Génocide au Rwanda : la justice française autorise l’accès aux archives présidentielles

Publié le 12 juin 2020
Le chercheur français, François Graner, a obtenu du Conseil d'État, le droit de pouvoir consulter les archives de François Mitterrand, président de la République pendant le Génocide des Tutsi au Rwanda en 1994. Le chercheur, spécialiste du rôle de la France pendant cette période, s'était auparavant confronté au refus de la justice et du ministère pour pouvoir étudier des dossiers classés « secret-défense ».

Militaires français à Kigali au Rwanda en aout 1994
Militaires français à Kigali au Rwanda en aout 1994

Ces documents, regroupant des notes des conseillers du Président et des comptes rendus de réunions du Gouvernement, sont dans les archives nationales depuis 25 ans et auraient dû continuer à être classés au moins jusqu'en 2055 (délai de 60 années après la signature). Mais, après 5 ans de bataille judiciaire, le Conseil d'État vient de valider la demande.

« Le chercheur a un intérêt légitime à consulter ces archives pour nourrir ses recherches historiques et éclairer ainsi le débat sur une question d’intérêt public. »

Génocide au Rwanda

De 1918 à 1962, le Rwanda était sous le contrôle de la Belgique. La société était divisée entre les Hutus (84% de la population), principalement des paysans, et les Tutsis (15% de la population), plutôt des propriétaires de troupeaux. Les colons belges se sont appuyés sur les Tutsis pour gouverner, ce qui a exacerbé les tensions entre les deux ethnies. Les Hutus ont repris le pouvoir au moment de l'indépendance du Rwanda en 1962 et ont tué 10 000 Tutsis. 300 000 autres sont alors poussés à l'exil et cherchent à revenir en octobre 1990 ; c'est le début de la guerre civile. Dès 1993, l'ONU parle déjà de "purification ethnique" des Hutus envers les Tutsis, mais le génocide commence véritablement le 6 avril 1994, lorsque le président rwandais meurt dans un attentat contre son avion. Les extrémistes hutus profitent de cet événement pour prendre le pouvoir et massacrer la population tutsie.

L'Organisation des Nations unies dira par la suite que ce génocide a fait au moins 800 000 morts tutsis en l'espace de 3 mois et 10 jours.

Que peuvent nous apprendre ces archives ?

Le rôle que la France a pu jouer dans ce génocide est toujours très questionné. De nombreuses zones d'ombre subsistent, notamment dans la création du nouveau gouvernement qui s'est formé au sein de l'ambassade de France à Kigali, la capitale du Rwanda, après l'attentat. La France a par ailleurs tout de suite reconnu ce gouvernement et a même invité son ministre des Affaires étrangères à l'Élysée le 27 avril 1994, alors que les massacres avaient déjà commencé. Mitterrand était déjà au courant de la situation dans le pays, car des notes de son ambassadeur et de la Direction générale de la Sécurité extérieure parlaient déjà en 1993 de "purification ethnique".

L'autre zone d'ombre concerne le ou les responsables de l'attentat contre le président en place. Des témoins ont affirmé que des militaires français, qui étaient sur le lieu de l'accident 15 minutes après, auraient retrouvé la boite noire de l'avion sans en parler. Mais le plus gros point de controverse reste l'aide qu'a apportée la France en 1994 sous couvert de mission humanitaire. D'anciens militaires affirment que leur mission sur place était en réalité en soutien au gouvernement. Les événements de Bisesero ont également jeté le doute sur le rôle de l'armée française alors qu'elle aurait pu sauver 2 000 Tutsis lors de l'Opération Turquoise, mais a décidé de ne pas le faire. Enfin, beaucoup de chercheurs comme François Graner se poseront des questions sur la fuite des génocidaires en juillet 1994 au Zaïre, car ces derniers sont passés par une zone contrôlée par la France, la "zone humanitaire sûre".

Toutes ces questions n'auront peut-être pas de réponses claires avec l'ouverture des archives, affirme le chercheur : « On n’attend pas de scoop de ces archives, dont certaines sont déjà connues. » Le ministère français de la Culture a désormais trois mois pour lui ouvrir les archives françaises.

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