Conjectures sur le plan de l'ONU pour l'avenir du Kosovo

Publié le 28 janvier 2007
Cinq jours après les élections législatives en Serbie, qui se sont déroulées dimanche 21 janvier 2007, l'envoyé spécial de l'ONU pour le Kosovo, Martti Ahtisaari, ancien président de la République finlandaise, a présenté ses recommandations pour l'avenir de la province serbe à majorité albanaise, sous administration directe de l'ONU. Les détails du plan concocté par M. Ahtisaari ne sont pour le moment connus que des diplomates représentant les pays membres du « groupe de contact » (Allemagne, États-Unis, France, Italie, Royaume-Uni et Russie) ainsi que de ceux représentant l'Union européenne et l'OTAN.

Localisation de la Serbie en Europe

M. Ahtisaari a rencontré les diplomates représentant les pays membres du « groupe de contact » à Vienne, capitale de l'Autriche, au palais de la Hofburg, au cours d'une rencontre d'une heure et demie s'étant déroulée à huis clos. Selon Albert Rohan, adjoint de M. Ahtisaari pour l'élaboration de ce rapport, le contenu de celui-ci ne devrait pas être rendu public avant le courant du mois de mars, lorsqu'il sera soumis à l'examen du Conseil de sécurité de l'ONU.

Carte de la Serbie

Si le texte des propositions de M. Ahtisaari reste inconnu, diverses indiscrétions diplomatiques calculées donnent un aperçu de leur teneur. Il semble que le rapport cherche à promouvoir pour le Kosovo une forme de souveraineté très large, impliquant la possibilité pour la province nominalement serbe de demander son adhésion à diverses organisations internationales, tandis que des garanties très larges seraient données aux diverses minorités, dont la minorité serbe, d'obtenir une très large autonomie au sein de cette souveraineté, voire de conserver des liens avec la Serbie (sous une forme qui resterait à définir).

M. Ahtisaari entend présenter son plan, le 2 février, tant au gouvernement serbe actuellement dirigé par Vojislav Koštunica (lequel déclare pour le moment ne pas avoir l'intention de recevoir M. Ahtisaari) qu'aux autorités kosovares siégeant à Pristina, notamment le président Fatmir Sejdiu.

Le ministre français des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, sans révéler le détail des propositions qui avaient été soumises par M. Ahtisaari, s'est déclaré d'accord sur les grands principes énoncés dans ce plan, insistant pour sa part sur la protection dont bénéficierait la minorité serbe du Kosovo à l'avenir.

Un diplomate occidental ayant conservé l'anonymat a par ailleurs fait savoir que la Russie préférerait, avant de se prononcer sur le contenu du plan de M. Ahtisaari, que la situation politique en Serbie soit un peu plus claire. Les élections législatives du 21 janvier n'ont en effet pas encore permis de dégager une majorité de gouvernement claire, avec un parti qualifié d'« ultranationaliste », le Parti radical serbe, en tête des formations politiques mais sans majorité parlementaire [1].

Vendredi 26 janvier avait également lieu, à Bruxelles, une réunion des représentants des 26 pays membres de l'OTAN, qui entretient au Kosovo une force composée d'environ 17 000 hommes. À l'occasion de cette réunion, qui traitait par ailleurs de la situation en Afghanistan, le secrétaire général de l'organisation, Jaap de Hoop Scheffer, ancien ministre néerlandais des Affaires étrangères, a affirmé que la KFOR (la force multinationale déployée au Kosovo depuis 1999, sous commandement de l'OTAN), continuerait à jouer son rôle durant tout le processus d'élaboration d'un statut pour la province sécessionniste serbe, voire au-delà, et n'a pas caché que les États membres étaient désireux de l'adoption rapide d'une résolution réglant enfin le statut de la province.

Composition ethnique du Kosovo en 2005

Les réticences de la Russie face à une éventuelle indépendance du Kosovo ne sont d'ailleurs un mystère pour personne. Le dernier signe en date a été la déclaration, mercredi 24 janvier à Strasbourg, du chef de la délégation russe à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Konstantin Kossatchev, qui s'est dit hostile à toute résolution de l'Assemblée qui se prononcerait en faveur de l'indépendance de la province serbe à majorité albanaise. La Commission des questions politiques avait en effet rédigé un rapport, présenté le 18 septembre dernier par Lord Russell-Johnston, rapport qui, sous couvert d'une vue d'ensemble de la « Situation actuelle au Kosovo », envisageait clairement l'indépendance de la province [2], tandis que la résolution 1453 de l'Assemblée, adoptée le 21 juin 2005, s'abstenait d'évoquer l'éventualité de l'indépendance, insistant sur la nécessité d'une « solution pacifique et mutuellement acceptable » (par le gouvernement serbe, la majorité albanaise et les minorités du Kosove) impliquant « des concessions de part et d’autre » [3].

M. Kossatchev avait d'ailleurs rappelé à cette occasion que l'élaboration d'un nouveau statut pour le Kosovo était, aux yeux de la Russie, du seul ressort du Conseil de sécurité de l'ONU [4].

La position de la Russie prend un certain relief si l'on songe que son accord est indispensable pour passer outre l'actuelle résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'ONU, adoptée le 10 juin 1999, qui, tout en accordant une « autonomie substantielle » au Kosovo au sein de la Serbie, l'avait placé sous administration directe de l'ONU.

Notes

Sources

Sources francophones
  • ((fr)) – Alexandrine Bouilhet« Kosovo : le plan de l'ONU divise les Occidentaux ». Le Figaro, 27 janvier 2007.
  • ((fr)) – Maurin Picard« Martti Ahtisaari a présenté ses propositions aux grandes puissances ». Le Figaro, 27 janvier 2007.
Sources anglophones