France : ouverture de la concurrence pour La Poste en 2011

Publié le 10 juillet 2008
Le 1er octobre 2007, après un débat de 20 ans, les États membres (sauf le Luxembourg) avaient approuvé un compromis sur la libéralisation des services postaux repoussant de 2009 à 2011 la libéralisation totale du secteur postal (les lettres de moins de 50 grammes incluses) [1]. Cette "libéralisation totale" est définie par la directive « 2002/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002 modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l’ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté »[2].

Un communiqué [3] de l'agence de presse officielle de la Commission européenne du 31 janvier 2008 informe que « Parlement européen a adopté aujourd'hui la nouvelle directive postale[4]. Ce vote confirme le large consensus politique sur la voie à suivre en vue de l’ouverture totale des marchés postaux de l’UE à la concurrence. »

Sur son site officiel[5] la commission justifie sa directive ainsi : « Se fondant sur de nombreuses recherches, la Commission estime qu'il s'agit de la meilleure façon de maintenir le service universel tout en continuant à améliorer la qualité et le choix pour les consommateurs et les entreprises de l'Union. Avec l'ouverture totale du marché, les opérateurs nationaux ne disposeront plus du monopole, appelé "domaine réservé", pour les envois d'un poids inférieur à une certaine limite (50 grammes actuellement). Les États membres pourront choisir parmi plusieurs moyens flexibles de financer le service universel ou auront la possibilité de répartir les obligations de service universel entre les opérateurs.
La proposition clarifie ces différentes options.
La proposition de nouvelle directive constitue la dernière étape d'un long processus de réforme qui a déjà permis d'ouvrir à la concurrence des pans importants des marchés postaux de l'Union, avec des résultats très positifs. »

et un peu plus loin « Avec la suppression des domaines réservés, les utilisateurs des services postaux peuvent s'attendre à une amélioration et à une multiplication des services disponibles. La concurrence potentielle des nouveaux acteurs du marché encouragera les prestataires du service universel à devenir plus fiables et efficaces et à être davantage encore au service des clients. L'ouverture totale du marché favorisera en outre directement la création de nouveaux emplois dans les nouvelles entreprises de services postaux et, indirectement, dans les secteurs dépendant du secteur postal. »

Le projet présenté par Claude Guéant

C'est dans ce contexte européen que Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, a présenté dimanche dernier 6 juillet un projet provenant d'une initiative du président de La Poste Jean-Paul Bailly permettant de la transformer en société anonyme. Ainsi d'après Le Monde[6] « La Poste, la première entreprise française avec 300 000 salariés, pourrait bientôt changer de statut. Selon nos informations, le président de l'entreprise publique, Jean-Paul Bailly, a mis à l'étude la transformation du groupe, aujourd'hui doté du statut d'exploitant autonome de droit public - assimilable à celui, plus connu, d'Établissement public industriel et commercial (Epic) - en une société anonyme (SA). »

Dans les autres pays européens, la situation des postes est très variée : en Hollande TNT est privatisé. En Allemagne, libéralisée depuis le 1er janvier 2008, Deutsche Post est cotée en bourse (l'État allemand y est minoritaire). En Grande-Bretagne, le marché est entièrement libéralisé mais la Royal Mail est détenue à 100% par l'État. En Belgique, La Poste/De Post est détenue à 100% par l'État. En Autriche, Österreichische Post AG est détenue à 51% par une société contrôlée par l'État. En Suède, Posten AB est une SARL détenue à 100% par l'État dans un marché totalement libéralisé. En Espagne, Correos est public à 100%.[7]

Les réactions

La Poste a un effectif de 300 000 salariés, ce qui en fait la première entreprise française, les syndicats ont accueilli ce projet avec inquiétude, comme le montrent ces extraits de la presse :
D'après L'Express, « La fédération Sud-PTT a condamné vendredi "avec la plus vive énergie tout projet de changement de statut de La Poste qui la pousserait inévitablement dans une logique exclusivement financière, une logique incompatible avec le service public".
Sud-PTT appelle à la création d'un collectif "contre la privatisation du service public postal". »[8]
De son côté, France3 rapporte que « Les syndicats qui ont immédiatement fait part de leur inquiétude. C'est une "déclaration de guerre contre les salariés de l'entreprise", ont réagi Force Ouvrière et la CFTC, demandant au président une réunion rapide des syndicats. Tout aussi virulente, la CFDT a dénoncé une "tentative de coup de force". »[9]
L'Expansion indique que « la CGT a fait valoir que la transformation de La Poste en société anonyme ferait peser de sérieuses craintes sur l’emploi. Ce serait « serait ni plus ni moins une privatisation de l'entreprise qui n'aurait alors plus rien à voir avec le service public. Or on connaît aujourd'hui les effets de la privatisation sur les salariés : chez France Telecom, ça a débouché sur des milliers de suppressions d'emplois qui continuent », a déclaré la secrétaire générale de la CGT-Poste, Colette Duynslaeger. Selon elle, les craintes pour le personnel sont d'autant plus importantes que la Poste compte « beaucoup de salariés de petite catégorie, beaucoup de précarité et beaucoup de contractuels. »[10]

Notes

Sources