La crise du secteur bancaire américain se poursuit

Publié le 17 mars 2008
Ce week-end, la crise du secteur bancaire américain a connu de nouveaux rebondissement avec, à quelques minutes d'intervalle, l'annonce du rachat par la banque commerciale JP Morgan Chase & Co à prix cassé de la banque d'affaires Bear Stearns et celle de la Réserve fédérale de baisser son taux d'escompte d'un quart de point. Ces deux communiqués ont fait chuter le dollar à de nouveaux plus bas historique face au yen à l'euro et au franc suisse et ont provoqué une ruée sur les valeurs refuges traditionnelles, telles que l'or.

Un achat pour 7 % de la valeur réelle

La banque Bear Stearns, qui emploie 14 000 personnes, est la la cinquième banque d'investissement du pays en volume. Elle est particulièrement active sur les marchés des dérivés de taux d'intérêt et de crédit et donc particulièrement exposée à la crise des subprimes, particulièrement à cause de ses réserves de fonds propres de 12 milliards de dollars seulement contre un bilan de 400 milliards de dollars.

Vendredi, le groupe avait lancé une demande de financement urgente et avait été renfloué en urgence avec l'aide de la Réserve fédérale. L'action du groupe avait alors perdu près de 50 % de sa valeur pendant la séance de vendredi, plusieurs rumeurs alarmantes se succédant sur l'avenir de la banque. Finalement, la banque commerciale JP Morgan Chase & Co, qui était déjà intervenue vendredi pour financer partiellement la banque, a annoncé dimanche le rachat pur et simple de la banque Bear Stearns.

Cette transaction sera effectuée par échange d'actions. Selon l'accord rendu public dimanche, la banque JP Mogan propose 0,05473 action ordinaire contre une action Bear Stearns, ce qui la valorise à approximativement deux dollars, contre un cours de Bourse de 30 dollars vendredi soir. Cette offre correspond à environ 7 % seulement du cours de l'action avant la fermeture vendredi soir.

À titre de comparaison, cette même action valait 170 dollars il y a une année lors de son record historique. Les investisseurs ont été surpris de cette somme, jugée « dérisoire ». Ce week-end encore, le Wall Street Journal évoquait un prix approximatif de 2,2 milliards de dollars, soit 20 dollars par action.

Le montant total de l'acquisition est estimé à 236 millions de dollars et va engendrer, selon le communiqué de JPMorgan Chase, des coûts associés pour 6 milliards de dollars. Toutefois, selon Jamie Dimon, président directeur général de la banque « cette transaction offrira une excellente valeur à long terme pour les actionnaires de JPMorgan Chase ». Dans le même communiqué, il souligne que PMorgan Chase va garantir les obligations de Bear Stearns et de l'ensemble de ses filiales et que « la transaction devrait être close à la fin du second trimestre 2008 ».

Cette transaction a été réalisée en un temps record sous l'impulsion de l'administration Bush et de la Réserve fédérale qui, tout comme le Bureau fédéral en charge des affaires bancaires a déjà donné son feu vert à l'opération. La Réserve fédérale a également accepté de « financer jusqu'à 30 milliards de dollars d'actifs moins liquides de Bear Stearns », fournissant ainsi une assurance sur les biens les plus difficiles à réaliser de la banque.

Une première depuis 1929

Parallèlement, la Réserve Fédérale américaine a annoncé dimanche une double mesure : outre le recul de son taux d'escompte de 3,5 % à 3,25 %, elle a également annoncé l'ouverture d'une nouvelle procédure de prêt, spécialement destinée aux 20 plus grosses sociétés de Wall Street, permettant ainsi à ces institutions de prêter aux autres acteurs financiers. Cette initiative, dont le but est, selon un communiqué d'« injecter davantage de liquidités dans les marchés et aider à leur bon fonctionnement », n'avait plus été mise en place depuis la crise de 1929.

Alors que plusieurs analystes financiers jugent qu'à « situation désespérée, mesures désespérées » et approuvent ces décisions, le secrétaire américain au Trésor, Henry Paulson, a de son côté répété que l'administration était prête à faire « ce qu'il faut » pour assurer la stabilité du système financier.

L'annonce en catastrophe de la baisse du taux d'escompte, faite quelques minutes avant l'ouverture des marchés boursiers asiatiques, intervient deux jours avant une réunion de la Fed où, selon les analystes, une nouvelle baisse marquée d'un demi-point ou de trois-quarts de point devrait être annoncée.

Le dollar en dessous du franc suisse

Les craintes de plus en plus fortes de récession aux États-Unis d'Amérique, doublées de celle d'une inflation alimentée par la volonté de fournir toujours plus de liquidités, semblent de plus en plus mener à une perte totale de confiance des investisseurs dans le dollar, provoquant ainsi une montée en flèche de plusieurs autres monnaies, dont en particulier l'euro, qui a brièvement franchi le seuil de 1,59 dollar et le franc suisse, qui, pour la première fois de son histoire, est passé au dessus du dollar en franchissant la barre symbolique de 1 franc suisse pour atteindre 0,9986 francs.

Outre les monnaies, l'or, le pétrole et les obligations d'État ont également profité de cette baisse de la monnaie américaine. Le prix du baril de brut léger américain a ainsi repassé au-dessus de 111 dollars, alors que celui de l'once d'or s'est approché de son record de 1.030 dollars.

Sources