Interview exclusive de la joueuse d'échecs iranienne Dorsa Derakhshani

Publié le 6 mai 2020
Le Maître international iranien Dorsa Derakhshani parle de sa carrière aux échecs avec Wikinews. Une interview exclusive, traduite de Wikinews en anglais

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Cet article est une interview accordée par Dorsa Derakhshani
à Wikinews en anglais, le 21 mars 2020.


Dans cette interview, les liens internes redirigent vers des articles de Wikipédia.
Les questions et les réponses n'engagent que les protagonistes.
Dorsa Derakhshani à Baku, en 2017 au Festival d'échecs de Gibraltar

En février 2017, la Fédération iranienne des échecs a annoncé que deux adolescents, Dorsa Derakhshani et son jeune frère Borna Derakhshani, étaient interdits de représenter l'équipe nationale. La fédération a annoncé sa décision bien que Dorsa Derakhshani ait déjà pris sa décision et informé la fédération des échecs qu'elle ne souhaitait pas jouer pour l'Iran.

Dorsa Derakhshani est actuellement âgée de 21 ans et détient le International Master (IM) ainsi que Femme Grand Maître (WGM). Son frère, Borna, joue pour la Fédération anglaise des échecs et détient le titre de FIDE Master.

Dorsa Derakhshani a été interdite parce qu'elle ne portait pas de hijab, un foulard islamique, lors de sa participation au Tradewise Gibraltar Chess Festival en janvier 2017. En vertu des lois de la République islamique d'Iran, le « hijab » est un code vestimentaire obligatoire. Son frère Borna Deraskhsani a été interdit pour avoir joué contre l'Israëlien Grand Maître d'échecs (GM) Alexander Huzman au même tournoi. L'Iran ne reconnaît pas l'existence d'Israël, et auparavant, les athlètes iraniens ont évité de jouer contre des athlètes israéliens.

Mehrdad Pahlavanzadeh, le président de la fédération d'échecs du pays, a expliqué la décision d'interdire les joueurs en disant : « Dans un premier temps, ces deux personnes se verront refuser l'accès à tous les tournois se déroulant en Iran et, au nom de l'Iran, elles n'auront plus la possibilité d'être présentes dans l'équipe nationale. » Il a en outre déclaré, « Heureusement, quelque chose qui n'aurait pas dû se produire s'est produit et notre intérêt national est primordial et nous avons signalé cette position au Ministère des sports. »

L'IM Dorsa Derakhshani, qui étudie actuellement à l'Université de Saint Louis aux États-Unis et joue pour la Fédération américaine des échecs, a parlé de sa carrière aux échecs, de son séjour en Iran et de la controverse de 2017, ainsi que de sa vie à Saint Louis avec un correspondant de Wikinews.

Interview avec Dorsa Derakhshani modifier

Dorsa Derakhshani a grandi à Téhéran, et elle a appris à lire et à écrire dès son plus jeune âge car ses parents étaient « persévérants » quant à son éducation. Elle a remarqué que le manque de tournois d'échecs dans un pays où « les femmes sont considérées comme des citoyens de seconde zone » était l'un des défis qu'elle avait dû relever en vivant en Iran.

Son enfance modifier

Pourriez-vous nous parler de vous ?

Je suis une joueuse d'échecs professionnel et en ce moment je suis étudiante à l'université de Saint Louis.

Qu'est-ce qui vous a intéressé dans les échecs et qui vous a appris ce jeu ?

Je me suis intéressé aux échecs grâce à mon père. Il jouait au lycée avant la révolution iranienne. Mais depuis la révolution, les échecs ont été interdits pendant une dizaine d'années. Il ne pouvait pas jouer en public, alors il jouait juste à la maison et je me souviens qu'il jouait avec ma mère.

Que font vos parents ?

Mon père est médecin, il est pédiatre et médecin de famille. Ma mère est psychiatre.

Comment s'est passée votre enfance ?

J'étais le premier enfant, alors mes parents ont fait beaucoup d'efforts pour m'enseigner un grand nombre de compétences différentes. Ainsi, par exemple, mes parents voulaient vraiment que je commence à écrire et à résoudre des puzzles le plus tôt possible. C'est ainsi qu'à l'âge de deux ans et demi, j'ai terminé la première année [équivalent du CP NDLR]. Je pouvais faire des maths, lire les livres et écrire. Et ils ont continué. Donc, quand j'ai eu un peu plus de quatre ans, j'ai fini la quatrième année. Ils voulaient que je commence la cinquième année à cinq ans, mais le gouvernement n'avait pas vraiment de protocole pour cela, donc ils ne m'ont pas permis de sauter des classes. Mes parents ont donc essayé de remplir mon temps avec d'autres activités telles que le ballet, peinture, musique, natation, et finalement les échecs. Et les échecs étaient la seule chose pour laquelle j' [étais très enthousiaste] parce que j'aimais vraiment résoudre des puzzles mais j'appréciais vraiment la gagne, la compétition.

Comment vous êtes-vous entraîné quand vous étiez enfant ?

J'ai toujours voulu être la meilleure dans ce que je faisais, en particulier dans les échecs. Et j'aimais vraiment ça. Parce que par exemple, en ballet ou en peinture, j'étais forte, mais je n'étais pas sûre de ce à quoi j'étais bonne, étais-je forte juste pour un enfant de mon âge, étais-je forte juste pour la classe dans laquelle j'étais? Et aux échecs, l'un des premiers tournois auxquels j'ai participé, j'ai gagné le championnat national des moins de 8 ans. Je savais donc clairement que j'étais la meilleure dans ce domaine. Et, oui, j'étais très ambitieuse et compétitive, je ne sais pas pourquoi.

Quand avez-vous réalisé que vous étiez un talent sérieux ?

Pendant mon collège et mon lycée, je suis allée à l'organisation qui s'appelle SAMPAD . C'est un acronyme pour, attendez, laissez-moi regarder ça. Ça s'appelle l'Organisation Nationale pour l'Extraordinaire quelque chose. Je vais le chercher dans une seconde. [Cherche sur internet NDLR]...Je savais donc que j'avais l'ambition et le cerveau car j'étais animatrice de télévision quand j'étais enfant et c'était toujours très facile pour moi. Ce n'était pas très stressant. Je n'ai pas eu à faire trop de préparation grâce à la confiance que mes parents m'ont donnée. Ah, le nom de l'école que j'ai fréquentée, sur Wikipédia, c'est Organisation nationale pour le développement des talents exceptionnels. Nous avons donc dû faire un examen. Nous entrions dans ces écoles et il était très difficile de trouver un équilibre entre l'école et les échecs. C'est à peu près à ce moment-là que j'ai arrêté de jouer de la musique et de donner des concerts et que j'ai commencé à me concentrer sur l'école et les échecs.

GM Judit Polgár, une des inspirations de Derakhshani.

Qui vous inspire aux échecs ?

J'aimais beaucoup les trois sœurs de Polgár, spécialement Judit. Ce n'est pas parce qu'elle continuait et qu'elle ne voulait pas seulement être la meilleure joueuse d'échecs. Elle était dans le top 10. Elle a été l'une des premières à briser les barrières du genre, en particulier dans la société des échecs. Alors oui, elle serait source d'inspiration.

Parlez-moi de votre tournoi le plus mémorable.

Elle [Judit Polgár] en a joué tant. Elle n'a pas beaucoup joué ces dernières années parce qu'elle se concentre sur la famille, que je respecte beaucoup parce que je suis moi-même dans une grande famille, donc je le comprends parfaitement. Son plus mémorable, c'est vraiment difficile à choisir. Elle a joué tellement de tournois de haut niveau.

Je voulais dire « votre » plus mémorable.

Le mien... Je veux parler de ma première fois, le premier tournoi que j'ai gagné. Le championnat national iranien pour les filles de moins de 8 ans. Parce que c'était l'un des moments de changement et je me souviens que je portais une robe de princesse. Cela m'a semblé être un moment très fort.

Quel est votre jeu préféré ? Cela peut être le vôtre ou celui de quelqu'un d'autre.

Hum, je joue beaucoup aux échecs en ligne et beaucoup de bonnes positions et de bonnes tactiques s'y produisent mais je ne connais pas vraiment le nom des adversaires.

Parlez-moi des défis auxquels vous avez été confronté en tant que prodige des échecs vivant en Iran.

Eh bien, l'un des grands défis était qu'il n'y avait pas assez de tournois. Parce qu'en Iran, les femmes sont considérées comme des citoyennes de seconde zone, donc je n'étais pas autorisée, et les femmes n'avaient pas le droit de jouer, dans les tournois ouverts. Et il n'y avait pas assez de joueuses d'échecs pour organiser un grand événement. Donc, quand j'ai grandi et que j'avais huit ans, nous avons commencé, mes parents ont commencé, à demander que je puisse jouer dans des tournois masculins. Ce n'était même pas des tournois féminins, c'était juste des tournois.

Donc quand j'avais huit ans, et quand j'en avais dix, ils ont permis aux enfants, comme les petites filles, de jouer, ce qui était un peu gênant. Et puis ils ont établi des règles plus souples, comme par exemple si vous êtes dans l'équipe nationale, vous pouvez jouer le tournoi que vous voulez, si vous gagnez votre catégorie. Mais tout de même. C'était très sexiste.

Vous avez dit que vous étiez présentatrice de télévision quand vous étiez enfant. Dites-nous en plus à ce sujet.

Alors un jour, je chantais et dansais dans un centre commercial, juste, je ne sais pas pourquoi, j'aimais ça, quand j'avais deux ans. Un producteur de télévision m'a vu et a vraiment apprécié ma confiance en moi. Alors ils m'ont donné l'opportunité de coanimer une émission de télévision pour les enfants. Et d'essayer de les inspirer et de les motiver à lire et à écrire pour faire d'autres activités. J'ai fait cela jusqu'à l'âge de six ans, un peu plus de deux mois et j'avais six ans. J'ai arrêté parce qu'ils voulaient que je change ma façon de m'habiller et que je commence à porter le « hijab » et à ne plus porter de robes et d'autres choses. J'ai trouvé ça stupide. Alors je n'y suis plus allée et mes parents ont soutenu ma décision d'arrêter la coanimation.

Vous avez aussi appris à lire très jeune.

Tout ça c'est grâce à mes parents. Ils ont été très persévérants avec mon éducation.

Comment était votre personnalité dans votre enfance ?

Ma mère se moque parfois du fait que j'étais comme un enfant robot, que je disais toujours ce que je pensais. Et j'étais toujours très confiante, je parlais et j'essayais de, je cite, elle disait, « donner des ordres aux gens » à deux ans, ce qui était plutôt adorable. Mais j'ai toujours été très compétitive et, oui, c'est quelque chose que mes parents m'ont donné. Mes parents [...] ont ce potentiel de vouloir inspirer d'autres personnes.

Sa décision de ne pas jouer pour la Fédération Iranienne des Échecs modifier

Ayant gagné plusieurs tournois dans son enfance, le MI Dorsa Derakhshani a décidé de ne pas jouer pour la Fédération iranienne des échecs, disant que "cela ne lui convenait pas".

Au début de votre vie, vous aviez décidé que vous ne vouliez pas jouer pour l'Iran.

J'ai pris cette décision vers [...] 2010, donc 2011, 12, 13, 14 ont été les années où j'ai gagné les championnats nationaux d'Asie et les championnats nationaux des jeunes. Et je ne correspondais pas vraiment à mes coéquipiers ou aux membres de ma fédération. Et ils s'attendaient tous à ce que je leur consacre beaucoup de temps et d'énergie pour essayer, faute de meilleurs mots, de leur lécher le cul. Je n'ai tout simplement pas de meilleur mot à mettre là. Et donc j'ai refusé de le faire parce que j'étais occupée par l'école et les échecs, et j'ai refusé d'aller là-bas et de m'asseoir et d'avoir des réunions hebdomadaires sur je ne sais quoi, pas liées aux échecs. Ce n'était donc pas un bon choix pour moi.

Et je cherchais déjà à immigrer avant cela parce que la plupart de ma famille vit en dehors d'Iran. Pas ma famille proche mais mes tantes et cousins du côté de mes deux parents. Nous avons donc cherché l'immigration dès le début, mais je voulais voir si je pouvais m'épanouir en tant que joueur d'échecs au sein de la Fédération iranienne des échecs, mais, quand j'ai été sûr que ce n'était pas le bon choix, c'est alors que j'ai commencé à chercher une autre fédération et que j'ai décidé de ne plus jouer pour l'Iran. La dernière fois que j'ai joué officiellement pour l'Iran dans un tournoi officiel, c'était en 2015. Et en 2016, j'ai immigré en Espagne pour voir si cette fédération et ce pays seraient un bon endroit pour vivre et jouer aux échecs. Mais lorsque j'ai essayé de décider si je devais transférer ma fédération en Espagne ou rester avec l'Iran, j'ai reçu des offres de bourses d'études de la part d'universités américaines et j'ai décidé d'immigrer ici et de jouer pour la fédération américaine.

Si l'Iran n'avait pas imposé l'observation obligatoire du foulard, auriez-vous, dans ce cas, choisi de jouer pour l'Iran ?

Je ne pense pas qu'il s'agissait que du foulard, car ce n'est qu'un vêtement. Je veux dire, chaque travail a un code vestimentaire. Il ne s'agissait donc pas seulement du foulard, mais aussi de la façon dont la société considérait les femmes et de la lutte que j'ai dû mener en tant que femme. Je devais travailler dix fois plus dur qu'un homme pour être considérée comme deux fois moins bonne que lui, alors que je comprenais mieux et cela aurait dû être différent. Les femmes sont confrontées à l'inégalité dans de nombreux endroits, mais j'ai décidé qu'au lieu de me battre dans un pays où je n'aurais pas assez de possibilité d'expression, j'allais immigrer dans un autre pays où j'aurais une meilleure voix et un meilleur avenir.

À l'époque, votre jeune frère Borna a-t-il également décidé de ne pas jouer pour l'Iran ?

Il voulait aussi immigrer, mais il voulait voir quel pays. Il n'était pas sûr parce que ma famille avait toujours une affaire d'immigration en cours pour venir aux États-Unis. Il n'était donc pas sûr s'il voulait attendre la fin de l'immigration pour commencer à jouer pour les États-Unis, ou s'il voulait jouer pour une fédération européenne. Mais comme il est parti en internat au Royaume-Uni, il a très vite changé de fédération.

Quand avez-vous informé la Fédération iranienne des échecs de votre décision ?

Début 2016. Parce qu'ils voulaient que je joue différents tournois pour eux, des tournois d'équipe. Parce que je serais leur solide deuxième planche parce que j'ai été Grand Maître féminin, puis Maître international en 2016. Ils voulaient donc que je représente leur pays.

Et j'ai complètement refusé, j'ai dit que j'étais en Espagne et que je travaillais pour transférer les fédérations et que je ne voulais plus jouer pour l'Iran. J'ai refusé de jouer pour l'équipe nationale iranienne et j'ai choisi de travailler comme journaliste pour les sites internet français d'échecs. Et j'étais là. Je n'ai tout simplement pas joué pour l'équipe. J'y suis allé seule et j'ai rencontré ma famille.

Combien de temps avez-vous représenté l'Iran aux tournois d'échecs ?

Eh bien, j'ai cessé de les représenter en 2015. Et, j'ai participé à un tournoi international en 2006. J'ai donc joué contre les World Youths en 2006, donc je dirais neuf ans ? Moins de dix ans, oui.

Iranian WGM Atousa Pourkashiyan avec un foulard. Le foulard est obligatoire pour toutes les femmes iraniennes depuis la révolution iranienne de 1979.

La fédération vous avait-elle déjà averti de vous couvrir les cheveux ?

Eh bien, je cite, ils ont dit « Même si vous ne portez pas le foulard, comme sur votre tête, ayez-le au moins autour de votre cou », et j'ai juste pensé que c'était extrêmement stupide parce qu'ils [la Fédération iranienne des échecs] voulaient que cela couvre leurs fesses. Donc s'il y avait une photo, ils disaient : « Oh, il [le voile] vient de tomber ». Si je ne croyais pas en quelque chose, pourquoi je me donnerais la peine de faire semblant ? Et toute cette idée de « mettez le foulard autour de votre cou et si quelqu'un voit, mettez-le en haut, mettez-le en bas ». C'était extrêmement stupide. Mais c'est quelque chose que les autres joueuses d'échecs de l'équipe font depuis des années. Et la plupart d'entre elles ont déjà immigré hors d'Iran de toutes façons.

Y avait-il d'autres règles que les joueuses d'échecs devaient respecter ?

Oh oui, enfin les classiques « pas de fêtes », « pas d'alcool », « pas de contact avec les hommes », bla bla bla, que nous avons tous cassés de toute façon.

Après avoir décidé que vous ne joueriez pas pour l'Iran, qu'avez-vous fait ?

En 2015, j'essayais de savoir quelle fédération aller, quel pays représenter. La Suisse était l'un de mes choix. Mais c'est [tombé] à l'eau juste parce que c'était très compliqué. Je voulais représenter le pays de la Suisse, et ils voulaient que je les représente. Pour que je sois leur meilleure joueuse. Je serais la première de leur conseil d'administration. Mais c'était vraiment difficile de mettre en place un bon système éducatif pour moi et je ne parlais pas d'autres langues que l'anglais et je devais être capable de parler allemand ou français ou autre chose en Suisse pour pouvoir vivre et c'était un gros problème pour moi. J'ai donc fini par déménager en Espagne pour voir si ce serait le pays dans lequel je continuerais à vivre et je n'y ai vécu qu'un an avant de décider de m'installer aux États-Unis.

Sa carrière aux échecs modifier

Comment s'est passé votre séjour au club d'échecs ?

Très bien. C'étaient des gens très gentils. Ils ont aidé pour beaucoup de choses. Ils m'ont aidé à trouver un endroit. Ils m'ont aidé à trouver de bons tournois. Je pense que l'un des grands tournois n'a pas eu lieu l'année dernière, mais j'espère qu'il aura lieu cette année. Oui, c'était un club d'échecs en pleine expansion.

Après avoir immigré aux États-Unis, êtes-vous retourné en Espagne ?

Non, je n'en ai pas eu l'occasion, car je suis surtout très occupée par mes études parce que je suis en pré-médecine et l'autre problème était que je n'avais pas ma carte verte à l'époque. J'ai obtenu ma carte verte l'été dernier. Je suis allée en Amérique du Sud pour un tournoi : Panama. Je suis également allée à Munich pour la conférence de presse l'été dernier, et non, je ne suis pas allé en Espagne.

Parlez-moi de votre succès au tournoi national des moins de 8 ans de la jeunesse iranienne.

Je ne me souviens pas vraiment de grand-chose des jeux. Mais je me souviens que j'ai marqué huit victoires et une défaite. Et c'est comme ça que j'ai gagné le tournoi. Je n'avais pas vraiment d'entraîneur alors que les autres filles en avaient un. Je ne me souviens pas vraiment d'autre chose que de la cérémonie de clôture et du nombre de points que j'ai marqués. Parlez-nous de votre participation au Championnat d'Asie junior.

C'est en fait à peu près au moment où j'ai commencé à penser aux échecs comme une carrière plus possible. La première, en 2011, a donc eu lieu aux Philippines. J'ai eu le premier second. La deuxième était en 2012 à Sri Lanka, je crois. Oui. Or j'ai gagné celui-là. Le troisième était en Iran. Oui, en 2013. J'ai gagné ça. En 14, c'était en Inde : New Delhi. Après avoir gagné ça, je n'ai plus joué dans le championnat asiatique en 2015, juste parce que je l'ai en quelque sorte déjà gagné plusieurs fois.

Étiez-vous censé respecter le règlement de la Fédération iranienne des échecs lors des championnats asiatiques juniors également ?

Oui, parce que c'était les années où j'essayais de savoir si ce mode de vie était pour moi ou non. Donc, oui.

Quels sont les points forts de votre carrière ?

L'une des grandes choses que j'ai vraiment réalisées hier en lisant un autre article est qu'en 2016, j'ai obtenu mon titre de formateur FIDE. Et même à cette date, je suis la plus jeune formatrice FIDE du monde, ce qui est plutôt cool. C'était il y a presque quatre ans. J'ai reçu les titres de Femme Grand Maître et de Maître International en 2016. 2016 a été une grande année. Et j'ai gagné tellement de [...] prix dans des tournois internationaux. J'ai joué pour différentes ligues, des ligues européennes, comme la Suisse, Belgique, l'Espagne. Et je fais partie de la Ligue britannique. Je ne pense pas qu'il soit vraiment sûr de voyager en ce moment, sinon je jouerais pour des tournois. Ah, voyons voir, j'ai joué au Championnat américain d'échecs 2018 et je vais jouer au championnat américain [d'échecs] cette année, mais il a été reporté en raison du COVID-19. Mais je suis censée y jouer quand nous connaîtrons les dates, de toutes façons.

Ses jeux modifier

L'ouverture de la Défense française

Quelle est votre stratégie face à des joueurs classés à plus de 2500 points ?

Cela dépend vraiment de la couleur et de la préparation que je fais. Mais en général, j'essaie juste de jouer solide et d'attendre les erreurs de l'adversaire tout en essayant de placer mes pièces aux meilleurs endroits possibles. C'est donc quelque chose que je fais indépendamment de qui je joue. Mais les préparations d'ouverture peuvent changer en fonction du classement de l'adversaire.

Comment votre stratégie et votre jeu se sont-ils améliorés au fil des ans ?

Eh bien, mon jeu d'échecs s'est vraiment amélioré quand j'ai commencé à lire les livres de Mark Dvoretsky. Et ça m'a vraiment aidé. Mais il me reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour me sentir complètement confiant dans mes compétences en fin de partie.

Quelle est l'ouverture que vous préférez ?

J'aime beaucoup jouer contre la défense française. C'est juste que j'ai toujours eu une position agréable et j'ai tellement d'espace que cela correspond vraiment à mon style. Alors oui, j'aime vraiment jouer contre la défense française.

Et quelle ouverture d'échecs tu n'aimes vraiment pas ?

Quand je suis noir et qu'ils jouent quelque chose comme Catalan contre moi parce que c'est une position tellement ennuyeuse et sans âme. Je ne peux pas vraiment être aussi créatif et tout est juste, bien assis et en attente, en gros.

Anna Muzychuk en 2011
Mariya Muzychuk en 2013
sœurs Muzychuk

Quel est l'adversaire le plus coriace que vous ayez jamais affronté ?

C'est assez difficile à dire, laissez-moi réfléchir un peu. J'ai joué contre les sœurs Muzychuk Anna et Mariya dans un tournoi round-robin fin 2016. Elles étaient, je pense, l'une des plus difficiles.

Vous préférez les parties en direct ou les échecs sur Internet ?

Un mélange des deux.

Quel jeu préférez-vous ?

Le standard.

Comment vous préparez-vous pour un tournoi ?

Ça dépend un peu. Parce que parfois, le tournoi est vraiment, la seule chose que j'essaie de faire, c'est d'être à la hauteur de mon temps. Par exemple, le championnat des États-Unis aura lieu tous les jours à 13 heures précises, alors j'essaie de m'entraîner à 13 heures. C'est parce que je veux que mon cerveau soit préparé pour cette heure d'échecs de 13 heures au lieu de la sieste de 13 heures. Si j'ai un tournoi important et si j'ai la chance de pouvoir me préparer à temps pour certaines habitudes physiques et mentales comme celle-ci, j'essaie toujours de les faire. J'essaie aussi de trouver un entraîneur avec lequel je me sens à l'aise et qui a assez de temps pour moi, et de résoudre mes problèmes. Par exemple, s'il y a un problème d'ouverture, un problème de fin de partie.

Les échecs en général et les autres joueurs modifier

Que pensez-vous de la prévalence des moteurs d'échecs ?

Ils sont bons mais je pense que c'est aussi un peu dérangeant dans une certaine mesure parce que lorsque vous analysez une ligne, vous n'utilisez plus autant votre propre cerveau et vous vous fiez simplement au cerveau de l'ordinateur. Ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose, mais cela enlève un peu de la beauté de faire travailler son cerveau.

Quel est, selon vous, l'avenir des échecs ?

C'est un peu difficile à dire. [...] J'espère que la société des échecs sera capable de trouver de meilleures idées, parce que si j'avais une idée sur ce qu'il faut faire à propos de la société des échecs, je trouverais la bonne personne à qui la présenter, mais ce n'est pas le cas pour l'instant. Mais je sais qu'il y a un problème, mais je n'ai pas de solution.

Quels sont les acteurs actuels qui vous influencent le plus ?

Je suis une grande fan de Magnus Carlsen et de Fabiano Caruana parce que ce sont deux joueurs d'échecs vraiment formidables. Et Fabiano Caruana, il vit à Saint Louis, donc je le connais plus que je ne connais Magnus Carlsen. Et leurs personnalités : comme le fait qu'ils sont tous les deux différents et encore, et en même temps, comme ils sont tous les deux numéro 1 et 2 aux échecs et qu'ils sont tous les deux les meilleurs joueurs de cette génération. C'est quelque chose de très intéressant pour moi : pas seulement leur jeu, mais aussi leur façon de penser, de se comporter et, oui. J'ai tendance à analyser les gens, ce qui me cause parfois des problèmes. [rires]

Quel est votre adversaire préféré ?

Mon adversaire préféré ? Mon frère.

Comment va-t-il au fait ?

Il est en pleine forme. Il m'a aidé à installer un anti-virus sur mon ordinateur portable hier, alors bravo pour ça !

Il est en Angleterre en ce moment, n'est-ce pas ?

Oui.

Le tournoi d'échecs de Gibraltar 2017 et l'interdiction de l'équipe nationale iranienne d'échecs modifier

Bon, parlez-moi du tournoi d'échecs de Gibraltar.

C'était un très bon tournoi. J'ai très bien joué. Il n'y a eu qu'un seul match où j'aurais pu mieux jouer. [...] J'attirais des Grands Maîtres mieux classés et je gagnais les adversaires moins bien classés, et j'ai eu un très bon tournoi. C'était un tournoi de très haut niveau et les organisateurs étaient super sympas. Et j'étais là avec ma mère et mon frère, ce qui a rendu le tournoi encore plus agréable. Quoi de plus? J'ai beaucoup aimé l'ambiance. J'aimerais bien retourner jouer quand j'en aurai l'occasion, mais malheureusement, jusqu'à présent, c'était pendant mon examen chaque année. Mais oui, ça s'est très bien passé. J'ai vraiment aimé. C'était vraiment génial.

Avez-vous été satisfait de votre performance dans le tournoi ?

J'ai l'impression que j'aurais pu faire un peu mieux, mais oui, dans l'ensemble, je l'ai été, j'ai vraiment aimé.

Mais il semble que les médias en aient fait plus en dehors du tournoi.

Oh oui, ça a été plutôt... intéressant. Eh bien, ce n'était pas juste après ça. C'était juste après, j'ai joué un autre tournoi au Portugal, pendant lequel je suis tombée malade et je ne pouvais pas vraiment jouer de mon mieux. Mais j'ai quand même eu le prix de la meilleure femme. Bref, après ça, je suis partie en vacances pendant une semaine environ. Et après ça, je suis allée jouer dans des tournois en Autriche juste après. C'est à ce moment-là que je me souviens que je n'ai pas eu de connexion Internet pendant quelques heures parce que j'étais dans un train de [...] Pendant ce temps, pendant ces heures où j'étais hors ligne, tout l'enfer s'est déchaîné. Mon téléphone a commencé à exploser quand j'ai eu à nouveau une connexion Internet. Juste avec des fans et mes amis qui me disaient où j'étais, si j'étais en Iran, si j'étais en Iran, je devais en sortir [...] Le lendemain matin, ma mère et mon frère sont arrivés à l'hôtel où nous étions logés. Je leur ai expliqué ce qui se passait et nous avons tous été extrêmement choqués. [...]

Parce que le tournoi [Gibraltar] avait eu lieu quelques semaines auparavant et que j'avais résidé dans un autre pays pendant plus de six mois. Le moment choisi était donc extrêmement suspect car le Championnat du monde féminin d'échecs 2017 se déroulait en Iran à ce moment-là, et toutes les joueuses iraniennes qui participaient à ce tournoi ont été éliminées et la Fédération a été soumise à un examen minutieux de la part du gouvernement et du peuple iraniens. Ils se demandaient : "Si vous n'avez pas assez de bonnes joueuses pour gagner ce tournoi, pourquoi l'avez-vous organisé et pourquoi nous avez-vous fait dépenser autant d'argent pour cela ? Parce que beaucoup des meilleures joueuses d'échecs du monde ont refusé de participer à ce tournoi à cause de leurs valeurs. Et elles ne voulaient pas aller dans un pays où elles sont obligées d'avoir un certain code vestimentaire et elles voulaient être à l'aise lorsqu'elles jouaient le tournoi. C'était donc un grand gâchis. Quand l'histoire de mon cas a éclaté, que je ne portais pas d'écharpe et que je les représentais, quoi qu'ils en disent, toute l'attention s'est portée sur moi et mon frère, plutôt que sur les erreurs de la Fédération iranienne des échecs dans l'organisation du tournoi.

Vous ne viviez pas en Iran à cette époque. Vous ne représentiez pas l'Iran. Vous aviez dit très clairement que vous ne vouliez pas jouer pour la fédération. Et pourtant, ils ont décidé de faire sensation avec votre interdiction ?

C'est pourquoi c'était très idiot et cela semblait davantage une conspiration plutôt qu'une offense à mes actions. Parce qu'ils savaient que je n'étais pas là. Ils savaient que je vivais dans un autre pays et que je cherchais à changer de fédération. Je leur ai dit que je ne les représenterai plus dans les tournois officiels et tout cela était très idiot. Et c'était plus une tentative de distraction qu'une réelle offense. Parce que s'ils étaient vraiment offensés, j'aurais probablement compris cela, je suppose ? Mais ils ne l'étaient pas, parce qu'il n'y avait aucune raison d'être offensé. Je n'étais pas dans le pays, j'étais une résidente d'un autre pays et c'était très intéressant la façon dont ils traitaient la situation. Et ce qui est amusant, c'est que si j'étais en Iran au moment où la nouvelle s'est répandue, je serais probablement encore en prison pour je ne sais quoi. Donc même si j'étais résidente d'un autre pays, citoyen d'un autre pays, parce que les lois en Iran ne suivent pas vraiment beaucoup de droits de l'homme. Oui, je serais très probablement encore en train de pourrir quelque part.

Qu'avez-vous décidé face à cela?

Avec le fait que je ne retournerais jamais dans le pays d'où je viens ? Je m'y attendais de toute façon, car je suis contre le gouvernement et tout ce qu'il représente. Je n'ai pas assez de pouvoir pour parler à plus d'autorités et faire beaucoup. J'ai donc décidé de quitter l'environnement toxique. Et de vivre dans un endroit où l'on me respecte pour mes croyances et mes valeurs plutôt que de me dire de me taire face au monde tel qu'il est. Je n'ai donc pas aimé vivre en Iran à cause du gouvernement de toute façon. J'étais donc d'accord pour ne jamais y retourner quand j'ai déménagé pour aller vivre en Espagne. Mais, oui, ça me manque toujours. Je rêve encore de ma maison et de beaucoup d'endroits en Iran où je suis allée. Mais j'ai accepté le fait que je ne retournerai jamais là-bas.

Comment vos parents ont-ils réagi à cela ?

Ma mère est une grande planificatrice. Elle avait donc prévu que quelque chose se produirait parce qu'elle aime toujours avoir un plan A, B, C, D : c'est une grande planificatrice. Elle s'était donc préparée à l'examen minutieux des média. Et nous avons décidé de ne pas donner d'interviews, parce que nous ne savions pas à ce moment-là ce qui allait se passer. Mon frère n'a pas encore terminé son immigration pour son internat à ce moment-là. Il y travaillait encore. Ils se sont probablement rendus compte que, de toute façon, je vivais en Espagne, donc je vivrais comme avant. Je me suis concentré sur la finalisation du processus d'immigration de mon frère. Et nous avons tous décidé de parler à un média à ce moment-là : chess.com. J'ai dit que je n'étais pas prêt à parler de politique, que je voulais être respectueux et que je voulais juste raconter ma version des faits. Ils ont dit qu'ils aimaient vraiment que j'accepte de parler à quelqu'un. Mais après quelques mois, j'étais prête à parler des aspects politiques des choses. J'ai senti que je comprenais mieux cela. J'ai donc écrit un article pour le New York Times et j'ai parlé de tout cela à d'autres média.

Les joueurs d'échecs iraniens vous ont-ils soutenu ?

Très très peu. Je m'attendais à l'être plus. Parce que tous mes amis de lycée, en fait la plupart de mon lycée, juste la classe que j'avais : ils ont tendu la main et ils ont eu une discussion de groupe et ils m'ont vraiment soutenue, mes amis de lycée. Mais parmi les joueurs d'échecs iraniens, très peu, peut-être même pas cinq ou dix, ont tendu la main pour montrer leur soutien, ce qui m'a beaucoup choqué.

L'hésitation du gouvernement iranien à ce que les joueurs iraniens jouent contre des athlètes israéliens modifier

Dorsa Derakhshani vs GM Lemos Damian à Gibraltar

Votre jeune frère a également été interdit par la Fédération iranienne des échecs lors du même tournoi, où il jouait contre un Grand Maître israélien. Il avait quatorze ans. Il n'était qu'un enfant.

Ils continuent à faire tout un plat de jouer contre Israël. Mais ce qui est drôle, c'est que ce tournoi a eu lieu en 2017, mais en 2015, nous avons tous les deux joué contre Israël dans un autre tournoi et personne ne semblait s'en soucier, dans l'ancien tournoi. Je ne comprends pas pourquoi ils en font tout un plat. Je comprends qu'ils ne reconnaissent pas Israël comme un pays, ce qui est super idiot pour moi, mais de toute façon. Et ce n'est pas parce qu'ils ne le reconnaissent pas qu'ils veulent prétendre qu'il n'existe pas. Nous ne sommes donc pas censés jouer avec. Quelque chose comme ça. Ce qui n'a aucun sens logique.

Vous pensez juste qu'il n'aurait pas dû être entraîné dans cette [situation].

C'est tout à fait vrai. Il n'aurait pas dû. Parce qu'ils voulaient juste une histoire. Mais mon histoire est devenue plus populaire parce que c'était quelque chose de plus racontable pour les gens en dehors des échecs. Parce que le simple fait de jouer avec Israël n'a pas vraiment de sens, pourquoi c'est important pour les autres, pour les étrangers, plutôt que de ne pas être interdit parce qu'il ne porte pas de foulard. Mais oui, ils ont d'abord fait toute une histoire à son sujet, et puis moi, en Iran, dans l'interview qu'ils ont eue.

Les organisateurs des tournois d'échecs prennent-ils des mesures pour ne pas jumeler les joueurs israéliens contre les Iraniens ?

Ils le faisaient, mais ils ont arrêté depuis. Oui, ils le faisaient, et ils l'appelaient "association interdite". Mais je pense qu'il y a un an ou deux, quand un des joueurs d'échecs iraniens a refusé de jouer [contre un joueur israélien] et qu'il est retourné en Iran, il est devenu comme un héros national. Il n'a pas gagné le tournoi. Il n'a pas vraiment "fait" quoi que ce soit. Il a juste refusé de jouer contre un adversaire. Il est devenu un héros national. Il a attiré l'attention des médias et des milieux financiers. Il a rencontré des gens comme le gouvernement iranien. Oui, c'était comme si, juste parce qu'il ne jouait pas, il en tirait beaucoup de profit. Et c'est quelque chose que la FIDE a refusé de respecter et elle a établi une règle selon laquelle, oui, vous ne pouvez pas jouer, nous ne vous aiderons pas à ne pas jouer contre l'adversaire et à retourner dans votre pays pour y attirer l'attention et les sponsors.

En 2016, lors d'un tournoi d'échecs suisse à Bâle, le Grand Maître iranien a refusé de jouer contre un joueur israélien. Vous vous souvenez de cela ?

Oui, j'étais là. Je jouais le même tournoi. D'après ce dont je me souviens, il a fait semblant d'arriver en retard. Il s'est présenté quelques minutes après que le contrôle du temps ait déjà fait gagner l'adversaire à l'heure et a fait semblant d'être en retard pour une raison quelconque et, bla-bla-bla. Ils ont tendance à simuler des maladies et à obtenir des notes de médecin. Et c'est ce qu'ils ont fait, certains des garçons ont fait au Championnat du monde junior. Et, oui, c'est une sale situation. Parce que pour les joueurs, c'est une situation perdant-perdant. Si vous ne jouez pas, vous ne serez pas respecté en tant que joueur d'échecs dans la société des échecs. Mais si vous jouez, vous serez soumis à un examen minutieux de la part du pays, du gouvernement. C'est donc une situation perdant-perdant. Et c'est, d'après ce que j'ai compris, l'une des raisons pour lesquelles il a immigré et a cessé de représenter l'Iran.

Que pensez vous des performances de Alireza Firouzja?

Je dois dire que le jour où il [Alireza Firouzja] a été formidable. Je l'ai vu jouer beaucoup de tournois en ligne et streaming et il est très cool, je suis très contente pour lui.

Plus sur sa vie aux USA modifier

Votre famille vit-elle toujours à Téhéran ?

Ma famille, oui. Ils y vivent toujours.

Quelles sont les choses qui vous manquent le plus dans la vie à Téhéran ?

La nourriture. J'aime vraiment beaucoup la nourriture persane et c'est un peu difficile de la trouver ici. Et les repas faits maison de ma mère me manquent plus que les restaurants. Et elle ne peut pas simplement m'envoyer de la nourriture. Ce serait génial si elle le pouvait. [rires] Hum, quoi d'autre ? J'aime vraiment passer du temps avec ma famille et mes amis. Qui, en ce moment, tout est juste en ligne. Donc. J'ai toujours quelques relations.

Pourquoi avez-vous choisi de quitter l'Espagne et qu'auriez-vous fait si vous n'aviez pas reçu la bourse ?

Je savais vraiment que je continuerais à étudier, parce que je ne voulais pas jouer aux échecs et "ne pas" aller à l'université. Je voulais avoir une option. Mais je ne voulais pas jouer aux échecs parce que je n'avais pas le choix. C'est une chose importante pour moi : Je voulais aller à l'université et avoir un diplôme et voir si je voulais faire carrière en dehors des échecs ou choisir les échecs. Je voulais donc avoir ce choix. J'ai donc envisagé d'aller dans des universités américaines, et avant de passer mes examens d'entrée à l'université, j'ai parlé à deux universités différentes : L'université de Saint Louis [SLU] et l'université du Texas à Tyler [UTT]. [Université du Texas à Tyler]. Et ils ont tous deux offert de très bonnes bourses d'études. Et le seul facteur qui m'a fait prendre ma décision, c'est le logement d'été. Parce que je n'aurais nulle part où aller et vivre. Je n'ai pas le luxe de retourner dans ma famille pour un été. Et je détestais l'idée de devoir trouver un ami chaque été et d'avoir à vivre avec quelqu'un pendant trois mois. SLU a donc proposé de prendre en charge le logement d'été et je serais dans des dortoirs du campus, des appartements et cela a été le grand facteur décisif pour moi.

Le gouvernement iranien a-t-il causé des problèmes lorsque vous avez accepté la bourse ou décidé de jouer pour la Fédération américaine des échecs ?

Non ; eh bien, ils n'ont pas vraiment eu leur mot à dire dans ce changement de partie de la fédération, surtout parce que j'ai parlé à la FIDE. J'ai envoyé un e-mail à la FIDE et je lui ai fait savoir que je souhaitais changer de fédération sans que les Iraniens ne soient impliqués, parce qu'ils me manquaient déjà suffisamment de respect et que je ne voulais pas avoir à les affronter, et la FIDE a accepté. Et j'ai simplement changé de fédération d'abord pour la FIDE, puis de la FIDE pour nous.

Vous avez déjà dit qu'"aucune fédération n'est parfaite". La Fédération iranienne des échecs a-t-elle raison sur quelque chose ?

Eh bien, je pense que vous faites référence à l'interview, cette interview vidéo que j'ai eue à Bakou. Eh bien, je n'étais pas prêt à parler avec réalisme de la Fédération iranienne et je ne voulais pas être irrespectueux parce qu'à l'époque, ils ne m'avaient pas manqué de respect. Et je voulais garder des relations décentes avec eux. Et c'est pourquoi j'ai dit "aucune fédération n'est parfaite". J'espérais que quelqu'un lirait entre les lignes et verrait que je ne suis pas satisfait de la fédération.

Comment la fédération traitait-elle ses athlètes ?

Eh bien, pas très bien. La plupart des étudiants athlètes n'avaient pas vraiment de soutien financier ou d'entraîneur. Donc c'était comme si vous étiez tout seul. Et il y avait une certaine aide pour envoyer des gens aux tournois, mais ce n'était pas suffisant pour voir qui a quel potentiel.

Les écoles primaires devraient-elles enseigner et encourager les élèves à jouer aux échecs ?

Oui, absolument.

Et quels sont les avantages d'une telle démarche ?

Tout le monde est assez respectueux, mais les idées d'inégalité entre les sexes existent. Principalement parce qu'ils ne sont pas suffisamment informés sur la biologie et sur le fonctionnement réel de la biologie humaine. J'ai donc reçu des questions sur mon exposé sur le TED et il m'a semblé qu'ils voulaient simplement comprendre le sujet plutôt que le critiquer. Ils m'ont donc posé des questions du genre "Mais d'après les statistiques, les hommes conduisent mieux, les hommes sont meilleurs en maths, les hommes sont meilleurs aux échecs". Et je me suis dit : "Vous dites donc que les hommes pensent mieux et prennent de meilleures décisions". Et ils me disaient : "Je n'en sais pas assez sur le sujet, mais c'est ce qu'il semble". Et moi, je répondais à cette question : Si vous êtes en train de mourir, si vous faites une hémorragie et qu'on vous emmène aux urgences et que votre médecin est une femme, vous diriez : "Non, non, je veux un médecin masculin. Le cerveau féminin ne fonctionne pas aussi bien". Ce n'est pas ce que vous dites. Vous êtes content que la femme soit là pour vous soigner. Donc si vous pouvez faire confiance à votre vie avec une femme, pourquoi ne pouvez-vous pas faire confiance à une femme qui pense aussi bien. [...] Il ne s'agit pas du genre qui pense mieux. Il s'agit de chaque individu. Et ils ont été très respectueux de ces sujets.

Vous aviez demandé la citoyenneté américaine. A-t-elle été approuvée ?

Oui ! J'ai obtenu ma carte verte l'année dernière.

Quelle est votre spécialité à l'université de Saint Louis ?

J'ai une double spécialisation en biologie et en sciences cliniques de la santé.

Comment parvenez-vous à vous entraîner et à participer à des tournois d'échecs avec un programme d'études continu ?

Eh bien, je n'ai pas pu participer à autant de tournois que je l'aurais voulu, parce que j'ai tellement d'examens et de classes différentes. Mais je joue autant que je peux et les professeurs sont très coopératifs. Parce qu'ils comprennent que je suis une joueuse d'échecs professionnel et que j'en ai besoin, je suis un peu "obligée" de jouer. C'est comme si je ne jouais pas, alors c'est &mdash ; en fait, certains des tournois d'équipe auxquels nous participons sont également sponsorisés par l'université. Eh bien, la plupart des tournois que nous jouons sont sponsorisés par les universités, donc les professeurs font de leur mieux pour coopérer avec cela aussi.

Quelle est la plus grande décision que vous ayez prise depuis votre arrivée aux États-Unis ?

La plus grande décision: vouloir être chirurgien.

Les fédérations d'échecs auxquelles elle était associée modifier

GM Hikaru Nakamura en 2016
L'organisation de tournois en Iran et en Arabie Saoudite a été critiquée par le WGM Nazí Paikidze et le GM Hikaru Nakamura

Avez-vous participé aux chess olympiad ? Et êtes-vous impatient d'y participer ?

J'ai hâte d'y participer ; je n'ai représenté aucun pays parce que je ne voulais pas représenter l'Iran, auparavant, et je vous ai dit que j'y travaillais comme journaliste en 2016, Baku Olympiad. Mais j'ai refusé de participer pour la Fédération iranienne. Mais j'espère qu'un jour je pourrai représenter les États-Unis aux Olympiades.

Y a-t-il des avantages à jouer pour une fédération ?

Non.

En dehors des Olympiades, je suppose.

Ici, j'ai une meilleure stabilité et c'est plus accueillant que l'Iran ne le serait jamais.

La Fédération iranienne des échecs vous a-t-elle déjà soutenu, à l'époque ?

Oui. Ils m'ont envoyé à différents tournois. Et ils m'ont donné un peu d'entraînement en 2012-13.

En quoi la Fédération américaine des échecs est-elle différente à cet égard ?

Pour l'instant, je suis davantage soutenue par l'université et le club d'échecs que par la Fédération dans son ensemble. Mais la Fédération américaine a toujours soutenu mes décisions de prendre la parole.

Comment améliorer les problèmes de la Fédération iranienne des échecs ?

Je ne pense pas qu'ils puissent le faire avant que [alors] le gouvernement soit le même, ou qu'il partage les mêmes valeurs et ne soit pas disposé à respecter les droits de l'homme fondamentaux.

Parlez-moi de la fois où vous avez reçu le titre de "Maître international". Et quel titre : Grand Maître féminin ou Maître international vous a donné plus de joie ?

J'ai donc reçu tous les titres féminins. J'ai commencé par Candidate Master, Master FIDE, Master International Femmes, Grand Master Femmes, et finalement Master International Hommes. Il a été approuvé à Bakou, la même Olympiade de 2016. Et c'était très agréable. Je m'attendais à ce qu'il soit approuvé de toute façon, parce que c'est juste leur routine habituelle. Mais c'était très agréable parce qu'à ce moment-là, dès qu'elle a été approuvée, dès que j'ai officiellement obtenu les titres, ma famille était à Bakou en même temps. Nous sommes donc sortis, et nous avons fait une belle fête.

Combler le fossé entre les sexes, aux échecs et dans la société modifier

Vous l'avez déjà mentionné dans votre exposé sur TED, vous êtes curieux de connaître le cerveau humain, et vous aimeriez en savoir plus à son sujet. Comment cela va-t-il affecter votre carrière aux échecs ?

Oui, c'est vrai. Eh bien, j'ai l'impression que plus j'ai d'informations sur le fonctionnement des choses, plus cela m'aide à devenir un meilleur être humain. Et plus mature, et j'ai vu que ma façon de penser aux échecs a changé par rapport à quand j'avais, disons, dix-huit ans, juste parce que je suis plus mature maintenant et que je suis plus honnête avec moi-même. Il est plus facile pour moi de voir certains coups et certains schémas que lorsque j'étais adolescente. J'espère donc que plus j'obtiendrai d'informations, où que ce soit, plus je serai humain et meilleur joueur d'échecs.

Les titres sexués et les événements séparés sont-ils mauvais à long terme ?

Je pense que oui. Mais en même temps, ce n'est pas un problème qu'ils peuvent régler immédiatement, parce que s'ils retirent tous les titres féminins, tant de femmes en pâtiront. Parce qu'elles reçoivent des avantages de leurs gouvernements et des fédérations d'échecs. Au début de l'année, une grande maîtresse iranienne a participé à un tournoi à Moscou : elle a choisi de ne pas porter le hijab. Le président de la Fédération iranienne des échecs a annoncé qu'elle était désormais interdite dans l'équipe d'échecs iranienne. L'arbitre iranien des échecs, Shohreh Bayat, a décidé de ne pas revenir dans le pays après qu'une photo d'elle ait été diffusée par la presse iranienne dans laquelle son foulard n'était pas visible. Que pensez-vous de cette situation ?

Je veux dire, je suis heureuse qu'ils trouvent leur voix. Mais ils ne m'ont pas soutenu quand j'ai trouvé ma voix.

Comment était le président de la Fédération iranienne des échecs, Mehrdad Pahlavanzadeh ?

À l'époque, je le trouvais gentil et authentique, mais plus j'apprenais à le connaître, plus j'avais l'impression qu'il était très avide de pouvoir et beaucoup, vraiment faux. Je n'ai pas vraiment de meilleurs mots pour le décrire.

Pourquoi la fédération prend-elle ces mesures au lieu de regarder la performance du joueur ?

L'autre problème, c'est qu'elles sont très surveillées par le gouvernement parce que celui-ci attend des femmes qu'elles se comportent et s'habillent d'une certaine manière. Il ne s'agit donc pas seulement de ce que pense la fédération. Il s'agit aussi de ce que pense le gouvernement.

Quel message souhaitez-vous faire passer aux joueurs d'échecs iraniens ?

Soyez fidèle à vous-même. Si cela ne vous convient pas, trouvez la bonne personne. Et si vous y croyez et que vous êtes heureux là où vous êtes, personne ne devrait pouvoir vous dire de ne pas être heureux et de ne pas respecter vos croyances.

En 2017, le Championnat du monde d'échecs rapides et de blitz s'est tenu à Riyad [en Arabie Saoudite] et les joueurs d'échecs israéliens se sont vu refuser un visa. L'Iran a accueilli le Championnat du monde féminin d'échecs 2017 et il a été boycotté par le [WGM] Nazí Paikidze en raison du port obligatoire du hijab. Que pensez-vous de l'organisation d'événements dans ces pays où les joueurs sont soit obligés de respecter un code vestimentaire, soit se voient refuser un visa en raison de leur nationalité ?

C'est une erreur de confier l'organisation des tournois à ces pays. Ils ne devraient pas le faire. Parce que ces pays ne respectent pas les droits de l'homme fondamentaux. Et nous ne devrions pas les soutenir et les encourager à continuer de traiter les femmes comme elles le font, et leur donner de l'organisation, leur faire de la publicité ne ferait qu'encourager le fait qu'elles font ce qu'elles font de bien, ce qui n'est pas le cas.

En 2017, même [GM] Hikaru Nakamura s'est vu refuser l'accès. Organiser un tournoi d'échecs dans un pays où les droits de l'homme fondamentaux ne sont pas respectés est horrible. Les échecs sont un jeu où toutes sortes de gens peuvent se réunir, et non un jeu où les gens sont divisés à cause de leur religion ou de leur pays d'origine.

Sa vie modifier

Quels sont vos endroits préférés pour jouer aux échecs ?

La Suisse.

Quels sont vos livres d'échecs préférés ?

J'aime beaucoup les livres de Mark Dvoretsky. J'aime aussi beaucoup les cinq livres de Kasparov, Mes grands prédécesseurs. Un autre livre que j'aime beaucoup est "Mon système". Beaucoup de gens ne l'aiment pas, et je ne l'aimerais probablement pas en ce moment, mais c'était un gros problème pour moi quand je l'ai lu pour la première fois. La façon dont ils l'expliquent et la façon dont ils m'ont inspiré à penser était différente de ce que je faisais. J'ai donc beaucoup appris.

Quels sont vos livres non échiquéens préférés ?

Livres autres que les échecs. Hum, j'aime beaucoup lire des livres de Atul Gawande, et il est médecin ici aux États-Unis qui écrit différents livres et explique comment il s'est senti sur son expérience, sur son admission. Donc j'aime beaucoup ça.

Qui vous a aidé à arriver là où vous êtes aujourd'hui ?

Mes parents.

Quelles sont les vérités importantes avec lesquelles très peu de gens sont d'accord ?

Je pense qu'une des choses que les gens essaient encore d'apprendre, c'est de respecter les croyances de chacun. Parce que les gens peuvent être extrêmement critiques. Je peux parfois porter des jugements, et je dois me parler et m'expliquer, d'accord... Les gens ont le droit de faire ce qu'ils veulent et ce n'est pas à moi de juger tout le monde. Et parfois, nous avons tous besoin de ce rappel.

Que faites-vous pour vous détendre quand vous ne jouez pas aux échecs ?

J'aime beaucoup regarder des émissions de télévision sur les différentes carrières, parce que je ne serai jamais avocat, mais le simple fait de regarder une émission de télévision sur le droit m'aide à comprendre ces aspects aussi.

Qu'est-ce qui, selon vous, rend les échecs magnifiques ?

Parfois, on a l'impression que les échecs, c'est comme si on entendait la musique que les pièces font et qu'on dansait, les pièces dansent, sur cette musique. Et alors vous trouvez une "belle" tactique. J'aime beaucoup cette analogie.

Qu'est-ce qui vous motive à jouer aux échecs ?

J'aimerais montrer aux gens qu'on peut faire différentes choses de sa vie. Et l'idée que vous pouvez jouer aux échecs tout en continuant à étudier et à avoir une vie en dehors des échecs. Je pense que c'est une des grandes choses pour moi.

Combien de temps passez-vous à analyser vos propres parties ?

Beaucoup en fait. Cela dépend en quelque sorte du jeu et, idéalement, si j'ai le temps, j'aimerais retourner parler à mon frère ou à un autre ami joueur d'échecs. Et obtenir leur avis.

Quels conseils donneriez-vous aux nouveaux joueurs d'échecs ?

Pour savoir ce qu'ils veulent et trouver un livre et un entraîneur qui se soucie d'eux. Le livre ne doit pas se soucier de la personne, mais il doit pouvoir lui parler, parce que parfois, on ne fait que regarder les livres et les positions, juste à cause des positions. Mais parfois, lorsque vous lisez le livre, vous avez l'impression de comprendre cela, et c'est plus qu'un simple livre pour vous.

Quels sont les mauvais traits de caractère qui maintiennent un joueur à terre ?

Sentiment de ne pas être assez bon. Et le sentiment que votre adversaire est meilleur que vous, ou, pour beaucoup de ces sentiments, que vous n'êtes pas assez bon, vous ne pouvez pas le faire. Parce que si vous avez l'une de ces pensées en entrant dans une partie d'échecs, vous n'en sortirez pas très heureux.

Quel est le meilleur conseil qui vous soit donné ?

Ma mère, elle m'a toujours encouragé à être moi-même et à trouver la meilleure façon de m'exprimer. Parce que j'ai traversé une période où j'étais extrêmement directe avec tout le monde et c'était un peu blessant. Parce que je ne voulais pas faire semblant de rien. Je ne voulais pas simuler quoi que ce soit. Et puis ma mère m'aide à réaliser qu'il ne s'agit pas d'être simple ou de faire semblant. Il s'agit en fait de trouver les mots justes à mettre, parce que parfois ce que vous dites est blessant mais ce que vous voulez dire ne l'est pas. Pour que la transition entre ce que vous dites et ce que vous voulez dire se fasse en douceur, je pense que c'est l'un des plus grands conseils que j'ai reçus.

À l'avenir, que voulez-vous réaliser dans le jeu d'échecs ?

J'aimerais vraiment être dans le top 5 américain. Et j'aimerais aussi participer aux échecs autant que possible. J'ai mon titre d'entraîneur FIDE, et j'aimerais vraiment pouvoir enseigner à plus d'enfants. J'ai quelques élèves et tout semble bien se passer jusqu'à présent. Mais j'aimerais mieux comprendre comment réparer et aider les joueurs.

C'était toutes les questions que j'avais à vous poser. Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Hum, non très bien. Je vous remercie.

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