CEDH : la France condamnée pour violation de la liberté d'expression

Publié le 11 juin 2020
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné aujourd'hui la France pour violation de la liberté d'expression (Article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme). En effet, la France avait définitivement condamné, en 2015, des militants pro-Palestine pour avoir appelé au boycott des produits israéliens dans un supermarché de la banlieue de Mulhouse.

Manifestation pro-palestine à paris en 2014
Manifestation pro-palestine à paris en 2014

C'est la deuxième fois ce mois-ci que la France est condamnée par cette cour internationale ; la semaine dernière, la France a été condamnée pour ne pas avoir pris, en 2009, les mesures nécessaires pour sauver une petite fille de 8 ans qui est décédée sous les coups de ses parents. Hasard du calendrier, l’arrêt intervient après qu'un ministre allemand en visite en Israël eut rappelé hier sa "sérieuse inquiétude" à propos de l'annexion de la Cisjordanie.


Quel est le jugement de la CEDH ?

La CEDH avait été saisie en 2016 par onze membres d'une organisation propalestinienne, "Collectif Palestine 68", lesquels avaient été condamnés pour "discrimination économique" suite à leur appel au Boycott d'Israël. La Cour basée à Strasbourg a jugé à l'unanimité que la France avait violé l'article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme proclamant que "toute personne a droit à la liberté d’expression". Rappelant qu' « il n’y eut ni violence, ni dégât », les juges ont estimé que les actes des personnes incrimininées « relevaient de l’expression politique et militante ».

« Par nature, le discours politique est source de polémiques et est souvent virulent. Il n’en demeure pas moins d’intérêt public, sauf s’il dégénère en un appel à la violence, à la haine ou à l’intolérance. Là se trouve la limite à ne pas dépasser (...) Les actions et les propos reprochés aux requérants concernaient un sujet d’intérêt général, celui du respect du droit international public par l’État d’Israël et de la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés, et s’inscrivaient dans un débat contemporain, ouvert en France comme dans toute la communauté internationale. »

Ce jugement confirme pour l'association que « l’appel au boycott est reconnu comme droit citoyen » et va dans le sens de l'ONU qui déclarait en septembre 2019 : « En droit international, le boycottage est considéré comme une forme légitime d’expression politique, et les manifestations non violentes de soutien aux boycotts relèvent, de manière générale, de la liberté d’expression légitime qu’il convient de protéger. »

La France a ainsi été condamnée à verser « 380 euros pour dommage matériel, 7 000 euros pour dommage moral et, aux requérants ensemble, 20 000 euros pour frais et dépense ».


Sur quoi portait l'affaire?

Le 26 septembre 2009, puis le 22 mai 2010, des militants de la cause palestinienne ont manifesté dans un hypermarché Carrefour près de Mulhouse. Portant sur eux des t-shirts "Palestine vivra" et "boycott Israël », ils distribuaient des tracts affirmant qu' « acheter les produits importés d’Israël, c’est légitimer les crimes à Gaza, c’est approuver la politique menée par le gouvernement israélien ». Appelant ainsi au boycott de produit importé d'Israël, les militants ont été condamnés pour "incitation à la discrimination économique envers des personnes en raison de leur appartenance à une nation".

La Cour d'appel (France) a jugé les prévenus en 2013 et les a condamnés à payer 1 000 euros d'amende avec sursis et encore 1 000 euros pour préjudice moral à quatre associations. En 2015, la Cour de cassation confirma cette condamnation argumentant que ces actions étaient une "provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence".

Une circulaire de 2010 de l'ancienne garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie, demandait de poursuivre en justice chaque appel au boycott de produits israéliens. Les procédures judiciaires se sont multipliées depuis lors. Aujourd'hui, l'arrêt de la CECH annule définitivement ce jugement ainsi que cette circulaire.


Sources

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