comporterait, à partir du 17 mai 2007, terme du second mandat du chef de l'État, un second membre de droit, en sa qualité d'ancien président de la République.
Les observateurs de la vie politique française s'attendent à ce que le chef de l'État fasse explicitement part de ses intentions à ce sujet dans le courant de la prochaine quinzaine. Le suspense éventuel sera de toute façon clos le 16 mars prochain, date limite de dépôt auprès du Conseil constitutionnel des formulaires de parrainage des candidats à la présidence de la République et, formellement, le 20 mars, lorsque le Conseil rendra publique la liste des candidats ayant rempli les conditions nécessaires pour concourir au scrutin du 22 avril (la principale étant de recueillir 500 signatures d'élus nationaux et locaux).
Les nouveaux membres
Jean-Louis Debré
Jean-Louis Debré, âgé de 61 ans, est un « fidèle entre les fidèles » de Jacques Chirac. Depuis le 25 juin 2002, il exerçait les fonctions de président de l'Assemblée nationale.
M. Debré est l'un des fils de Michel Debré, principal rédacteur de la Constitution de la Cinquième République, durant les quelques mois où il fut garde des sceaux, ministre de la Justice (en 1958-1959), Premier ministre de 1959 à 1962 puis, successivement, ministre de l'Économie et des Finances (de 1966 à 1968), ministre des Affaires étrangères (en 1968-1969) et ministre de la Défense (de 1969 à 1973).
Avant de se tourner vers la politique, dans le courant des années 1980, Jean-Louis Debré s'était d'abord consacré à la magistrature, notamment comme substitut au parquet d'Évry puis comme juge d'instruction.
Ses premières incursions dans la vie politique datent des années 1970, d'abord comme conseiller technique, en 1973-1974, dans le cabinet du ministre de l'Agriculture de l'époque, un certain... Jacques Chirac, puis lorsqu'il fut un temps, à la fin des années 1970, directeur de cabinet du ministre du Budget, Maurice Papon.
Toutefois c'est à partir de 1986 que Jean-Louis Debré choisit de se consacrer pleinement à la politique, en étant, cette année-là, élu pour la première fois député du département de l'Eure, sous l'étiquette du RPR, dans un scrutin à la proportionnelle. Depuis lors, dès le retour du scrutin uninominal majoritaire à deux tours en 1988, il a été réélu dans ces fonctions dans tous les scrutins (1988, 1993, 1997 et 2002).
Au niveau local, il a commencé à s'intéresser 1989, à la ville d'Évreux, alors gérée par une municipalité Parti communiste français, en se faisant élire conseiller municipal d'opposition. En 1995, il choisit de se présenter aux municipales à Paris, et sera adjoint au maire Jean Tiberi jusqu'au 1er juin 1997.
Dans le même temps, il fait son entrée au gouvernement, comme ministre de l'Intérieur, dans les deux gouvernements dirigés par Alain Juppé puis, après la dissolution de l'Assemblée nationale et la victoire de la gauche le 1er juin 1997, retrouve les bancs de l'Assemblée nationale.
Le 25 juin 2002, il est élu président de l'Assemblée nationale, à l'issue d'un scrutin interne qui l'opposé à Édouard Balladur, ancien Premier ministre de 1993 à 1995 et adversaire malheureux de Jacques Chirac lors de l'élection présidentielle de 1995. Durant presque cinq années passées au « perchoir » de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré s'est attaché à protéger les droits de l'opposition socialiste et communiste, ce qui conduit nombre de ses représentants à lui rendre aujourd'hui un hommage appuyé. Il s'est voulu également, dans une certaine mesure, économe des deniers du contribuable, ce qui l'a ainsi conduit, lors du dernier Congrès du Parlement à Versailles lundi 19 février, à rogner sérieusement sur les dépenses traditionnelles faites à cette occasion. Il porte également la paternité de nombreuses modifications dans le fonctionnement interne de l'assemblée.
À la différence de son père, qui n'a jamais été un proche de Jacques Chirac, au point de se présenter à l'élection présidentielle de 1981 en candidat indépendant de celui qui était à l'époque président du RPR, Jean-Louis Debré s'est toujours montré un allié inconditionnel de l'actuel président de la République, qui semble ainsi le « récompenser » pour sa fidélité.
Dans l'éventualité d'une possible élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, nombre d'observateurs se plaisent à penser que l'actuel ministre de l'Intérieur ne bénéficierait d'aucune complaisance de la part de Jean-Louis Debré. Ses rapports plus que distants avec le président de l'UMP, voire son hostilité à son encontre, sont notoires. Toutefois M. Debré, depuis l'officialisation de la candidature de Nicolas Sarkozy le 14 janvier dernier lors du congrès extraordinaire à la Porte de Versailles, et alors qu'il n'avait pas ménagé auparavant ses critiques à l'encontre du ministre de l'Intérieur, s'est tenu à une certaine réserve, qu'il ne devrait probablement plus quitter désormais, compte tenu des nouvelles fonctions qui vont être les siennes.
Renaud Denoix de Saint Marc
Renaud Denoix de Saint Marc, nommé par Christian Poncelet, président du Sénat, est lui aussi un juriste. Âgé de 68 ans, M. Denoix de Saint Marc a passé de longues années au sein du Conseil d'État, où il est entré comme auditeur en 1964, avant d'être nommé maître des requêtes en 1972. De 1978 à 1982, il intègrera un temps les cabinets ministériels, notamment comme directeur adjoint du cabinet d'Alain Peyrefitte, garde des sceaux, ministre de la Justice, en 1978 et 1979, puis la haute administration du ministère de la Justice, comme directeur des affaires civiles et du Sceau, de 1979 à 1982.
L'année 1983 marque son retour au Conseil d'État, jusqu'en 1986, date à laquelle il est nommé secrétaire général du gouvernement, fonction qu'il occupera jusqu'en 1995. Enfin, entre avril 1995 et octobre 2006, il exercera les fonctions de vice-président du Conseil d'État, avant de prendre une retraite qui, finalement, s'est avérée de courte durée.
Guy Canivet
Guy Canivet, nommé par Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, est magistrat de profession. Âgé de 63 ans, M. Canivet a gravi tous les échelons de la magistrature, avant d'accéder, le 2 juillet 1999, aux fonctions de premier président de la Cour de cassation.
Il a contribué à la fondation de l'Association des présidents des cours suprêmes judiciaires de l'Union européenne, et en assumait jusqu'ici la présidence.
Parallèlement, il a également enseigné certaines matières du droit, notamment auprès de l'Université Paris V-René Descartes puis à l'Institut d'études politiques de Paris.
Il est fréquemment décrit comme un magistrat particulièrement attaché à l'indépendance de la justice, et certains analystes lui prédisent déjà un rôle de garde-fou vigilant face au futur hôte de l'Élysée, quel que soit le nom de l'élu(e) du 6 mai prochain.
Les sortants
Pierre Mazeaud, âgé de 77 ans, nommé par Jacques Chirac en 1998 et qui exerçait la présidence du Conseil constitutionnel depuis mars 2007, n'avait pas caché ses réticences vis-à-vis de la nomination annoncée de Jean-Louis Debré. La carrière politique de l'ancien alpiniste est probablement terminée, mais son élection, en 2005, à l'Académie des sciences morales et politiques ne le laissera sans doute pas désœuvré.
Simone Veil, âgée de 79 ans, nommée par René Monory en 1998, est annoncée, depuis le 14 janvier dernier, comme future présidente des comités de soutien à la candidature présidentielle de Nicolas Sarkozy. Il est peu probable qu'elle exerce désormais de hautes fonctions institutionnelles, mais est encore susceptible d'œuvrer auprès de diverses organisations à vocation internationale.
Jean-Claude Colliard, âgé de 60 ans, nommé par Laurent Fabius en 1998, pourrait à nouveau se consacrer à une carrière universitaire.
- ↑ Pierre Mazeaud n'a assuré la présidence du Conseil constitutionnel que durant les trois dernières années de son mandat de neuf ans. Auparavant, du 1er mars 2000 au 8 mars 2004, la présidence était exercée par Yves Guéna, nommé membre en 1997 par le président du Sénat de l'époque, René Monory, pour le restant du mandat d'Étienne Dailly, nommé en mars 1995 et décédé en cours de mandat. Jacques Chirac avait nommé Yves Guéna à la présidence après la démission de la présidence du Conseil constitutionnel – et du Conseil lui-même – de Roland Dumas, qui en assurait la présidence depuis sa nomination par François Mitterrand en mars 1995. Yves Guéna est le seul président du Conseil constitionnel dont le mandat initial de membre n'émanait pas d'une nomination faite par le président de la République.
- ↑ Le texte de référence est l'article 56 de la constitution du 4 octobre 1958, qui dispose que :
- Le Conseil Constitutionnel comprend neuf membres, dont le mandat dure neuf ans et n'est pas renouvelable. Le Conseil Constitutionnel se renouvelle par tiers tous les trois ans. Trois des membres sont nommés par le Président de la République, trois par le Président de l'Assemblée Nationale, trois par le Président du Sénat.
- En sus des neuf membres prévus ci-dessus, font de droit partie à vie du Conseil Constitutionnel les anciens Présidents de la République.
- Le Président est nommé par le Président de la République. Il a voix prépondérante en cas de partage.
Sources
- Sources francophones
- ((fr)) – Collectif, « Liste des membres du Conseil constitutionnel français ». Wikipédia, 24 février 2007.
- ((fr)) – Collectif, « Jean-Louis Debré ». Wikipédia, 24 février 2007.
- ((fr)) – Collectif, « Renaud Denoix de Saint Marc ». Wikipédia, 23 février 2007.
- ((fr)) – Collectif, « Guy Canivet ». Wikipédia, 23 février 2007.
- ((fr)) – Reuters, « Jean-Louis Debré nommé à la tête du Conseil constitutionnel ». Reuters, 23 février 2007.
- ((fr)) – Patrick Roger, « Jean-Louis Debré : La République en héritage ». Le Monde, 21 février 2002.(édition imprimée datée du 22 février)
- ((fr)) – « Trois nouvelles têtes pour le Conseil constitutionnel ». Libération (journal), 24 février 2007.
- ((fr)) – Nicole Gauthier, « Jean-Louis Debré, le grognard ». Libération (journal), 24 février 2007.
- ((fr)) – Nicole Gauthier, « Renaud Denoix de Saint Marc, le haut fonctionnaire ». Libération (journal), 24 février 2007.
- ((fr)) – Jacqueline Coignard, « Guy Canivet, le moine du droit ». Libération (journal), 24 février 2007.
- ((fr)) – Alain Baron, « Jean-Louis Debré nommé président du Conseil constitutionnel ». LaTribune.fr, 23 février 2007.
- ((fr)) – Associated Press, « Jean-Louis Debré est nommé président du Conseil constitutionnel ». NouvelObs.com, 24 février 2007.
- ((fr)) – AP, « Portrait : Jean-Louis Debré ». NouvelObs.com, 23 février 2007.
- ((fr)) – AFP, « Portrait : Renaud Denoix de Saint Marc ». NouvelObs.com, 23 février 2007.
- ((fr)) – AFP, « Portrait : Guy Canivet ». NouvelObs.com, 23 février 2007.