Droit en France : ACADOMIA écope d'un avertissement de la CNIL

Publié le 27 mai 2010
la CNIL[1] a épinglé la société AIS 2, exerçant sous l'enseigne ACADOMIA, pour non conformité de ses fichiers informatiques. Cette entreprise est spécialisée dans la « mise en relation d'enseignants avec des parents d'élèves », pour le soutien scolaire des enfants. Lors d'un contrôle inopiné, la CNIL a découvert trois types d'anomalies qui l'ont poussée à lui infliger un avertissement public. Les propos relevés dans la base de donnée Sranet d'ACADOMIA concernaient tout autant les 52 618 enseignants recrutés que les enfants et leurs parents. Ces données étaient conservées indéfiniment depuis la création de la base de donnée en juillet 2004. Aucune autorisation préalable n'a été soumise auprès de la CNIL. Elles concernaient aussi les 131 704 enseignants ayant quitté la société. Étaient aussi fichés, les 179 763 candidats non recrutés. À cela, s'ajoute la collecte abusive du numéro NIR de sécurité sociale, qui ne peut être demandé qu'aux enseignants recrutées. Autant d'illégalités qui ont poussé la CNIL à réagir.

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Des irrégularités graves

La première irrégularité consiste en des commentaires particulièrement déplacés, voire grossiers. Ainsi, pouvait-on lire les termes de « gros con », « vraiment trop conne », « mère salope », « gros crétin », « saloperie de gamin », « parisien frustré », « sent le tabac et la cave », « seul bémol : il pue[2] ».

La deuxième infraction relevée était la collecte d'informations médicales sur les personnes telles que : « cancer du poumon tant mérité », « hospitalisé en urgence pour une tumeur cancéreuse au cerveau de grade 3 », « sa maman a cancer utérus », « narcoleptique ; hypersomniaque, tentatives de suicide, varie de la boulimie & anorexie ». « Or, s'il est légitime de tenir compte de contraintes d'ordre médical pour l'organisation de cours à domicile, la Commission ne saurait admettre l'enregistrement d'informations détaillées sur les pathologies touchant les clients ou les enseignants, a fortiori sans leur consentement », estime la Commission dans son communiqué de presse.

Le troisième point critiqué par la CNIL concerne l'enregistrement d'informations portant sur les antécédents judiciaires de leur clients. Parmi ces données, la CNIL a relevé les termes de « élève retourné en prison », « est mis en examen (je ne sais pas pourquoi) », « vols de sacs et argent avec un camarade, destruction de toilettes… », « le père avait fait de la prison », « sa cousine avait été assassinée et violée ». La CNIL a rappelé, à cet effet, que « la société ne peut enregistrer, à partir de simples signalements, des informations non vérifiées susceptibles d'aboutir à la constitution d'un fichier privé d'infractions qui est interdit par la loi ».

Chose assez rare pour être signalée, le président de la CNIL a saisi, le 17 mai dernier, le Parquet en vue d'éventuelles poursuites pénales.

Le président de la CNIL s'explique

« Ils n'ont pas respecté la procédure », explique Alex Türk, président de la CNIL. « Ils n'ont pas demandé l'autorisation préalable de constituer des fichiers nominatifs sur les enseignants qui postulent chez eux. De plus, ils conservaient notamment des informations sur des personnes qui avaient quitté la société : ils n'en ont pas le droit », poursuit-il.

Revenant sur ce qui l'a choqué le plus, il dénonce : « Ce qui est intolérable, ce sont les insultes. Certains parents se voient gratifier de qualificatifs tels que “gros con” ou “salope” : sur quoi est-ce que cela repose ? […] Avoir des fichiers sur les enseignants, je n'ai aucun problème avec cela, mais conserver des informations sur des gens que l'on n'a pas recruté, non ! Pourquoi garder ces infos qui relèvent de la vie privée, de l’intimité ? Il n'y a aucune justification à cela ! »

  La société Acadomia doit désormais s'expliquer devant l'opinion publique.  

— Alex Türk

De telles sanctions ne sont pas rares, ajoute le président de la Commission, « la CNIL en donne plusieurs chaque année. Ce qui est rare, c'est d'avoir rendu cet avertissement public ». Il s'agit, pour la CNIL « la manière plus forte de poser le problème. Il y a un double objectif : tout d'abord, la première sanction réside dans le fait que la société Acadomia doit désormais s'expliquer devant l'opinion publique. Deuxièmement, nous voulons faire une action de pédagogie forte, montrer aux entreprises que nous contrôlons et leur signifier qu'elles courent des risques si elles ne respectent pas la vie privée des gens », précise-t-il.

ACADOMIA proteste

Le directeur financier d'Acadomia, José Dinis, a élevé une protestation à l'encontre de la CNIL. Selon l'intéressé, le rapport serait « truffé d'erreurs ». Faux, rétorque Alex Türk, « nos contrôleurs sont habilités par le Premier ministre, ils sont juristes, techniciens, ils ne débarquent pas comme ça de nulle part ! Nous avons la totalité de l'enquête réalisée par la CNIL, on peut balancer ! Qu'ils disent qu'ils sont en train de rectifier, encore heureux, j'ai envie de dire ! Et nous veillerons à ce que cela ne se reproduise pas… Il faut que chacun comprenne que l'on ne juge pas de l'avenir mais du passé et du présent ».

Notes

Voir aussi

Sources