Manifestations en Tunisie : répression sanglante

Publié le 9 janvier 2011
Hier, alors que les manifestations suscitées par la misère et la corruption du pouvoir entrent dans leur quatrième semaine et que la contestation du pouvoir s'amplifie, la répression par le pouvoirs de Ben Ali prend un tour sanglant : de dix à cinquante personnes ont été tuées par armes de guerre dans plusieurs villes du centre et de l'ouest, notamment Kasserine, Thala et Regueb. Au total, avec les suicides liés aux manifestations, le bilan de ces vingt-trois jours de contestation s'établit entre moins de vingt (selon le gouvernement) et plus de cinquante morts, en plus des blessés graves en nombre inconnu.

██ Départ / Mort (Libye) du chef de l’État ██ Manifestations prolongées et répression ██ Changement de gouvernement et manifestations ██ Manifestations prolongées ██ Protestations mineures

██ Pays non-arabes touchés par un mouvement social simultanément aux révoltes arabes
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En Tunisie, le mouvement de contestation s'étend, rejoint par les avocats et les enseignants, entraînant une radicalisation du pouvoir dans sa répression depuis une dizaine de jours. Déjà, le 31 décembre, des avocats affichant par le port d'un brassard rouge leur soutien aux manifestations qui secouent le pays depuis la mi-décembre, avaient été tabassés par les forces de l'ordre à Tunis, Grombalia, Sousse, Monastir, Mahdia, Gafsa et Jendouba. Certains avocats ont été kidnappés et menacés de mort, d'autres ont été hospitalisés et plusieurs arrêtés, ce qui motivait une manifestation jeudi, suivie par 95 % des 8000 avocats dans tout le pays. Le lendemain, vendredi, ce sont les enseignants qui entraient dans le mouvement de grève.

Par ailleurs, la répression touche tous les canaux de diffusion d'informations : déjà empêchés de travailler, certains journalistes ou leaders d'opinion ont été arrêtés, ainsi que des blogueurs (dont Hamadi Kaloutcha) et le rapeur El General.

C'est dans ce contexte tendu que le pouvoir a décidé d'utiliser des unités militaires pour mettre fin au mouvement de contestation, à Kasserine et d'autres villes de l'intérieur, où la contestation est la plus forte depuis le mois de décembre. Ces militaires défendaient les bâtiments officiels : gouvernorats et délégations (préfecture et sous-préfectures), permanences du parti au pouvoir, le RDC, postes de police et administrations. La munition utilisée est le 5,56 mm OTAN, qui équipe habituellement des armes de guerre. Des témoins ont identifié le fusil Steyr AUG, utilisé en Tunisie par les forces spéciales. Le bilan de ces tirs serait (chiffres issus des manifestants et retransmis sur la radio Kalima) de 22 morts à Kasserine, 16 à Thala, 2 à Meknassi, 1 à Fériana, et 8 à Regueb. À Thala, les manifestations étaient décrites comme violentes depuis mercredi. L'armée a également utilisé des armes de guerre à Siliana et Jebiniana.

Les morts étaient de tous âges : de 13 ans (le mort de Fériana) à 90 ans (ce dernier étant mort asphyxié par les gaz lacrymogènes). Les manifestations ont cependant duré plus tard que d'habitude, jusqu'à l'aube. Dans la journée, l'armée a pris le contrôle de Kasserine, les blindés occupant la rue.

Il n'est pas certain que le pouvoir contrôle encore ses propres troupes : plusieurs sources indiquent que certains tués l'ont été dans les cortèges funèbres ; d'autre part, des milices (déjà évoquées dans notre article du 28 décembre) participent à la répression avec des fusils de chasse, sans que leur statut et les intentions du gouvernement soient connues en ce qui les concerne. Il semble également que les forces défendant le pouvoir se soient débarrassés de certains corps en les jetant dans un oued à Kasserine.

Il semble que des Tunisiens en Europe souhaitent soutenir les manifestants par les mêmes moyens : c'est en tout cas une des interprétations possibles de la bombe qui a incendié la porte du consulat de Tunisie à Pantin, près de Paris, ce matin à 5 heures.

Enfin, dimanche matin, une nouvelle personne s'est suicidé par le feu à Sidi Bouzid, ville d'où sont parties les manifestations mais qui est calme depuis une dizaine de jours, la présence policière étant très forte.

Sources