Népal : le nouveau gouvernement intérimaire inclut cinq maoïstes

Publié le 2 avril 2007
Le nouveau gouvernement intérimaire du Népal, dirigé par Girija Prasad Koirala, a été formé, dimanche 1er avril 2007 et inclut cinq ministres membres du Parti communiste du Népal (maoïste) ou PCN(M).

La journée avait commencé par la dernière séance de négociations entre les dirigeants des sept formations composant la coalition en place depuis avril 2006, auxquels s'étaient joints les dirigeants maoïstes, implicitement membres de al coalition depuis l'installation, le 15 janvier dernier, de la Législature intérimaire du Népal [1]. Un accord formel a été passé entre les huit partis, incluant notamment l'adoption prochaine d'amendements à la constitution intérimaire, censés permettre :

  • de retarder de quelques jours l'élection de l'Assemblée constituante, pour en fixer la date au 20 juin prochain ;
  • de destituer le roi Gyanendra, par un vote à la majorité des deux tiers de la Législature intérimaire, s'il est prouvé que le souverain cherche à saboter le processus d'élection de l'Assemblée constituante.

Sans surprise, compte tenu des intenses tractations de ces derniers jours entre les partis politiques, le député Anand Prasad Dhungana déposait aussitôt une proposition visant à élire M. Koirala au poste de Premier ministre et à le charger de former le nouveau cabinet intérimaire. Cette proposition était contresignée par six autres députés représentant les diverses formations. Selon le décompte annoncé vers 13 h 30 (heure locale) par le président de la chambre, M. Koirala a été élu à l'unanimité.

Un peu plus tard, Girija Prasad Koirala a dévoilé la liste des 21 personnalités qui, a ses côtés, constituent le cabinet intérimaire.

La physionomie du gouvernement intérimaire subit des changements importants. En particulier, on remarque avant tout que la moitié des 22 membres du cabinet appartiennent désormais à un parti se réclamant du communisme :

  • 6 sont membres du Parti communiste du Népal (marxiste-léniniste unifié) ou PCN(MLU), qui appartenait déjà à la coalition sortante et avait participé à plusieurs gouvernements dans le passé, notamment lorsque, pendant dix mois en 1994-1995, Man Mohan Adhikari, membre du parti, avait assuré la direction du gouvernement ; il faut remarquer que le PCN(MLU) a souhaité renouveler complètement les ministres chargés de le représenter au sein du cabinet ;
  • 5 sont membres du Parti communiste du Népal (maoïste), formation qui, de 1996 à 2006, est restée dans la clandestinité et, par le biais de son Armée népalaise du peuple, a mené une guerre contre tous les gouvernements sucessifs, guerre au cours de laquelle ont été tuées environ 13 000 personnes.

La journée de dimanche a donné l'occasion d'une nouveauté, par rapport aux investitures des précdents cabinets : jusqu'ici, c'était le roi qui procédait à l'investiture du Premier ministre, puis des ministres choisis par celui-ci. L'un des derniers vestiges attachés à la monarchie népalaise a donc disparu dimanche, lorsque le Premier ministre a lui-même signé le décret par lequel il se nommait Premier ministre (en application de l'élection précédemment survenue à la chambre intérimaire) puis le décret de nomination des 21 autres membres du cabinet.

Les partis se sont attachés, lors de la composition du nouveau cabinet, à assurer une certaine représentativité à divers groupes ethniques ou sociologiques : 5 membres de la caste des brahmanes, 2 ministres hors caste (groupe des intouchables), 5 membres de la caste des chettris ou chhettris (correspondant aux kshatriyas) et 10 représentants de groupes ethniques.

Le nouveau cabinet intérimaire devrait faire l'objet d'un léger remaniement, d'ici quelques temps, pour faire place à un ou deux représentants de la faction du Front népalais du Peuple dirigée par Amik Sherchan. À cette occasion, M. Koirala devrait retrocéder son portefeuille de la Défense à un autre membre du Congrès népalais, et nommer en outre un ministre d'État membre de sa formation, et un autre ministre d'État membre du Parti communiste du Népal (maoïste).

L'accord préliminaire entre les huit formations politiques, vendredi 30 mars, prévoyait un effectif total de 26 personnalités, au sein du cabinet.

Réactions

La formation du nouveau gouvernement a été accueillie avec satisfaction dans divers responsables de la communauté internationale. Le député Britannique Gareth Thomas, ministre d'État au sein du Département du Dévéloppement international [2], en visite au Népal, s'est réjoui de la continuation du processus de refonte des institutions népalaises, et a vivement recommandé à tous les partis de « se concentrer sur la tenue d'élections paisibles et crédibles, puisque le Népal se tourne maintenant vers un avenir sans violence ».

Le puissant voisin indien s'est également félicité de cette nouvelle étape, un communiqué du ministère des Affaires étrangères ayant mis en avant la perspective d'élections libres et justes pour la future Assemblée constituante.

Ian Martin, Représentant spécial du secrétaire général des Nations unies et chef de la Mission des Nations unies au Népal (MINUNEP), a vu, pour la part, « l'établissement du nouveau gouvernement intérimaire comme un moment clef pour la consolidation du processus de paix au Népal ».

L'Australie, par la voix de son ministre des Affaies étrangères, cité par l'ambassade australienne à Katmandou, a annoncé le déblocage de fonds pour le système d'identification des électeurs par empreintes digitales, en vue d'accompagner « une paix durable et la stabilité du Népal », sans parler d'autres fonds d'aide au développement.

Mêmes vues au Japon, dont le ministre des Affaires étrangères, après s'être félicité de ces progrès sur la voie de la paix au Népal, a promis de continuer à apporter son aide à ce pays himalayen.

Les États-Unis, par contre, se sont montrés beaucoup plus réservés, tout en semblant prendre acte de la volonté affichée unanimement par la classe politique népalaise de conduire à son terme le processus de rénovation des institutions. L'ambassadeur américain à Katmandou, qui avait tenté de dissuader le Premier ministre, ces derniers jours, d'intégrer les maoïstes au sein du nouveau gouvernement, a tenu à assister personnellement à la séance « historique » du Parlement, dimanche, a indiqué à la presse que son pays continuerait à apporter de l'aide aux autorités népalaises, tout en faisant publier un communiqué appelant nommément le Parti communiste du Népal à tenir ses engagements et à se transformer en une formation politique non-violente, au moyen d'une renonciation formelle à la violence [3].

Composition du gouvernement

Ministres de plein exercice
Ordre Nom du ministre
caste, groupe
Fonctions Parti Observations
1 Girija Prasad Koirala
brahmane
Premier ministre, ministre de la Défense, ministre de la Santé et de la Population
(Prime Minister, Ministrer for Defense, Minister for Health and Population)
CN Attributions
modifiées
2 Ram Chandra Poudel
brahmane
Paix et Reconstruction
(Minister for Peace and Reconstruction)
CN Nouveau
ministre
3 Sahana Pradhan (Mme)
groupe ethnique
Affaires étrangères
(Minister for Foreign Affairs)
PCN(MLU) Nouvelle
ministre
4 Krishna Bahadur Mahara
chettri
Information et Communications
(Minister for Information and Communications)
PCN(M) Nouveau
ministre
5 Pradeep Nepal
brahmane
Éducation et Sports
(Minister for Education and Sports)
PCN(MLU) Nouveau
ministre
6 Mahantha Thakur
groupe ethnique
Science et Technologie
(Minister for Science and Technology)
CN Change de
portefeuille
7 Ram Sharan Mahat
chettri
Finances
(Minister for Finance)
CN Attributions
identiques
8 Narendra Bikram Nemwang
groupe ethnique
Loi, Justice et Affaires parlementaires
(Minister for Law, Justice and Parliamentary Affairs)
CN(D) Attributions
identiques
9 Krishna Prasad Sitaula
brahmane
Intérieur
(Minister for Home)
CN Attributions
identiques
10 Dev Prasad Gurung
groupe ethnique
Développement local
(Minister for Local Development)
PCN(M) Nouveau
ministre
11 Rajendra Mahato
groupe ethnique
Industrie, Commerce et Approvisionnement
(Minister for Industry, Commerce and Supplies)
PNBV(A) Nouveau
ministre
12 Prithvi Subba Gurung
groupe ethnique
Culture, Tourisme et Aviation civile
(Minister for Culture, Tourism and Civil Aviation)
PCN(MLU) Nouveau
ministre
13 Matrika Prasad Yadav
groupe ethnique
Forêt et Conservation des sols
(Minister for Forest and Soil Conservation)
PCN(M) Nouveau
ministre
14 Chhabi Lal Biswokarma
intouchable
Agriculture et Coopératives
(Minister for Agriculture and Cooperatives)
PCN(MLU) Nouveau
ministre
15 Hisila Yami (Mme)
groupe ethnique
Travaux publics et Plan
(Minister for Works and Physical Planning)
PCN(M) Nouvelle
ministre
16 Jagat Bahadur Bogati
chettri
Réforme agraire et Gestion
(Minister for Land Reforms and Management)
FUG Nouveau
ministre
17 Khadga Bahadur Biswokarma
intouchable
Femmes, Enfance et Bien-être social
(Minister for Women, Children and Social Welfare)
PCN(M) Nouveau
ministre
Ministres d'État
Remarque : au Népal, comme dans certains pays anglo-saxons ou partiellement anglophones, le titre de « ministre d'État » (Minister of State) désigne un membre du cabinet de rang subalterne dans l'ordre protocolaire (un peu équivalent aux secrétaires d'État de la vie politique française).
Ordre Nom du ministre
caste, groupe
Fonctions Parti Observations
18 Ramesh Lekhak
brahmane
Ministre d'État, chargé du Travail et de la Gestion des transports
(Minister of State for Labour and Transport Management)
CN(D) Nouveau
ministre
19 Gyanendra Bahadur Karki
chettri
Ministre d'État, chargé des Resources hydrauliques
(Minister of State for Water Resources)
CN(D) Attributions
identiques
20 Ram Chandra Yadav
groupe ethnique
Ministre d'État, chargé de l'Administration générale
(Minister of State for General Administration)
PCN(MLU) Nouveau
ministre
21 Indra Bahadur Gurung
groupe ethnique
Ministre d'État, chargé de la Loi, de la Justice et des Affaires parlementaires
(Minister of State for Law, Justice and Parliamentary Affairs)
CN(D) Nouveau
ministre
22 Mahendra Singh Rathore
chettri
Ministre d'État, chargé de l'Éducation et des Sports
(Minister of State for Education and Sports)
PCN(MLU) Nouveau
ministre
Notes

Sources

Sources anglophones


  •   Page « Népal » de Wikinews. L'actualité népalaise dans le monde.