France : le Conseil constitutionnel censure la loi Avia
Publié le 22 juin 2020
Le Conseil constitutionnel a censuré la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite loi Avia, de son inspiratrice la députée Laetitia Avia. Elle a été appuyée par l'exécutif et, plus particulièrement, par la Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, ancienne membre dudit Conseil. Les magistrats n'ont pas été tendres avec le texte controversé déféré par plus de 60 sénateurs ; de nombreux griefs ont été énoncés.
Après avoir fait valoir la liberté d'expression, il a rappelé qu'« en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services et de s’y exprimer. » Dans un considérant de principe, le Conseil énonce que « cependant, la liberté d’expression et de communication est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il s’ensuit que les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi. » Néanmoins, confier à des entreprises privées de retirer des articles, sans que le caractère haineux de ceux-ci soit établi de manière manifeste, le tout sous peine d'une forte condamnation pénale par infraction constatée, a provoqué cinq motifs d'invalidation.
Le premier grief consiste en l'obligation de retirer le contenu sur simple signalement sans l'intervention d'un juge. Le deuxième implique d'examiner en profondeur le caractère illicite manifeste sur simple signalement en faisant fi de la présence d'une technicité juridique. Le troisième est tiré du délai de 24 heures pour retirer le contenu malgré la submersion prévisible des signalements. Le quatrième est le caractère flou de la clause exonératoire de responsabilité, qui n'est pas rédigée en des termes permettant d’en déterminer la portée. Enfin, la cerise sur le gâteau, le Conseil critique la sanction pénale de 250 000 euros pour chaque infraction constatée.
Le jugement du Conseil est sévère en affirmant que « le législateur a porté à la liberté d’expression et de communication une atteinte qui n’est pas adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi. »
Le verdict est sans appel ; ce ne sont pas moins de douze articles, sur les dix-neuf que compte la loi, qui passent à la trappe, soit le cœur d'un dispositif controversé, y compris au sein même du Conseil d'État.
Source
modifier- ((fr)) – « Décision n° 2020-801 ». Conseil constitutionnel, 18 juin 2020.
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