RSF publie sa nouvelle liste des ennemis d'Internet

Publié le 12 mars 2014
Comme chaque mois de mars depuis 2011, l'ONG Reporters sans frontières publie sa liste des ennemis d'Internet. Alors que les rapports précédents visaient principalement les états, la version de 2014 concerne principalement des institutions gouvernementales et des entreprises privées.

Carte de la censure sur Internet d'après RSF en février 2013

Le Moyen et l'Extrême-Orient adeptes de la censure de masse modifier

Malgré les événements du « printemps arabe », les monarchies du golfe continuent à maintenir le contrôle d'une main de fer. La plupart de ces états, comme le Bahreïn, l'Arabie saoudite ou les Émirats Arabes Unis, se sont dotés ces dernières années d'organismes chargés de contrôler les informations publiées sur Internet. Disposant de larges pouvoirs accordés par des lois de plus en plus répressives, ces organismes peuvent surveiller et censurer les sites en relation avec les aspirations démocratiques de leurs citoyens et dont le contenu conteste le pouvoir en place. En Iran, malgré l'élection d'un président plus modéré, le réseau subit toujours un contrôle très important, exercé par le Conseil suprême du cyberespace, créé en mai 2012, officiellement chargé de protéger les iraniens contre les « dangers » d'Internet, et composé de militaires et de politiciens des hautes sphères. Par ailleurs, les sites d'informations sont toujours autant attaqués ; les boîtes courriels de nombreux citoyens, notamment des activistes et des journalistes, ont subi une importante attaque à la fin de l'année 2013[1].

Plus à l'est, l'Inde se dote depuis 2008 d'un vaste réseau de surveillance : le Central Monitoring System ; celui-ci permet d'accéder de façon illimitée et en temps réel à tous types d'informations électroniques, sans passer par les FAI. Au Vietnam, les blogueurs et les cyber-dissidents qui osent remettre en question la légitimité du pouvoir ou sa politique sont traqués par le ministère de l'information qui n'hésite pas à abuser certains articles de loi et à légiférer à coup de décrets. En Corée du Nord, l'accès à Internet est presque impossible, le pays étant complètement hermétique ; tout matériel informatique étranger est traqué par le régime nord-coréen et les citoyens ne jouissent que d'un intranet national où la liberté d'expression n'est pas possible et qui sert principalement de vecteur de propagande. Si la Chine, contrairement à son voisin coréen, dispose d'un accès au réseau mondial, le parti communiste continue d'exercer un contrôle permanent du contenu, notamment par le biais d'un pare-feu (aussi nommé la « Grande Muraille électronique », par analogie à la Grande Muraille de Chine) permettant de contrôler les flux d'informations. Inspiré par cette pratique, le ministère des Technologies de l'information pakistanais a lancé un appel d'offre en 2012 pour permettre la mise en place d'un vaste système de filtrage du net.

L'ex-URSS : un réseau toujours plus contrôlé modifier

En Russie, la pression sur Internet s'accroît sans cesse depuis près de 15 ans, que le pouvoir justifie par des arguments sécuritaires. RSF souligne que cette tendance s'est accrue depuis l'élection de Vladimir Poutine en 2012. Si les agences de renseignement russes sont tenues d'avoir une autorisation d'un juge pour demander des données de connexion auprès des FAI, les agents n'ont en revanche que l'obligation de les présenter auprès de leur supérieur, une fois le mandat obtenu. Par ailleurs, les FAI ont été dans l'obligation d'installer dans leur architecture un matériel permettant au FSB d'accéder directement aux données des internautes transitant par le réseau. En continuité, le pouvoir espère pousser les journalistes à l'auto-censure en permettant la divulgation publique de l'ampleur du programme de surveillance russe. Par ailleurs, les blogueurs et autres cyber-citoyens sont régulièrement harcelés, surtout lorsqu'ils s'expriment sur des sujets sensibles, et la liste des sites et personnes attaqués ne cesse de s'allonger[2].

La Russie n'est pas le seul pays de l'ex-URSS a être dénoncé par RSF. Ainsi, le Bélarus se dote depuis 2008 d'un véritable arsenal technologique et législatif pour mettre la toile sous contrôle, dernière zone permettant la liberté d'expression dans un pays où l'auto-censure et la censure des médias est monnaie courante. En Ouzbékistan, le régime autocratique a mis en place une Commission d’experts sur l’information et les communications de masse, dont le fonctionnement interne est très opaque, chargée d'évaluer les publications en ligne et de déterminer si elles ont une « influence négative ou destructrice, du point de vue informationnel et psychologique, sur l’opinion publique »[3].

La surveillance de masse anglo-saxonne toujours plus intrusive modifier

Les révélations d'Edward Snowden en juin 2013 ont mis au jour l'étendue de la surveillance massive exercée par les services de renseignement britanniques et américains sur le réseau mondial. En plus de l'opacité du système de surveillance gravitant autour de la NSA, l'ONG souligne les abus de ces programmes qui violent le droit américain, ainsi que les méthodes extrêmement intrusives utilisées pour intercepter et collecter des informations transmises par les internautes. Par ailleurs, par une utilisation très large et abusive de l'argument de la défense nationale, l'administration Obama montre peu d'indulgence à l'encontre des journalistes et de leurs sources à l'origine des révélations à propos des programmes de surveillance. Par conséquent, de nombreux journalistes sont soumis à de fortes pressions pour dévoiler leurs sources ou sont même arrêtés et condamnés[4].

Si le cas de la NSA est très révélateur des dérives des programmes de surveillance de masse d'Internet, le cas du GCHQ met en lumière la forte dépendance du Royaume-Uni à l'interception de données numériques transitant par le réseau mondial. Ainsi, si, à l'instar de la NSA, le GCHQ s'est affranchi des limites légales qui régissaient son action, il est également le service de renseignement national disposant de la plus grosse capacité d'interception de données au monde. Par sa position de carrefour des câbles sous-marins reliant l'Amérique du Nord à l'Europe, le GCHQ peut intercepter des millions d'informations, comme des courriels, des historiques de navigation, des appels téléphoniques…, qu'il partage avec la NSA. Afin d'accroître sa capacité d'interception, l'agence s'attaque également au chiffrement qui permet aux internautes de protéger leurs transferts de données[5].

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