France : la régularisation d'un médecin rwandais recherché pour génocide embarrasse l'UMP

Publié le 20 octobre 2009
Une polémique en chasse une autre. Après l'affaire Jean Sarkozy à l'EPAD ou des nouveaux décrets sur les fiches de police, c'est le Rwanda qui est à l'honneur. Le député UMP Thierry Lazaro avait sollicité du ministère de l'Intérieur la régularisation d'un médecin rwandais. Le praticien, Eugène Rwamucyo, a pu obtenir un titre de séjour et exercer sa profession en tant que médecin du travail à l'hôpital de Maubeuge, en mai 2008. Auparavant, il a travaillé successivement au centre hospitalier régional universitaire de Lille et au centre anti-poison sur des données informatiques en toxicologie, toujours dans cette localité.

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Génocide au Rwanda.
Ossement des victimes du génocide au Rwanda

Tout serait bien dans le meilleur des mondes si l'intéressé n'avait pas adressé des propos désobligeant à une de ses patientes (infirmière) concernant son embonpoint. N'ayant que très modérément apprécié ses remarques, elles a demandé à son époux de rechercher sur Internet des renseignements sur ce médecin. Et Google donne sa réponse : Depuis 2006, Eugène Rwamucyo fait l'objet d'investigations de la part d'Interpol pour génocide au Rwanda. Selon le journal Le Monde, « l'ancien médecin-chef du centre universitaire de santé publique de Butare (sud du Rwanda) n'est connu que d'un petit cercle de militants des droits de l'homme et de magistrats ». Bien qu'il soit fiché en « notice rouge », la catégorie la plus grave en matière de recherches Interpol, les États n'ont aucune obligation de l'arrêter, note toujours le quotidien du soir. Abasourdie, l'infirmière alerte sa section syndicale Sud-santé de son hôpital. Cette dernière en informe la police et la presse.

En février 2008, une information judiciaire a été pourtant lancée par le Parquet de Paris sur ses activités au Rwanda. L'affaire en est resté là. Aucune mise en examen, ni mise sous contrôle judiciaire n'a été prononcée.

Embarras pour l'UMP

Le député, Thierry Lazaro, impliqué dans sa régularisation se défend :« J’ai saisi plusieurs ministres en sa faveur. On ne peut infirmer ou confirmer son implication dans le génocide. J’ai la conviction qu’il n’y est pour rien. À l’époque, j’ai cru de bonne foi qu’il était vulnérable. ». Interrogé par la presse, il évoque aussi des « interventions en haut lieu ». Il reconnaît, en substance, l'avoir reçu fin 2005. « Il a eu l'honnêteté de me dire qu'il était sous le coup de recherches par Interpol, manipulé à ses yeux par le régime rwandais de Kigali. Il m'a dit n'avoir jamais participé au génocide. »

En outre, il révèle qu'il « n'a pas été le seul parlementaire à intervenir auprès du directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur de l'époque (Nicolas Sarkozy) ».

Le journal rwandais, SundayTimes, rappelle, que la demande d'asile de Rwamucyo avait été rejetée par les autorités françaises en 2003 en raison des fortes présomption sur sa participation au génocide, de son appartenance au RDR. « Mais avec l'aide de ce député du Nord, Thierry Lazaro, il a réussi à obtenir ses papiers », note le journal.

En tout état de cause, cette nouvelle affaire met Paris dans l'embarras. La France est accusée par les autorités rwandaises d'avoir participé au génocide en 1994.

Eugène Rwamucyo se défend

L'hôpital a suspendu, à titre conservatoire, Eugène Rwamucyo. Ce dernier nie les accusations portées contre lui. « C'est une affaire vieille de plusieurs années. Des associations qui voulaient me nuire ont déposé une plainte devant la justice. (…) Des gens affirment que j'ai participé au génocide mais ce n'est pas moi, je ne m'y reconnais pas. (…) c'est une affaire politique orchestrée par le pouvoir en place au Rwanda. » confie-t-il à La Sambre.

En outre, il nie d'avoir été médecin-chef au Centre universitaire de santé à Butare durant le génocide. « J'étais un simple professeur. Je me suis rendu sur mon lieu de travail jusqu'à ma fuite en République démocratique du Congo, le 14 juillet 1994 ». ajoute-t-il.

Interrogé sur son appartenance au RDR, impliqué dans ce génocide, « Je ne m'exprimerai pas sur des questions politiques », a-t-il répondu.

L'affaire devient politique

Le dossier prend une tournure politique. Ainsi, Marine Le Pen en profite pour fustiger une « nouvelle affaire de passe-droit serait restée inaperçue s’il ne s’agissait pas du Docteur Eugène Rwamucyo, recherché par Interpol pour génocides et crimes de guerre au Rwanda ». Sur un ton plus polémique, elle relève qu'une « simple recherche sur internet a pourtant permis à une infirmière de découvrir qu’Eugène Rwamucyo est fiché en “notice rouge”, catégorie la plus élevée dans la grille d’Interpol. Cette affaire démontre que non seulement l’UMP n’expulse pas les criminels mais les régularise !  » Toujours dans le même ton, elle juge le comportement du député UMP « indigne d’un élu de la République et démontre son irresponsabilité ». Puis d'inviter à l'UMP À « s’expliquer dans cette grave affaire qui démontre une fois encore que la loi peut-être stoppée, accélérée ou contournée sur un simple coup de fil des élites ».

Le MRAP s'étonne, lui aussi, « la question des complicités dont bénéficiaient – et continuent de bénéficier – les planificateurs du génocide » au Rwanda. L'association demande, « avec force, que tous les génocidaires probables qui mènent actuellement une vie tranquille en France soient enfin poursuivis. Les complicités dont ils ont bénéficié en France, et qui ont pu entraver le bon fonctionnement de la justice nationale et internationale, doivent également faire l’objet d’une enquête rigoureuse. »

Le maire socialiste de Maubeuge, Rémi Paunos, reste lui aussi perplexe. « Je m'interroge beaucoup sur le fait que cette personne recherchée par Interpol, classée rouge par la classification d'Interpol, puisse bénéficier de cette carte de séjour », a-t-il déclaré. Et d'ajouter : « Moi, j'attends de l'État français qu'il vérifie si ce monsieur est un criminel ou pas. S'il l'est, il n'a rien à faire ici, il n'a rien à faire en France. »

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Sources


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