La commission militaire de Guantanamo condamne l'Australien David Hicks à neuf mois de prison

Publié le 1er avril 2007
David Hicks, ressortissant australien converti à l'islam, qui avait été capturé en Afghanistan en décembre 2001 et était détenu depuis plusieurs années à la prison de Guantánamo, sur la base navale militaire américaine de Guantanamo Bay [1], sur l'île de Cuba, a été condamné par la Commission militaire de Guantanamo [2], vendredi 30 mars 2007, à une peine de neuf mois de prison, qu'il devrait purger dans le quartier de haute sécurité de la prison Yatala, dans sa ville natale d'Adélaide, en Australie méridionale.

Localisation de l'île de Cuba

David Hicks, parfois surnommé le « Taliban australien » par certains médias occidentaux, avait plaidé coupable, mardi 27 mars, de « soutien matériel au terrorisme », alors que les réquisitions initiales, lors de cette première audience, pouvaient lui laisser craindre une peine maximale de vingt ans de prison.

Chronologie

 
Localisation de la base navale américaine de Guantanamo Bay

David Hicks, aujourd'hui âgé de 31 ans, passe toute sa jeunesse en Australie méridionale, y exerçant divers métiers et fondant une famille, avant d'émigrer seul au Japon en 1996, exerçant un temps les fonctions d'entraîneur de chevaux.

En 1999, il se rend en Europe et intègre pendant deux mois les rangs de l'Armée de libération du Kosovo puis, après la fin de la guerre du Kosovo, au mois de juin, tente en vain de s'enrôler dans l'armée australienne, avant de se convertir à l'islam et de commencer l'apprentissage de l'arabe.

En novembre de la même année, il passe en Afghanistan, officiellement pour étudier l'islam, mais ne tarde pas à suivre les enseignements du mouvement radical islamiste Lashkar-e-Toiba, qu'il accompagne notamment dans diverses opérations armées au Cachemire, État disputé entre le Pakistan et l'Inde.

Il retourne en Afghanistan et séjourne un temps, près de Kandahar, dans le camp d'entraînement Al Farouq, dépendant de la nébuleuse Al-Qaida. Il a à cette époque l'occasion de rencontrer Oussama Ben Laden.

 
Carte de la base navale américaine de Guantanamo Bay

Le 9 décembre 2001, David Hicks est capturé dans la province de Kondôz [3], en Afghanistan, par des miliciens de l'Alliance du Nord, et est livré huit jours plus tard, contre le versement d'une somme de 1 000 dollars américains, aux Special Forces américaines. Il est transféré, durant quelques semaines, à bord du bâtiment de débarquement USS Peleliu (LHA-5), croisant dans le golfe d'Oman, où il est interrogé conjointement par des enquêteurs américains et australiens. Il est ensuite transféré, le 11 janvier 2002 [4], à la prison de Guantanamo.

David Hicks fait état, pendant un temps, de mauvais traitements qu'il aurait subi durant son internement à Guantanamao, mais s'était récemment rétracté et, mardi 27 mars, avait décidé de plaider coupable des faits de « soutien matériel au terrorisme ».

Il encourait, en plus des cinq années d'internement déjà subies, une peine de sept années d'emprisonnement, mais un accord de plaider coupable intervient in extremis, qui conduit l'accusation à prôner une réduction de la peine à neuf mois de prison dans son pays natal, avec renoncement définitif à tout appel contre le jugement, interdiction de parler avec les médias durant un an après sa libération et renonciation à toute velléité de poursuite contre le gouvernement américain au sujet de supposés abus commis par ses geôliers durant sa captivité. Son transfert en Australie devrait intervenir dans un délai de 60 jours. Sa libération, à l'issue des neuf mois qu'il devra purger à Adélaïde, est toutefois susceptible d'être retardée, si le détenu ne collabore pas avec les enquêteurs australiens et américains, et s'abstient de révéler à ses interlocuteurs toutes informations utiles qu'il pourrait détenir au sujet d'Al-Qaïda et du mouvement Lashkar-e-Toiba.

Une frange non négligeable de l'opinion publique australienne, et notamment des juristes et défenseurs des droits de l'homme, commente sévèrement les conditions de déroulement du procès de David Hicks, et s'étonnent de l'interdiction faite au condamné de s'exprimer publiquement avant un délai de douze mois après sa libération, faisant un rapprochement, pertinent ou pas, avec les échéances électorales australiennes (les prochaines élections générales sont censées intervenir au plus tard le 19 janvier 2008). John Howard a tenu à préciser qu'il n'est pas intervenu auprès des autorités américaines pour négocier sur la peine sanctionannt David Hicks ou simplement tenter d'influencer la commission militaire de Guantanamo, et que l'obligation de silence imposé au condamné est sans rapport avec la vie politique australienne.

Le père de David Hicks, s'il se réjouit du retour de son fils sur le sol australien, entend pour sa part continuer à agir, avec le soutien de diverses organisations de défense des droits de l'homme, pour faire la lumière sur les accusations de mauvais traitements que son fils serait susceptible d'avoir subi durant son incarcération, notamment des abus sexuels et tortures. Ces accusations avaient été mises en lumière en 2006, à l'occasion d'une procédure riche en rebondissements, devant la justice britannique [5].

Par ailleurs, on ne peut écarter la possibilité de quelques rebondissements sur le sujet plus général de la loi américaine sur les commissions militaires, alors que les autorités de Washington envisageraient, selon un décompte récent, de faire passer en jugement selon ce système 80 des 385 personnes détenues à la prison de Guantánamo. La Cour suprême des États-Unis était intervenue, dans le courant de l'année 2006, pour dénoncer l'inconstitutionnalité des dispositions qui existaient alors, ce qui avait conduit le Congrès des États-Unis à adopter à l'automne la Loi sur les commissions militaires, dont la constitutionnalité serait elle-même, selon certains analystes, sujette à caution.

Notes

Sources

Sources anglophones
Sources francophones



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