France : les médecins du travail dénoncent les méthodes de gestion du personnel à La Poste

Publié le 3 juin 2010
Le Télégramme de Brest a rendu public une lettre du syndicat des médecins du travail adressée au président de La Poste. Les praticiens dénoncent les méthodes de gestion du personnel au sein de l'entreprise, désormais privée. Issue de feu l'administration des PTT, cette dernière a été transformée en EPIC avant la réforme de 2010 la convertissant en société anonyme. L'État détient – provisoirement – la totalité du capital avant sa privatisation définitive dans les prochaines années.

Un rapport vivement contesté par la Poste

Le courrier en question, rendu disponible par le Télégramme de Brest, a été vivement contesté par La Poste. Pascale Duchet-Suchaux, directrice de la prévention de la santé et de la sécurité au travail, qualifie le document d'« abrupt et très catégorique (…) Nous comptons 300 000 collaborateurs. Ils sont le reflet assez exact de la population française. Ils rencontrent les mêmes difficultés : maladie, divorce, sida ». Visiblement sur la défensive, la direction argue « pour sa défense, la direction invoque aussi tous les moyens mis à disposition pour accompagner ses employés dans leurs difficultés au quotidien et les efforts mis en œuvre dans l'amélioration de leur vie au travail. », écrit le Parisien.

Les syndicats appuient les médecins du travail

 
Boîte aux lettres.

Or les affirmations des médecins sont confirmées par les syndicats. Dans une interview accordée au Télégramme, le syndicat SUD-PTT dénonce : « nous voyons la situation physique et mentale des postiers se dégrader de manière hyper inquiétante. (…) énormément de tentatives de suicide que notre direction a pu cacher. Car, contrairement à France Télécom, il y a de nombreux petits établissements à La Poste. Tous les jours des gens nous appellent pour nous dire que La Poste exerce des pressions pour qu'ils démissionnent. De plus en plus de postiers ont des problèmes physiques et sont déclarés inaptes. Avant, les possibilités de reclassement interne existaient mais, aujourd'hui, La Poste ne l'accepte plus. Résultat, les médecins sont accablés. Celui des Côtes-d'Armor m'appelle au moins une fois par semaine pour me demander d'intervenir. » Restructurations permanentes, et incertitude totale concernant l'avenir des postiers sont les maîtres mots constatés par SUD. Autre constatation, des jeunes effectuent leur tournée de facteur pendant 10 à 12 heures par jour pour n'être payée que 7. Ce non-paiement de ces heures supplémentaires avait amené des grèves au sein de la distribution, comme en 2009 à Dijon. Les facteurs demandaient le paiement de pas moins de 130 heures supplémentaires et s'étaient heurtés au refus de leur direction.

Le rapport en question

Le document en question comporte 6 pages. Plus qu'un constat, les médecins ont dressé un réquisitoire contre les méthodes de gestion du personnel. Les termes utilisés sont sans équivoques. Le document relate des différentes informations concernant la dégradation de la vie au travail à La Poste lequelles sont restées lettre morte. Sont cités, des « suicides ou des tentatives de suicides (…) exclusivement lies » à la vie professionnelles. À ce rappel, s'ajoutent un taux d'absentéisme pour maladie à des seuils sans précédant, une très forte augmentation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Puis, sont abordés un mal être consécutif aux incessantes réorganisations « rapides et consécutives. » Autre point rappelé, l'« épuisement physique et psychique » des facteurs à la suite de ces réorganisations.

Fort de ces constats, les médecins estiment que « La Poste crée des “inaptes” physiques et psychologiques. » Plusieurs fait sont relevés : la quasi-impossibilité de reclasser le « personnel » durablement, une « très fortes pression commerciale et quotidienne » exercées aux agents des guichets, sans formation. Le rapport dénonce des réorganisations « de plus en plus virtuelles, en décalage avec la réalité du quotidien sur le terrain. » Celles-ci ont eu pour effet d'accroître les difficultés, pour les agents, d'obtenir « des congés à des dates permettant de les partager avec leurs proches. » Et de dénoncer certaines mises en surnombre ou en sureffectif, « au gré des réorganisations, et selon des critères parfois injustifiés. », avec pressions sur les agents à partir en retraite ou à être mutés.

  L'indépendance du médecin du travail n'est plus assurée à La Poste. Le respect des règles éthiques et déontologiques qui s'imposent à notre profession se trouve mis en cause.  

Le rapport relève une distorsion de plus en plus évidente entre la communication officielle du groupe La Poste et la réalité du quotidien du travail. Il préconise une place plus importante des médecins du travail tout en dénonçant l'interruption « du dispositif d'évaluation et de suivi du stress professionnel (…) suite aux premiers tests et aux résultats alarmants qui en émanaient. »

Le document préconise surtout « une reconstruction du dialogue (…) délivrée des entraves répétées à notre exercice profession, délivrée des errements et postures de certains dirigeants qui compliquent nos missions. ». « L'indépendance du médecin du travail n'est plus assurée à La Poste. Le respect des règles éthiques et déontologiques qui s'imposent à notre profession se trouve mis en cause. », note le rapport accusant un « manque de moyen matériel et humains (…) une forme d'entrave à notre exercice professionnel ». Et d'ajouter que La Poste a été alertée « en 2009 par courrier d'avocat. »

Le ton de la lettre devient plus grave concernant le personnel sur « ce qui pourrait vite devenir un processus morbide, connu aujourd'hui par d'autres entreprises. » Le syndicat refuse de donner caution à « une stratégie d'entreprise ». « Une médecine du travail exerçant sa mission sans moyens, sans budget, sans personnel, dont les avis son niés ou bafoués, ne saurait éviter à elle seule une catastrophe », ajoute les médecins.

Sources


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