Fronde travailliste contre Tony Blair après la courte victoire du 5 mai

Publié le 8 mai 2005
La victoire du parti travailliste, lors des élections générales britanniques du 5 mai 2005, avait d'abord été qualifiée d'« historique », en raison de son caractère inédit : c'était en effet la première fois qu'un leader travailliste parvenait à conduire le parti à trois victoires consécutives à la Chambre des communes.

Toutefois, la majorité plus étroite que prévue (66 sièges au-dessus de la majorité absolue, sur 646, au lieu de 161 sièges dans la précédente législature) conduit de nombreux parlementaires et anciens parlementaires à s'interroger sur le maintien de leur leader à la tête du parti et, par conséquent, au 10 Downing Street (résidence du Premier ministre et siège du Cabinet).

La branche écossaise de la BBC a ainsi interrogé, dans le cadre de l'émission The Politics Show diffusée dimanche 8 mai 2005 sur BBC1 et présentée par Jeremy Vine, 24 des 32 parlementaires travaillistes élus en Écosse et n'étant pas membres du nouveau gouvernement. De cette série d'entretiens, il ressort que 16 des 32 parlementaires interrogés se prononcent en faveur d'un « passage de témoin » plus ou moins rapide de M. Blair, 4 d'entre eux espérant ce départ dans un délai d'un an tandis que les 12 autres escompteraient un délai ne dépassant pas deux ans.

20 parlementaires (sur 24) ont en outre estimé que le successeur de M. Blair devrait être Gordon Brown, l'actuel chancelier de l'Échiquier (équivalent d'un ministre de l'Économie et des Finances), tandis que 2 ont préféré ne pas se prononcer tant que d'autres candidats à la succession ne se seront pas manifestés, ajoutant que ces éventuels candidats de rechange devraient être suffisamment exceptionnels pour qu'ils ne se prononcent pas en faveur de M. Cook.

Pour 20 des parlementaires interrogés, l'Irak a certainement joué un rôle dans la majorité plus courte que prévue obtenue par les travaillistes le 5 mai. Une des prises de position les plus en vue sur le sujet d'un « bémol irakien » de l'opinion publique britannique est certainement celle de Robin Cook, qui fut secrétaire aux Foreign Office (« ministre des Affaires étrangères ») de 1997 à 2001 puis leader de la Chambre des communes et Lord President of the Council de 2001 jusqu'à sa démission spectaculaire, le 17 mars 2003, en protestation contre l'invasion de l'Irak et l'engagement militaire britannique aux côtés des États-Unis.

Après avoir tressé des lauriers « diplomatiques » au Premier ministre pour ses précédentes victoires, pour lesquelles il lui sera « toujours reconnaissant », mais aussi pour avoir hissé le parti travailliste au niveau d'un véritable parti de gouvernement (the way in which he has made the Labour Party the natural party of government), M. Cook a ainsi déclaré que « la question à laquelle Tony [Blair] devrait réfléchir ce week-end est d'avoir réussi cela, assurant ainsi sa place dans l'histoire du parti travailliste et celle de la Grande-Bretagne, et si aujourd'hui ne serait pas le meilleur moment pour passer les rênes à un nouveau leader susceptible de réaliser l'unité dont nous avons besoin pour aller de l'avant. » ([...] The question Tony [Blair] should be reflecting on this weekend is having achieved this, having secured his place in the history of the Labour Party and the history of Britain, whether now might be a better time to let a new leader in who could then achieve the unity we need if we are going to go forward.)

Par ailleurs, The Observer rapporte, dans son édition du 8 mai, qu'e « l'un des plus proches confidents de M. Blair » aurait dit que « cela [la suite des événements] dépendra de Gordon [Brown] » (it depends on Gordon), sous-entendant ainsi que si le chancelier de l'Échiquier décidait de se joindre à la fronde des parlementaires de base voire de l'instrumenter à son profit, la succession pourrait avoir lieu plus tôt que prévu. À cet égard, les Britanniques, quinze ans après le départ de Margaret Thatcher de la tête du Parti conservateur et du poste de Premier ministre, ont encore un souvenir assez vif des conditions dans lesquelles la « Dame de fer » avait dû « prendre sa retraite » après une fronde parlementaire, quoi que les circonstances de la lassitude à l'égard de Mme Thatcher aient été sensiblement différentes de celles d'aujourd'hui : la « Dame de fer » avait alors un rival extérieur au gouvernement (Michael Heseltine) et celui qu'elle avait pressenti pour lui succéder (John Major) n'avait pas pris part à la fronde parlementaire.

Il faut toutefois noter que la presse britannique semble pour le moment prudente quant à l'étendue de la fronde et aux perspectives d'un passage de témoin rapide entre MM. Blair et Brown. En outre, plusieurs membres du Cabinet, considérés comme « proches » de M. Blair, ont fait connaître leur soutien au Premier ministre contesté.

David Blunkett, secrétaire au Travail et aux Retraites, a ainsi déclaré qu'il pensait que le Premier ministre « restera en poste jusqu'au moment approprié pour l'élection d'un nouveau leader [pour le parti travailliste], dans la dernière ligne droite pour les prochaines élections législatives, dans quatre ou cinq ans » (I think he will stay until the appropriate moment for the election of a new leader and the run-into the general election in four or five years time).

En outre, deux autres membres du Cabinet, Teresa Lowell, secrétaire à la Culture, aux Médias et au Sport, et Peter Hain, secrétaire à l'Iralnde du Nord et au Pays de Galles, ont fait part de leur conviction que M. Blair irait jusqu'au terme de son mandat.

Enfin, il faut citer un ancien membre du Cabinet, Frank Hield, ancien ministre de la Réforme du système de santé, très critique envers M. Blair depuis son limogeage du gouvernement en 1998, qui affirme d'une part que le « problème Blair » (The Blair factor) se poserait déjà depuis longtemps au parti, d'autre part qu'il existerait désormais, au sein du Labour, deux factions (two gangs) en compétition, et qui, pour finir, se risque à penser que les deux camps pourraient chercher à se tourner vers une personnalité « non engagée ».

Sources

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