Musique : il y a 20 ans, Miles Davis nous quittait

Publié le 28 septembre 2011
Miles Dewey Davis III est né à Alton (Illinois), sur les bords du Mississippi, le 25 mai 1926. Le 28 septembre 1991 l'homme en mouvement perpétuel se fige dans l'éternité. Les journaux du monde entier annoncent la mort d'un des plus grands trompettistes de l'histoire du jazz. Nous célébrons aujourd'hui le vingtième anniversaire de sa disparition.

Miles Davis en 1987 à Strasbourg.

C'est en 1939, à l'âge de 13 ans, alors qu'il est collégien à la Crispus Attucks Junior High, qu'il prend ses premiers cours de trompette avec Elwood Buchanan, un ami de son père, professeur à la Lincoln High où Miles étudie bientôt. C'est ce maître qui fait découvrir les particularités de la trompette jazz au jeune Miles, et qui l'aide à développer les fondements de son style, en l'encourageant, d'une part, à jouer sans vibrato, et en l'initiant, d'autre part, au jeu de trompettistes comme Bobby Hackett et Harold Baker, caractérisé par la sobriété, la douceur et le lyrisme. Il suit également des leçons avec Joseph Gustat, la première trompette et le chef de pupitre de l'orchestre symphonique de Saint-Louis, et il joue dans l'orchestre de son école, dont il est le plus jeune élément.

Après sa rencontre avec le trompettiste Clark Terry, figure du jazz local, qui exerce sur lui une profonde influence, Miles devient professionnel vers 1942, en s'inscrivant à la Fédération américaine des musiciens. Fréquentant assidûment les clubs de la ville, malgré son jeune âge qui lui en interdit en principe l'accès, il commence à jouer en public dès que possible, acquérant une petite réputation régionale, tout en continuant à fréquenter le lycée.

En juin 1944, à 18 ans, après être revenu déçu de son bref engagement au sein d'un groupe de la Nouvelle-Orléans, les Six Brown Cats d'Adam Lambert, pour lesquels il a quitté les Blue Devils (les autres orchestres de la région ne pouvant pas s'offrir les quatre-vingts dollars par semaine qu'il exigeait, Miles Davis hésite entre rejoindre la Faculté de chirurgie dentaire, ou suivre Clark Terry dans l'orchestre de l'U.S. Navy.

C'est à cette époque que le Big Band de Billy Eckstine vient jouer dans un club de St Louis. Ce groupe pas comme les autres cherche à adapter au format big band la révolution bebop qui secoue le milieu du jazz depuis le début des années 1940. Il réunit les deux créateurs et plus célèbres musiciens du genre, le trompettiste Dizzy Gillespie et le saxophoniste Charlie Parker. Au début du concert, coup de chance : Gillespie vient trouver Davis dans la salle pour lui demander de les rejoindre sur scène pour remplacer un trompettiste défaillant : Richard Williams. Émerveillé par cette rencontre musicale, Miles prend une décision essentielle : il rejoindra le groupe à New York.

Parallèlement à ses études à l'école de musique Juilliard de New York, où il apprend le piano et s'initie aux compositeurs contemporains comme Prokofiev, Miles devient un habitué des jam-sessions de la nuit new-yorkaise. Il accompagne notamment la grande chanteuse Billie Holiday au sein de l'orchestre du saxophoniste Coleman Hawkins. À propos de cette époque, il confiera plus tard : « Je pouvais en apprendre plus en une nuit au Minton's qu'en deux ans d'études à la Julliard School. »

Célébré par les lecteurs de magazines jazz prestigieux dans leurs référendums annuels, participant à des enregistrements légendaires avec les musiciens les plus réputés du bebop, Miles Davis est pourtant en 1948 un homme frustré, impatient de créer une musique qui lui soit propre. C'est en 1948 qu'il se produit et enregistre avec un nonet (9 musiciens) et invente le cool jazz en 1949.

En 1949, Miles Davis effectue son premier voyage à l'étranger, participant le 8 mai au Festival international de jazz à Paris, salle Pleyel. Co-dirigeant un groupe avec le pianiste Tadd Dameron, il rencontre l'élite intellectuelle et artistique parisienne de l'époque : Jean-Paul Sartre, Boris Vian, Pablo Picasso et surtout Juliette Gréco. Pour le trompettiste, c'est une véritable révélation. La France est en effet à l'époque un pays beaucoup moins raciste que les États-Unis, surtout au sein du milieu qu'il fréquente à Paris. Il a pour la première fois la sensation, comme il le dira dans son autobiographie « d'être traité comme un être humain ». Tombé amoureux de Juliette Gréco, il hésite à l'épouser, ce qui serait tout simplement impensable dans son pays natal (à l'époque, les unions « mixtes » entre Noirs et Blancs sont encore tout simplement illégales dans de nombreux États américains). Ne voulant pas lui imposer une vie aux États-Unis en tant qu'épouse d'un Noir américain, et elle ne voulant pas abandonner sa carrière en France, il renonce et rentre à New York à la fin mai. Puis suivent des années hard bop et un flottement baigné d'héroïne.

Il revient néanmoins de France en 1957 et, entre autre, enregistre la bande originale du film de Louis Malle Ascenseur pour l'échafaud, improvisant devant les images du film.

En 1959, Miles Davis signe son chef-d'œuvre avec Kind of Blue, un album improvisé autour de trames qu'il a composées. On trouve des modifications de formations par rapport au sextette de Milestones. Le pianiste Bill Evans, plus apte à suivre les orientations modales du leader, remplace Red Garland et Jimmy Cobb prend le fauteuil de batteur à Philly Joe Jones. Le pianiste Wynton Kelly est invité sur le titre bluesy de l'album Freddie Freeloader, nouvelle preuve que rien n'a été laissé au hasard pour la réalisation de cet album. Ce dernier est considéré comme le chef-d'œuvre du jazz modal et l'un des meilleurs — et des plus populaires ! — disques de jazz jamais enregistrés. Jimmy Cobb disait que ce disque « avait dû être composé au paradis ».

Reconnaissable dès les premières notes, Miles se produit et enregistre de nombreux albums jusqu'en 1975, date à laquelle il quitte la scène pour des motifs de santé. Mais tout n'est pas fini pour autant…

Il refait surface en 1981 avec l'album The Man with the Horn. Au cours des années 1980, il enregistre des albums de jazz fusion très funk avec des groupes qui, selon sa bonne habitude, sont formés de jeunes inconnus qui feront carrière (Marcus Miller, John Scofield, Darryl Jones, Mike Stern, Mino Cinelu, etc.). À partir de ce moment, Miles Davis sera aussi un « initiateur », un « passeur » qui permettra à de nombreux amateurs de musique plus « rock » de découvrir la beauté d'un silence, d'une respiration au sein d'une harmonie gorgée d'émotions et d'énergie. Grâce à lui, le jazz, terme qu'il trouvait de plus en plus restrictif, pouvait toucher un public plus large et continuer ainsi à se renouveler.

Le génie de Miles Davis peut se résumer en trois points : un son original dans un environnement très structuré, une conception évolutive de la musique dans des directions déterminées et une capacité à s'entourer à cette fin de musiciens dont il savait tirer le meilleur.

Le 28 septembre 1991, il meurt à l'âge de 65 ans à l'hôpital St John de Santa Monica près de Los Angeles où il était entré pour un bilan médical complet à la suite de toutes sortes d'ennuis de santé. Il est enterré au cimetière de Woodlawn de New York, où il repose en compagnie d'autre jazzmen célèbres.

Statue de l'artiste à Kielce, en Pologne.

Pour célébrer cet anniversaire et la mémoire de cet immense trompettiste, de nombreuses rééditions de ses albums (plus de 20 CD) ont été publiées en France ces derniers temps, ainsi que certaines rééditions en vinyle.

En France, plusieurs radios diffusent aujourd'hui de nombreuses émissions consacrées à cette légende du jazz. France Musique, notamment, retransmet dans « Le concert du soir », le « Tribute to Miles » donné et enregistré le 12 juillet 2011 au Théâtre antique de Vienne par Herbie Hancock, Wayne Shorter et Marcus Miller, musicien de Miles et à qui l'on doit le célèbre « tutu, morceau dédié à l'archevêque noir sud-africain Desmond Tutu .

Tous les amateurs de jazz ont aujourd'hui une pensée pour ce génie de la trompette qui a marqué le vingtième siècle.

Sources


 
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