Sardaigne : une affaire de séquestration met la Scientologie dans l'embarras

Publié le 4 mars 2008
Les policiers italiens ont découvert, le 21 janvier dernier, une personne séquestrée depuis plusieurs semaines dans une maison en Sardaigne. L'intéressée, Martine Boublil, y était enfermée par son frère, Claude Boublil, un membre important de la Scientologie en France.

Selon la police, Mme Boublil, ancienne adepte de la secte, était mise au secret dans des conditions d'hygiène déplorables. Selon les premiers éléments obtenus par la presse, la pièce était remplie d'immondices, le matelas où elle dormait infesté de vermine. En outre, elle ne portait pour vêtement qu'un simple tee-shirt. D'abord sequestrée en Normandie, dans une maison qui appartient à un scientologue, elle a été ensuite détenue dans la Sarthe puis, enfin, emmenée en Sardaigne où elle fut retenue contre son gré pendant un mois et demi. Selon la diplomatie française, « Le Consulat de France à Rome suit cette affaire depuis le début en collaboration étroite avec les autorités italiennes et Martine Boublil sera rapidement rapatriée en France ». Ce n'est qu'après avoir été alertée par des voisins, que la police a pu mettre fin au calvaire.

Quatre ressortissants français, dont le frère de la victime, chargés de la surveillance de l'intéressée, présentés également comme membres de la secte, ont été appréhendés par la police locale puis relâchées par la suite.

Démentis de Claude Boublil et de la Scientologie

Le frère de Martine Boublil, médecin de son état, a démenti ces accusations de séquestration. Selon lui, il s'agit d'une « affaire privée familiale. Ma soeur Martine était très perturbée, nous venions de perdre notre mère (…) elle a dû subir deux hospitalisations en psychiatrie dans la région parisienne. Je suis moi-même médecin et je voulais lui éviter si possible la camisole chimique et ses effets dévastateurs sur l'organisme (…) et les recherches de solutions alternatives ont été infructueuses ». Il a précisé qu'elle « allait graduellement mieux. Malheureusement (…), la police est intervenue et ma sœur a dû être hospitalisée de nouveau dans le service de psychiatrie d'un hôpital général ». En outre, il a précisé qu'il n'exerce aucune responsabilité au sein de la Scientologie mais se définissant comme paroissien[1].

Daniel Gounord, porte-parole de la secte a ajouté «  Il s’agit d’un drame familial. Cela concerne des individus d’une même famille, c’est un drame familial. Qu’est-ce que l’Église de scientologie a à voir avec cela ? »

Un enfer, selon la victime

Interrogée par la presse, Martine Boublil a témoigné : « Il y a quelques années, j’ai fait une grave dépression. Claude m’a reprise sous sa coupe. J’ai été hospitalisée une première fois, contre son avis, pendant cinq jours. Il m’en a fait sortir : les scientologues combattent la psychiatrie avec une vigueur absolue. Lorsque ma mère est morte, en juin 2007, mon second frère, Gilbert, qui est médecin lui aussi mais n’est pas scientologue, m’a de nouveau fait interner. En août, Claude, qui cette fois m’a enlevée de l’hôpital, m’a emmenée de force en Normandie, dans une maison qui appartient à un scientologue. Puis dans la Sarthe, et enfin en Sardaigne. C’est à Nuoro, à partir de décembre, que mes conditions de vie ont été les pires ».

Puis elle a décrit, ce qu'elle considère comme un enfer. « Les deux jeunes me surveillaient parce que je ne devais pas sortir de ma chambre, au premier étage. Enfin, c’était une pièce dégoûtante, avec seulement un matelas par terre. Au début, je dormais assise sur une caisse. Les autres dormaient en bas, dans le salon. La femme s’occupait de l’intendance. Ils ne m’adressaient pas un mot. Pour dire oui, ils clignaient des yeux, pour non, les laissaient ouverts. Ils m’apportaient de la nourriture, essentiellement des “cordons bleus”, matin, midi, soir, et des fruits. Pour faire mes besoins, j’avais une bassine. Pour vêtement, un tee-shirt. Je n’ai pas pu me laver non plus. Si je voulais sortir de ma chambre, on m’y repoussait violemment. »

Une affaire intervenant en pleine polémique

Cette affaire intervient durant la polémique sur les propos d'Emmanuelle Mignon, directrice de cabinet à l'Élysée, où cette dernière avait déclaré que les sectes étaient un non problème en France.

Aussi, Georges Fenech[2], député UMP du Rhône, a annoncé qu'il demandera la constitution d'une enquête parlementaire sur la Scientologie à la suite de ces faits récents. Il a confié que «  La récente affaire mettant une nouvelle fois en cause l'église de Scientologie, dont une victime française, Martine Boublil, vient de dénoncer les faits gravement attentatoires à sa liberté et à son intégrité physique, vient rappeler les dangers réels de cette organisation ». Il a ajouté qu'il « déposera sur le bureau de l'Assemblée nationale une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête parlementaire pour déterminer la nature réelle des activités de ce mouvement, son mode de fonctionnement, les sources de financement et d'une manière plus générale si l'organisation respecte les lois de la République Française ».

Un autre parlementaire, Jacques Myard, député-maire de Maisons-Laffitte, dans un entretien accordé au quotidien Le Figaro, « constate simplement que, de manière continue, la Scientologie est mêlée à des délits d'abus de faiblesse, de harcèlement, de pressions morales, de manipulations, qui montrent qu'elle enfreint les lois de la République. À mes yeux, il y a longtemps que nous sommes face à un groupe sur lequel il faut s'interroger ».

De son côté, Roger Gonnet, ancien adepte et luttant contre ce mouvement, a affirmé que « Ce n'est pas la première fois. J'ai recueilli il y a quelque temps le témoignage d'un adepte séquestré dans une maison aux Pays-Bas et privé de tout contact avec l'extérieur. Pour autant, les isolements à l'étranger ne sont pas si fréquents que cela. Tout simplement parce que cela coûte cher ».

Une application de « Isolation Watch »

Ces faits, selon Serge Faubert, journaliste à Backchich.info, serait le fait d'une circulaire secrète de Ron Hubbard, en date du 23 janvier 1974, intitulée « Isolation Watch ». Le programme en question serait, selon le journaliste en question, « des plus gratinés. La phase de rétention et de mutisme total prépare un endoctrinement progressif comme le précise une seconde circulaire de Ron Hubbard : “Durant son isolement, on administre à la personne un parfait programme d’introspection, échelonné en sessions de courte durée, pour lui faire graduellement reprendre confiance. Entre les sessions, la règle du musellement est de rigueur. Personne ne doit parler à la personne ni à sa proximité” ».

Notes

Voir aussi

Sources