Japon : suicide de Toshikatsu Matsuoka, ministre de l'Agriculture, impliqué dans un scandale financier

Publié le 29 mai 2007
Toshikatsu Matsuoka, 62 ans, ministre japonais de l'Agriculture, de la Forêt et de la Pêche, s'est donné la mort par pendaison, lundi 28 mai 2007, quelques heures avant son audition par une commission parlementaire enquêtant sur un scandale financier auquel il était mêlé.

Vue de l'immeuble des appartements de fonction des parlementaires, à Tokyo

La carrière

M. Matsuoka, né le 25 février 1945 près de Kumamoto, avait suivi une formation agricole et, un mois après l'obtention de son diplôme en mars 1969, avait entamé une carrière à divers échelons administratifs au sein du ministère de l'Agriculture, de la Forêt et de la Pêche [1] jusqu'en mars 1988, date à laquelle il avait démissionné de ses fonctions de porte-parole de l'Agence des Forêts.

Il était alors entré en politique, en se faisant élire, le 18 février 1990, député de la première circonscription législative de Kumamoto. Après son entrée à la Chambre des représentants, il avait adhéré au Parti libéral-démocrate, formation réputée « conservatrice » et ayant dirigé tous les gouvernements de 1955 à 1993 et depuis 1996.

Au sein du PLD, il avait intégré la faction dirigée par Shizuka Kamei mais avait refusé de suivre M. Kamei lorsque celui-ci s'était frontalement opposé, en 2005, au projet du Premier ministre Junichiro Koizumi de privatisation de la poste japonaise et avait créé sa propre formation, le Nouveau parti du peuple.

Après la victoire de M. Koizumi et du PLD aux élections générales du 11 septembre 2005, M. Matsuoka était demeuré dans les rangs du parti et, le 28 septembre 2006, après la démission de M. Koizumi, avait fait son entrée dans le gouvernement dirigé par Shinzo Abe, au poste de ministre de l'Agriculture, de la Forêt et de la Pêche.

Les scandales

Le premier scandale dans lequel était impliqué M. Matsuoka concernait la gestion de son appartement de fonction de parlementaire, pour lequel il avait déclaré des dépenses de fonctionnement s'élevant à 28 millions de yens (soit environ 176 000 euros ou 236 000 dollars américains), alors même que ce logement était mis gracieusement à sa disposition.

Il était également accusé d'avoir reçu, dans le cadre de ses campagnes électorales, des financements de plusieurs millions de yens versés par un consortium d'entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics, alors même que des appels d'offres ultérieurs, lancés par l'agence de gestion forestière dans laquelle M. Matsuoka avait longtemps travaillé et avec laquelle il conservait des liens, avaient été remportés par certaines des entreprises donatrices. Ce deuxième scandale conduisait certains médias et hommes politiques à estimer que M. Matsuoka s'était rendu coupable de corruption passive.

Dans le courant de la semaine dernière, en liaison avec ce scandale, six dirigeants d'entreprises de ce secteur avaient été placés en détention préventive et une commission de la Chambre des conseillers [2] avait prévu d'auditionner le ministre, lundi après-midi, sur son rôle et sa possible implication personnelle dans le scandale.

Le drame

Le drame a été découvert par un des assistants de M. Matsuoka, inquiet de ne pas l'avoir vu se présenter à une réunion ministérielle, et qui s'est rendu dans le logement de parlementaire occupé par le ministre à Tokyo, où il l'a découvert pendu à une porte. On a découvert dans l'appartement une note dans laquelle M. Matsuoka aurait expliqué son geste, mais dont le contenu n'a pas été rendu public. Toujours vivant au moment de la découverte du drame, le ministre a rapidement été transporté dans un hôpital, où il est décédé un peu plus tard.

Le Premier ministre, visiblement affecté, s'est rendu au chevet du défunt et a fait part de sa consternation devant son geste. On a appris un peu plus tard que l'intérim des fonctions de M. Matsuoka devrait être assuré par l'actuel ministre de l'Environnement, Masatoshi Wakabayashi.

Les conséquences

Ce suicide d'un ministre, le premier au Japon depuis la capitulation d'août 1945 lors de la Seconde guerre mondiale, intervient à un très mauvais moment pour le gouvernement de M. Abe, à moins de deux mois des élections « sénatoriales » [2], prévues pour le 22 juillet, et alors que la popularité du Premier ministre accuse une forte baisse dans les sondages d'opinion.

Certains observateurs de la vie politique japonaise estiment que le drame personnel de M. Matsuoka pourrait conduire l'opinion publique voire la justice à s'intéresser de plus près à divers scandales qui ont impliqué l'entourage du chef du gouvernement (deux de ses collaborateurs ayant déjà été contraints à la démission depuis son arrivée au pouvoir à l'automne dernier).

Notes

Sources

Sources anglophones
Sources francophones