Harmonia Amanda : Que pouvez-vous nous dire sur le magazine L’Arc et le Heaume en général ? Quand a-t-il été créé et dans quel but ?
Vivien Stocker : C’est en 2003 que paraît pour la première fois le magazine de l’association Tolkiendil. À l’époque, celui-ci ne se nommait pas
L’Arc et le Heaume, mais tout simplement le
Tolkiendil Mag. Son but est de promouvoir
Tolkien mais au travers d’un support papier, en parallèle du site internet et du forum de l’association. Le magazine s’articule autour d’actualités, d’illustrations originales et de textes accessibles à tous en complément de ceux disponibles sur le site. Ces textes, de portées diverses, s’axent sur une thématique particulière avec des articles synthétiques, d’autres davantage analytiques, des cartes, des jeux, etc. Chaque volume présente, par ailleurs, un auteur de fantasy et une partie de son œuvre pour faire découvrir un monde fantastique différent de la
Terre du Milieu. Actuellement la collection comporte trois numéros : « les
Hobbits », « les Animaux de Tolkien » et «
Númenor ». Le prochain numéro, prévu pour 2013, tombera en plein dans l’actualité internationale avec pour thème l’ouvrage du
Hobbit, à l’occasion de l’anniversaire des
75 ans de la première édition, de la parution d’une toute nouvelle traduction française et bien évidemment de la
trilogie cinématographique. À ces numéros, vient donc s’ajouter ce hors-série, qui se présente comme un recueil d’articles.
Harmonia Amanda : Comment est venue l’idée d’un hors-série ?
Vivien Stocker : L’idée m’est venue en juin 2009, alors que l’effervescence sur les films du Hobbit ou les 75 ans de la première édition n’étaient pas encore commencés. Je souhaitais que Tolkiendil fête l’anniversaire des 120 ans de Tolkien, qui tombait également cette année, en éditant un numéro spécial de L’Arc et le Heaume. J’envisageais que l’on demande à une dizaine d’auteurs d’écrire un article sur Tolkien et sur le sujet qu’ils voulaient. Les deux seules contraintes que j’avais émises étaient que cette dizaine d’auteurs devaient être d’origine française pour moitié et étrangère pour l’autre, et que les contributions soient inédites (ou indisponibles) en français. Le projet a un peu évolué en trois ans mais reste identique dans ses grandes lignes.
Harmonia Amanda : Ce projet a impliqué combien de personnes ?
Vivien Stocker : Je ne m’amuserais pas à compter toutes les personnes qui ont participé, je les ai déjà nommées dans mon éditorial ; mais sur les onze contributions du volume, sept sont des traductions. Ajoutons à cela les illustrateurs, relecteurs, maquettistes, etc., et ça fait facilement une trentaine de personnes qui se sont prises au jeu de près ou de loin.
Harmonia Amanda : Comment les auteurs ont-ils été contactés ? Y a-t-il eu de l’enthousiasme ou au contraire a-t-il été difficile de les convaincre ?
Vivien Stocker : Tous les contacts se sont faits par mail. La première partie du projet a été de lister quelles personnes nous allions contacter. J’ai commencé à joindre les auteurs environ deux mois et demi après que j’ai lancé l’idée, avec l’aide de l’équipe, en particulier pour les mails en anglais. La majorité des auteurs ont accepté immédiatement. Paradoxalement, ce sont les auteurs étrangers qui ont montré le plus d’empressement à participer, alors que les premiers auteurs français contactés ont pour la plupart refusé, souvent par manque de disponibilité. Dans la plupart des cas, j’ai laissé les auteurs faire des propositions, sauf dans les cas de
John D. Rateliff et de
Ted Nasmith pour lesquels les contributions étaient des demandes de ma part.
Harmonia Amanda : Comment s’est fait le choix des traducteurs ?
Vivien Stocker : Chez Tolkiendil, tout est volontaire et dépendant du temps de chacun ! En l’occurrence, la plupart des articles ont été traduits par les personnes qui se sont proposées pour un texte précis. La notion de compétence est évidemment importante, mais je crois que, hormis moi-même, tous les traducteurs ont l’habitude d’utiliser la langue anglaise : ils étaient donc les candidats les plus aptes. Chacune des traductions a été relue de nombreuses fois pour éliminer le maximum d’erreurs. J’espère d’ailleurs que dans l’ensemble, les traductions sont de qualité.
Harmonia Amanda : Ce hors-série comprend un texte de Tolkien lui-même inédit en français… (« Essai sur
Smith de Wootton Major »)
Vivien Stocker : Le texte de Tolkien est particulier. Au départ, rien ne laissait présager que nous allions publier un texte de Tolkien dans ce volume. En fait, la traduction existait depuis 2008 dans les cartons de Tolkiendil, dans l'attente que nous demandions l'autorisation du
Tolkien Estatede la publier. Nous nous sommes dit que la publication dans le magazine serait une occasion rêvée. Depuis quelques années, nous sommes en contact avec le Tolkien Estate pour obtenir des autorisations de publication de textes et illustrations de Tolkien, et notre demande a pu être acceptée à la condition de supprimer ladite traduction le jour où une traduction officielle sera publiée. Ce furent surtout les éditions
HarperCollins qui furent dures à convaincre. Je dois dire que nous sommes fiers que ces deux entités nous aient permis de publier ce texte, c’est une opportunité sans égale pour Tolkiendil.
Harmonia Amanda : Le hors-série comprend également la traduction en français d’un lai narratif en
moyen anglais Sire Orfée…
Vivien Stocker : La traduction de
Sir Orfeo possède une histoire assez similaire finalement. C’est une traduction qui a été faite en 2006 par Bertrand Bellet, qui n’était plus accessible depuis 2009 et la fin du site Geocities. Le lien avec Tolkien était plus ténu que le reste, mais restait toujours dans la marge acceptable. De plus, cela permettait de découvrir un texte cher à Tolkien, sans avoir besoin d’une autorisation du Tolkien Estate. En effet, ce n’est pas la version de Tolkien qui est traduite
[Note 1], mais le texte original en moyen anglais. J’ai tout de suite été enchanté par le texte et sa traduction, et avec l’équipe nous nous sommes dit qu’il fallait les publier ensemble. Ma plus grande joie a été que quelques extraits soient lus par
Thomas Honegger lors d’une soirée du colloque de Cerisy (malgré l’absence de Bertrand Bellet) et que la qualité de sa traduction soit saluée.
Harmonia Amanda : Comment s’est fait le choix de la couverture et des illustrations ?
Vivien Stocker : Là encore, à une seule exception près, ce sont tous des illustrateurs bénévoles qui en sont à l’origine. Pour la couverture, j’ai eu l’idée assez tôt, et avec l’aide de Pascal Legrand qui l’a dessinée, nous en avons fait la surprise à l’équipe. Les autres illustrations ont été proposées par l’équipe, pour correspondre chacune à l’un des textes du volume (hormis deux qui n’étaient pas destinées à entrer dans le magazine à l’origine). Enfin, il y a le cas particulier de l’illustration de
Ted Nasmith, qui est intimement liée au texte. En effet, Ted Nasmith évoque cette illustration dans son article. Il nous semblait adéquat de la représenter, et Ted Nasmith a volontiers accepté.
Harmonia Amanda : Que vous a apporté cette expérience ?
Vivien Stocker : Pour rire, je pourrais répondre des nuits blanches… À l’ensemble de l’équipe et notamment aux maquettistes !
Plus sérieusement, outre l’expérience de mener un tel projet à bien, la réponse est sans doute que ça a apporté une certaine reconnaissance de Tolkiendil, notamment au niveau du cercle universitaire tolkienien français. Ce volume montre que Tolkiendil possède la capacité de créer des recueils d’articles qui n’ont rien à envier aux ouvrages que je qualifierais de professionnels et que l’association ne peut désormais plus être mise de côté avec l’argument que nous sommes un groupe d’amateurs. Dans mon éditorial, je nomme une certaine catégorie d’« amateurs éclairés », qui ne sont pas des universitaires mais en ont la carrure vu la qualité de leurs écrits. Je crois que ça correspond plus généralement à ce qu’est Tolkiendil : un groupe d’amateurs éclairés qui ont montré qu’ils avaient du potentiel tant au niveau de la connaissance et de l’analyse de l’œuvre qu’au niveau de la mise en œuvre d’un tel projet. Cela se voulait volontairement ambitieux à la base mais je crois que l’essai a été transformé avec succès !
Harmonia Amanda : Qu’est-ce qui est envisagé pour la suite ?
Vivien Stocker : Comme je le disais en préambule, un quatrième numéro « classique » sur
Le Hobbit est en cours d’élaboration, pour coller à l’actualité, notamment la nouvelle traduction qui vient de paraître aux
éditions Bourgois. Celui-ci devrait sortir
en 2013, si tout se passe comme prévu. Dans les projets immédiats, il nous faut intégrer cette nouvelle traduction dans notre encyclopédie, ce qui n’est pas si facile qu’on pourrait le croire. Au niveau de la promotion de l’œuvre de Tolkien, il y a également la sortie du
Dictionnaire Tolkien dirigé par
Vincent Ferré auquel certains d’entre nous ont eu la chance de participer, et évidemment la sortie du
premier film de
Peter Jackson qui va être le vecteur d’un flot important de lecteurs des œuvres de Tolkien, comme il y a dix ans avec la
trilogie cinématographique du
Seigneur des anneaux.
Alors même si certains d’entre nous, moi le premier, seraient prêts à retenter l’expérience assez vite, ce n’est pas pour tout de suite, mais ça viendra je l’espère. Nous avons quelques idées.
Harmonia Amanda : Le mot de la fin ?
Vivien Stocker : J’invite toute personne, qu’elle connaisse ou non Tolkien sur le bout des doigts, à venir partager cette passion avec nous. Nous recherchons toujours des gens capables de nous aider, que ce soit pour des tâches simples comme créer des fiches de livres, écrire des articles encyclopédiques ou proposer des jeux, ou pour des choses plus compliquées comme écrire des articles d’analyses. Tolkiendil est avant tout une association de personnes avant d’être un site, on a tendance à l’oublier.