Timor oriental : opération militaire pour capturer un chef rebelle

Publié le 5 mars 2007
Les troupes australiennes, qui forment l'essentiel du contingent international de maintien de la paix au Timor oriental, se sont emparées, dimanche 4 mars 2007, de la ville de Same, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Dili, capitale du pays, ville dans laquelle étaient retranchés, depuis mardi 27 février, le major Alfredo Reinado et une vingtaine de soldats rebelles.

Localisation du Timor oriental

Selon les informations rendues publiques sur place par les militaires australiens, l'intervention aurait été réalisée à l'aube, avec l'appui de trois véhiculés blindés et de deux hélicoptères Black Hawk. Durant l'assaut, 4 personnes auraient été tuées, mais aucun soldat étranger n'aurait été tué ou blessé, tandis que le major Reinado serait parvenu à prendre la fuite avec plusieurs de ses hommes, au cours d'un échange de tirs qui aurait duré 90 minutes.

Les autorités politiques et militaires australiennes semblent s'attendre à un prochain regain de violence au Timor oriental, notamment dans la capitale, où les mesures de sécurité ont été renforcées. On constatait en effet, à Dili comme dans les villes de Gleno et Erbera, des mouvements de rue semblant tourner à l'émeute.

Le ministre australien des Affaires étrangères, Alexander Downer, a indiqué, depuis Jakarta, la capitale indonésienne, que tout serait fait pour capturer vivant le major Reinado, tout en réitérant de précédents appels à une reddition immédiate.

Les derniers événements

 
Armes de la République démocratique du Timor oriental

Le major Reinado avait conduit un raid, dimanche 25 février, contre un poste police du district de Maliana, à proximité de la frontière avec l'Indonésie (qui conserve la souveraineté sur la partie occidentale de l'île de Timor), et s'était emparé à cette occasion de 16 à 25 armes à feu automatiques [1]. Le président de la République, Xanana Gusmão, dès l'annonce de l'attaque, avait téléphoné au président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono, pour lui demander de fermer la frontière commune, ce qui avait été accepté par les autorités de Jakarta [2].

À la suite de cette attaque, l'armée indonésienne avait déployé un millier d'hommes de troupe le long de sa frontière avec le Timor oriental, afin de prévenir toute incursion des troupes rebelles en territoire indonésien [3].

Lundi 26 février, le président Gusmão, dans une allocution télévisée, avait indiqué que le gouvernement avait rompu toute négociation avec les rebelles, et précisé qu'une demande avait été adressée à la Force internationale de sécurité, dirigée par l'armée australienne, en vue de mettre sur pied une opération militaire permettant de neutraliser le major Reinado et ses hommes. Le président, avec le contreseing du Premier ministre, avait demandé par écrit au commandement australien de déclencher l'opération contre la base des rebelles, selon les informations communiquées dimanche 4 mars à la presse par Alexander Downer, ministre australien des Affaires étrangères, à son arrivée à Jakarta pour un sommet régional de lutte contre le terrorisme.

La ville de Same était encerclée par les troupes australiennes dès le 27 février, sans que l'ordre d'attaque soit toutefois formellement lancé, peut-être pour peaufiner la préparation de l'assaut, risqué pour les militaires australiens, les rebelles disposant d'au moins un lance-roquette du type de ceux détenus par les Australiens [4].

L'arrière-plan de la crise

 
Carte du Timor oriental

La crise au Timor oriental avait démarré en février 2006 par la désertion, en deux vagues, d'environ 580 soldats de l'armée régulière, originaires de la province d'Oecussi-Ambeno, enclavée dans la partie indonésienne de l'île, qui se plaignaient de discrimination de la part de la majorité issue de la partie orientale. La crise avait dégénéré à la fin du mois d'avril, lorsque les déserteurs, appuyés par de jeunes chômeurs, étaient venus manifester dans les rues de la capitale. Les manifestations s'étaient transformées en émeutes, qui avaient causé la mort de 5 personnes, la destruction d'une centaine de bâtiments et le fuite hors de la capitale d'une vingtaine de milliers de ses habitants.

Le 4 mai, le major Alfredo Reinado et une vingtaine de soldats avaient à leur tour déserté et, après s'être emparé d'armes, avaient établi une base rebelle dans la localité d'Aileu, à proximité de Dili.

Le 24 mai suivant, le gouvernement avait demandé l'assistance militaire de l'Australie, de la Malaisie, de la Nouvelle-Zélande et du Portugal, qui n'avaient pas tardé à envoyer des troupes pour tenter de rétablir l'ordre.

L'agitation avait continué tout au long du mois de juin, conduisant à une grave crise politique, avec menace de démission du président de la République, démission du ministre des Affaires étrangères, tous deux en désaccord avec le Premier ministre Mari Alkatiri, rendu responsable de la crise par une partie de la population. Le Premier ministre avait finalement accepté de démissionner le 26 juin, pour être remplacé, le 10 juillet, par le chef de la diplomatie démissionnaire, José Ramos Horta, Prix Nobel de la paix en 1996.

Le 30 août, le major Reinado, qui avait été arrêté et incarcéré dans l'intervalle, s'était évadé avec 56 autres hommes de la prison de Dili, probablement grâce à des complicités locales. Il était entré en clandestinité, tout en faisant des appariritions périodiques dans les médias, ce qui semble témoigner de l'existence d'un réseau de solidarité favorable aux rebelles.

La situation s'était relativement stabilisée, mais il était resté une agitation sporadique. La crise semble s'être ravivée à l'approche de l'élection présidentielle qui doit survenir le 9avril et qui sera la première depuis la reconnaissance de l'indépendance par l'Indonésie en 2002. Le président Xanana Gusmão a déjà annoncé qu'il ne solliciterait pas le renouvellement de son mandat, sans pour autant se retirer de la vie politique, puisqu'il envisage de se présenter aux élections législatives, qui devraient se tenir un peu plus tard dans l'année. L'actuel Premier ministre, José Ramos Horta, s'est quant à lui porté candidat à la succession du président de la République.

Le 12 février, José Ramos Horta, Premier ministre et ministre de la Défense, lançait un appel pour la prolongation du mandat de la Mission intégrée des Nations Unies au Timor-Leste (MINUT) tandis que, le même jour, Atul Khare, Représentant spécial du Secrétaire général au Timor-Leste, se présentait devant de Conseil de sécurité de l'ONU pour expliquer la demande de Ban Ki-moon allant en ce sens [5].

Le 22 février, le Conseil de sécurité avait adopté à l'unanimité la résolution 1745, prorogeant jusqu'au 26 février 2008 le mandat de la Mission intégrée des Nations Unies au Timor-Leste (MINUT) [6], prenant notamment en compte la situation humanitaire difficile et le regain des violences au cours des deux dernières semaines.

Notes

Sources

Sources anglophones
Source francophone
Source hispanophone
Source lusophone