Législatives 2007 en France : la théorie de la loi écran au secours du découpage électoral

Publié le 9 août 2007
La théorie de la « loi écran » a encore de très beaux jours devant elle, pourraient dire les juristes avertis. Saisi d'une constestation concernant l'inconstitutionnalité du découpage électoral pour les circonscriptions législatives, le Conseil constitutionnel a rejeté collectivement tous les recours intentés par les requérants.

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L'origine de ce découpage provient du rétablissement du scrutin uninominal, majoritaire à deux tours par le Gouvernement de Jacques Chirac, alors Premier ministre durant la période 1986-1988. L'ancienne majorité parlementaire avait modifié le mode de scrutin en y insérant la proportionnelle au niveau départemental, comme cela se faisait déjà pour certains département lors des élections sénatoriales. En outre, la loi avait augmenté le nombre de députés de 491 à 577.

Ceci avait eu pour conséquence de limiter la défaite du parti socialiste[1] et faire entrer le Front national à l'Assemblée nationale. Peu après l'arrivée de Jacques Chirac à Matignon, ce dernier avait immédiatement aboli le scrutin proportionnel et rétabli l'ancien mode de scrutin. En outre, les circonscriptions électorales étaient refondues pour tenir compte du nouveau nombre de députés à l'Assemblée. Cette refonte avait été confiée par voie d'ordonnance au Gouvernement. C'était donc le ministre de l'Intérieur de l'époque : Charles Pasqua qui avait établi la nouvelle carte des circonscriptions. Ainsi donc, le découpage électoral n'a pu donc être déféré devant le Conseil constitutionnel en vertu de l'article 61 de la Constitution. La raison, une ordonnance n'est pas un acte législatif mais un acte administratif qui prend des mesures relevant du domaine de la loi.

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Fronton au Palais Royal où siège le Conseil constitutionnel

C'était donc ce découpage, datant de 20 ans, que les requérants contestaient devant le Conseil constitutionnel. Que reprochent-ils à ce « charcutage électoral »[2] ? « la répartition actuelle des sièges de députés entre circonscriptions ne repose pas sur des “ bases essentiellement démographiques ”, en violation du principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage ».

Le 12 juillet 2007, le Conseil constitutionnel a rejeté d'amblée les recours comme « irrecevables ou ne contenant que des griefs qui manifestement ne peuvent avoir une influence sur les résultats de l’élection ».

Ainsi, les « sages » du Palais Royal[3] ont jugé que la « non conformité de dispositions législatives à la Constitution ne peut être invoquée devant le Conseil constitutionnel que dans les cas et suivant les modalités définis par l’article 61 de la Constitution ; que, s’il incombait au législateur, en vertu des dispositions de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et des articles 3 et 24 de la Constitution, de modifier le tableau des circonscriptions législatives auquel renvoie l’article L. 125 du code électoral, afin de tenir compte des évolutions démographiques intervenues depuis leur dernière délimitation, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, se prononçant, comme en l’espèce, en application de l’article 59 et non de l’article 61 de la Constitution, d’apprécier la constitutionnalité du tableau susmentionné ».

Ainsi, il n'est donc pas permis au Conseil d'apprécier la constitutionnalité d'un texte à l'appui d'un recours contre des élections législatives ou sénatoriales. Cette position est identique à celle adoptée par le Conseil d'État : il n'appartient pas à la juridiction administrative d'apprécier la constitutionnalité des lois. Cette doctrine a été appelée la « théorie de la loi écran ». Ainsi, le droit français ne permet donc pas à chaque justiciable d'opposer la non-constitutionnalité d'une loi votée par le Parlement. Cependant, à la différence du Conseil constitutionnel, les juges administratifs ou judiciaires peuvent écarter une loi méconnaissant des traités ou accords internationaux tel fut le cas récemment pour le Contrat nouvelles embauches.

Dans ce cas d'espèce, le conseil constitutionnel reconnaît qu'il incombe au Parlement de modifier la loi pour respecter le principe constitutionnel de l'égalité devant le suffrage. En revanche, rien n'oblige le Parlement à modifier la loi. Ce dernier peut donc laisser perdurer de tels déséquilibres dans la loi électorale.

Notes

Sources


 
Wikinews
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  • ((fr)) – Conseil constitutionnel« Décision n° 2007-3819 AN ». Journal officiel, page 12240, 19 juillet 2007.