JLG France : les employés menacent d'exploser plusieurs machines

Publié le 17 juillet 2009
Après New Fabris et Nortel, les salariés de JLG à Tonneins en France (47) menacent de faire sauter des machines. Cet article est issue de sources journalistiques ainsi que de l'interview par Wikinews d'un employé de JLG, ayant souhaité resté anonyme.

Situation

Un plan social annoncé en avril implique le licenciement de 53 des 163 employés, tandis que le sort des 110 autres n'est pas assuré.

JLG tonneins, largement bénéficiaire les années précédentes et rachetée en 2007 par un grand groupe américain, a depuis l'été 2008 une production très réduite du fait de la crise du secteur de la construction. Aussi, malgré les excellents chiffres des années passées, la direction américaine a ordonné de larges coupes dans l'entreprise.

Les pratiques de l'entreprise, renouvelant de très couteux avantages comme des voitures de fonctions pour ses plus haut salaires, font taches, comparées aux sacrifices, au silence, et à la dignité demandée par la direction aux licenciés.

La direction proposait une prime de 3.000 €. Les salariés, conscient des larges bénéfices produit par leur travail, souhaitent des primes de départ en rapport avec la richesse qu'ils ont produits. Leur délégation réclamait une prime "supra-légale" de 30.000 euros. Les négociations se sont rendues à 16.000 € Jeudi 16 juillet. Dans la nuit de jeudi à vendredi, un accord aurait été signé pour 30.000€ de prime au départ.

Interview

 
Photographie des machines menacées, Tonneins, France.
 WN 
Pouvez vous expliquer d'où s'inspirent les salariés de JLG pour faire de telles menaces ?
 Employé 
Après 3 mois de négociations avec des avancées très faibles, on a vu la nécessité de donner un coup « médiatique » à notre conflit. Les conflits récents avec des menaces similaires, relayés dans les grands médias, se sont prouvés productifs. Nous avons été poussés par une proposition de prime de licenciement dérisoire (3 000€) aux vues de la richesse produite par notre travail ces dernières années, et par la menace que fait peser ces licenciements sur nos familles. La responsabilité incombe aussi au refus initial (ces 4 derniers mois) de notre direction de négocier une prime digne, le mouvement au sein de notre entreprise s'est donc déplacé sur le plan médiatique, par le biais d'un exemple visuel percutant. Des machines issues et conçues dans nos ateliers ont été entourés de 2 puis 4 bouteilles de gaz. L'effet visuel était créé.


 WN 
Vous demandez de plus larges primes, mais dans le contexte de crise du bâtiment, l'entreprise JLG a-t-elle les moyens de les verser ?
 Employé 
JLG fait partie du groupe OSK (Oshkosh). Le groupe a racheté JLG en 2007 du fait de sa très bonne santé économique. L'année 2006 avait été très bonne, l'exercice 2007-2008 a été excellente pour JLG, obtenant ses meilleurs chiffres ! Donc oui, face à 2007-2008, les résultats à venir (2009, 2010) sont très médiocres. Mais nous comparons ici à des années exceptionnellement lucratives ! La crise semble pouvoir être traversée en se serrant la ceinture. Ce n'est pas la solution choisie. La solution choisie est une coupe large parmi les techniciens et les employés de la base, quasi exclusivement, alors qu'ils sont les moins couteux. Oui, JLG France a les moyens de faire une meilleure gestion de cette crise. Cela demanderait que tous se serrent la ceinture, ce qui ne semble pas la stratégie choisie par la direction. D'où l'accumulation de tension au sein de l'entreprise.


 WN 
Quel regard avez-vous sur la situation présente et la hausse des tensions ? Est-ce moralement légitime ?
 Employé 
Ces licenciements sont vécus comme autant de sanctions, alors que ceux qui ont fait des fautes sont toujours protégés dans les hautes sphères. Les dirigeants avec hauts salaires semblent hélas souvent plus soucieux de leurs progressions professionnelles, de satisfaire les ordres venus de l'étranger, que d'efficacité et de pragmatisme. L'obéissance passive aux directives américaines que l'on perçoit est difficile à accepter.
Les choses doivent changer dans l'avenir, le cap doit être corrigé pour permettre la bonne santé de l'entreprise JLG : nous en sommes bien conscient. Mais les changements engagés, les licenciement massifs ressemblent plus à un élagage brutal et symbolique de la base salariale de l'entreprise, sans toucher, ni réduire les coûts, ni augmenter l'efficacité des postes les mieux payés.
Les 10 plus gros salaires de JLG France aurait obtenus 17% d'augmentation pour l'exercice 2008. Le cas du couteux parc de voitures de fonction qu'il n'est pas prévu de réduire, est un autre cas étrange dans la crise actuelle. Bizarrement, du coté des techniciens et employés de bases, on ne nous proposa pas d'augmentations similaires : on nous proposait des licenciements économiques avec 3 000€ de prime.
Si ceci est légal, ce n'est pas moralement acceptable. Une entreprise est un organisme, un tout, tenu par des contrats de salaire assurant le travail et la fidélité des employés, mais aussi par un contrat moral, de bonne gouvernance, d'équité, d'efficacité. Ces conditions morales ne nous semblent plus présentes. La proposition de 3 000€ de prime était ridicule. Il y a une volonté des employés de travailler, et derrière ces employés à licencier des familles qui veulent continuer à avancer, éduquer leurs enfants, continuer à habiter dans leur foyer, vivre dignement.
La montée des tensions est déplorable. Nous aurions tous préféré un accord amiable et décent dès les débuts du conflit. Les tensions sont le fruit de deux forces, toutes deux pareillement responsables :
  • la connaissances des employés que nous sommes de la richesse produite par notre travail durant les années récentes, et de notre fierté ;
  • le refus franc de la direction dans ce contexte de dislocation de l'entreprise d'organiser une distribution descente de cette richesse.
Nous sommes heureux de voir que la situation s'est dénouée cette nuit par une sortie digne et juste pour tous.


 WN 
Avez-vous envisagé d'autres moyens de pression, et avez-vous des contacts avec d'autres mouvements « durs » comme le vôtre ?
 Employé 
Oui, bien sûr ! Mais nous sommes piégés par la situation d'apathie générale, de faible syndicalisation, et par la psychologie des médias qui ne s'intéressent qu'au spectaculaire ! Nous avons d'abord tenté 3 mois de négociations, nous n'avons rien obtenu ou presque. Dans un second temps, nous nous sommes engagés dans 3 semaines de grève totale et de blocage des locaux dans le calme et sans débordement, nous n'avons pas obtenu grand chose de plus, mais cela a fait monter les tensions.
En dernier recours, nous avons entouré 4 machines de valeurs de bouteilles de gaz... et prévenu les médias locaux. Que les bouteilles soient vides ou pleines n'a pas d'importance : l'effet visuel était là ! Radio et TV (et huissier) sont venues sur place en 45 minutes ! Les grands dirigeants situés aux États-Unis étaient au téléphone dans l'heure, alors qu'il ne voulaient rien savoir des mouvements français durant 3 mois. Le soir même (Jeudi 16 juillet) les négociations reprennent pour enfin aboutir dans la nuit (jeudi-vendredi 16-17 juillet) : au lieu des 3 000€ initiaux, un accord est signé pour 30 000€ de prime. Cela permettra d'assurer nos arrières.
En arriver là est véritablement idiot et dommage, je le répète. Mais les négociations ont repris, et un accord digne a été signé dans la nuit de jeudi à vendredi. Dans le cercle des dirigeants de l'entreprise, la faction prônant la négociation l'a finalement emporté. C'est un grand soulagement pour nous tous.
Il est à noter qu'aucun parti politique ni aucun syndicat n'a soutenu ni détourné notre mouvement, tous les employés sont restés unis derrière nos représentants de la DSU.

Dernières nouvelles

Selon l'AFP, le gouvernement français, après avoir menacé d'envoyer les forces de police, a annoncé « comprendre la détresse des employés frappés par cette récession », suggérant qu'il perçoit la tactique radicale récente comme un coup médiatique plutôt qu'une menace réelle. Christian Amadio, leader du mouvement chez JLG Tonneins mentionne « Il est ridicule que nous ayons du en arrivé là pour obtenir ce résultat. »[1]

Les policiers ayant vérifiés les bonbonnes de gaz assurent qu'elles étaient toutes vides.

Notes

  1. voir article d'Asiaone.com

Sources


 
Wikinews
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