Baptiste : Quand avez-vous commencé à vous intéresser à l'informatique ? Depuis quand programmez-vous ?
Fabrice : Depuis 12/13 ans: mon premier ordinateur a été un MO6, et j'ai commencé à cet âge là à m'intéresser à la programmation. J'ai écrit mon premier programme (un jeu) en Basic, et il était tellement gros qu'il tenait sur 2 cassettes (oui, oui : cassettes). J'en ai 39, donc ça fait pas mal de temps que je m'intéresse à l'informatique. J'étais, et je continue d'être autodidacte.
Baptiste : Quel métier exercez-vous ?
Fabrice : Je suis Product Manager dans une boite d'informatique, à Madrid, donc ça reste dans le domaine, même si ça fait longtemps que je n'ai pas écrit de ligne de code pour mon boulot ! Je profite de ma participation au développement d'Ubuntu pour conserver cette fibre « technique ».
Baptiste : Vous participez au développement d'Ubuntu en tant que « MOTU ». Qu'est-ce que c'est ?
Fabrice : Les MOTUs sont les responsables des paquets (les logiciels) qui ne sont pas inclus sur des images iso, c'est à dire environ 14 000 paquets, pour Maverick. Nous sommes surtout des packagers (ceux qui construisent les paquets).
Baptiste : Devenir MOTU, ce n'est pas très facile, non ? Comment l'êtes-vous devenu ?
Fabrice : Ce n'est pas si compliqué que ça : il faut surtout bien comprendre comment fonctionne le packaging de type Debian. Et après, un fois qu'on a su convaincre les autres MOTUs que nous sommes capables de ne pas tout casser, on peut le devenir ! C'est une question d'intégration dans la communauté et de confiance des autres MOTUs. En gros, entre ma première participation au développement d'Ubuntu jusqu'à ce que je devienne MOTU, il s'est passé un an et demi, mais certains sont devenus MOTU plus rapidement (je crois que le record est à 4 ou 6 mois).
Baptiste : Comment se passe l'« admission » ? Y-a-t-il un vote (comme sur Wikipédia, pour devenir administrateur), un examen ?
Baptiste : Existe-t-il une formation pour devenir MOTU ?
Baptiste : Combien y-a-t-il de MOTU aujourd'hui ?
Fabrice : 123 MOTUs, selon Launchpad [le système de gestion de projet d'Ubuntu sur Internet], mais le nombre exacte de MOTU actif est moindre. Ça fait peu de personnes pour les 14 000 programmes maintenus par les MOTUs dans Ubuntu. Nous travaillons en étroite collaboration avec Debian, et actuellement, seules 2 000 applications venant de Debian sont adaptées pour Ubuntu. Mais ça fait quand même pas mal.
Baptiste : Comment vous organisez-vous pour travailler ? Est-ce que vous travaillez plutôt seul, ou plutôt en groupe ? Dans quelle langue ?
Fabrice : Un peu des 2 (je sais, c'est une réponse de normand). L'anglais est clairement prédominant et une grande partie de la coordination se fait par IRC, ainsi que par l'intermédiaire de
mailing lists [listes de diffusion]. Il existe une dizaine d'équipes de MOTUs, dédié à certains sujets (la liste complète apparait ici :
https://wiki.ubuntu.com/MOTU#MOTU%20Teams). Après, chaque MOTU fait ce qu'il pense être le mieux pour Ubuntu, dans la limite de ses droits, bien sûr.
Baptiste : Un Système d'exploitation, c'est très vaste... Sur quelles parties se concentrent les MOTU ? Quel est le langage utilisé ?
Fabrice : Comme je le disais avant, les MOTU sont des packagers. Cela veut dire que nous maintenons les applications présentes dans Ubuntu pour qu'elles soient compilables, installables et qu'elles fonctionnent correctement. J'aurais tendance à dire que nous sommes des intégrateurs. Nous travaillons sur les parties de l'archive qui ne sont pas seedées, c'est à dire non distribuées dans les images iso (server, UNE, desktop, kubuntu, ...). Le travail des MOTUs s'apparente à ce que fait l'équipe de QA chez Debian. Le challenge consistant à avoir les applications les plus récentes possibles sans déstabiliser Ubuntu. la notion de Universe/Main est en train de disparaitre et c'est la définition qui se rapproche le plus de ce qu'on fait maintenant.
Baptiste : Quel conseil donneriez-vous à quelqu'un voulant devenir MOTU ?
Fabrice : Être autodidacte ! Ne pas avoir honte de poser des questions. Sur IRC : j'ai « perdu » 4 mois au début en attendant que les choses arrivent toutes seules, et il faut être pro-actif.
Baptiste : Sur quoi avez-vous travaillé dans Maverick Merkaat ? Combien cela représente-t-il de temps ?
Fabrice : J'ai surtout travaillé en début de cycle à mettre à jour les applications que j'avais uploadées pendant le cycle précédent et à sponsoriser les uploads de contributeur non MOTUs. C'est important pour un MOTU de contribuer à « former » les nouvelles générations et plus on s'approchait de la fin du cycle, plus je faisais de la QA, c'est à dire corriger les applications qui ne compilent pas, ou celle qui ne sont pas installables. Ça représente 3 à 4 heures par jours, environ (en plus de mon boulot, je précise au cas où mon chef lise cela !).
Baptiste : Comment s'est passé le développement de Maverick ?
Fabrice : Relativement mieux que pour Lucid : Ubuntu a été plus stable pendant tout le développement, et pas de problèmes majeurs sont apparus (je me souviens encore que pendant le développement de Lucid, je n'ai pas pu booter mon PC pendant 2 semaines), même si le cycle était plus court (à cause de la sortie le 10/10/10).
Baptiste : À votre avis, quelles sont les meilleures innovations sur la nouvelle version d'Ubuntu ?
Fabrice : Maverick est une version de consolidation, donc il y a peu d'innovations majeures. Je pense que l'une des forces d'Ubuntu est que l'installation est simple, et les options choisies par défaut sont celles qui sont les plus recommandées. J'apprécie donc particulièrement d'avoir des versions récentes mais stables des logiciels que j'utilise régulièrement.
Baptiste : Reste-t-il encore des choses à peaufiner d'ici dimanche ?
Fabrice : Toujours, même si depuis ce midi, les uploads sont figés. Tant que la version n'est pas installée massivement, on ne découvre pas tous les bugs. Donc le mois après la sortie est aussi important que le mois avant pour la stabilisation de la version.
Baptiste : Quel est l'avenir d'Ubuntu, et quels gros projets sont en construction après la 10.10 ?
Fabrice : Tout cela va être défini pendant une réunion qui va avoir lieu à Orlando entre le 25 et le 29 octobre, qu'on appelle l'UDS (Ubuntu Developper Summit). Je ne sais donc pas ce qui va être décidé, même si certaines orientations sont connues auparavant (virtualisation, performance, compatibilité, hardware...). Tout le monde peut y aller : c'est ouvert à tout public. Par contre, vu que c'est à Orlando, ça limite.
Baptiste : Globalement, quel est votre avis sur Wikipédia ?
Fabrice : Je l'utilise régulièrement pour consulter des articles, notamment pour les devoirs de mes gamins. Pourtant, leurs profs leur interdisent de prendre du contenu et des idées sur Wikipédia ! Et sur les wikis en général : c'est un bon outil de travail collaboratif, que j'ai mis en place dans la boite dans laquelle je travaille pour certains sujets.
Baptiste : Merci pour cette interview, et bonne continuation !
Fabrice : De rien : ce fut un plaisir !