Interview de Paul Ronga et Darius Rochebin

Publié le 23 mars 2013
Paul Ronga, étudiant, et Darius Rochebin, journaliste, accordent une interview à Wikinews pour évoquer leur approche et leur usage de Wikipédia dans leur vie professionnelle et personnelle.

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Cet article est une interview accordée par Paul Ronga et Darius Rochebin
à Fanny Schertzer, le 23 mars 2013.


Dans cette interview, les liens internes redirigent vers des articles de Wikipédia.
Les questions et les réponses n'engagent que les protagonistes.
Darius Rochebin, journaliste et présentateur du journal de la Radio télévision suisse.
Paul Ronga (à droite), étudiant en français et latin, et Darius Rochebin.

Interview

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Fanny Schertzer : Bonjour et merci de m’accorder cette interview. Pouvez-vous vous présenter à l’attention de nos lecteurs?
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Paul Ronga : Paul Ronga, j’ai 23 ans, je suis étudiant et pigiste, je rédige actuellement mon mémoire pour mes études de français et latin.

Darius Rochebin : Darius Rochebin, j’ai 46 ans, je suis journaliste, je présente le Téléjournal de la Radio télévision suisse depuis 1996. J'ai fait des études en français et histoire.


Fanny Schertzer : Quand et comment avez-vous découvert Wikipédia ?
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Paul Ronga : J'ai découvert Wikipédia par mon père, qui utilisait Linux et suivait de près tout ce qui touche aux projets libres. Il nous en a parlé en famille, il était très enthousiaste et en même temps un peu sceptique.

Darius Rochebin : J'ai de la peine à me souvenir précisément de la première page Wikipédia que j'ai vue. C’était probablement lié à des pays. Souvent, j’y vérifie la population, le nom du président actuel, ce genre de choses. C'est ce que je consultais le plus au début, maintenant je consulte toutes sortes de sujets.


Fanny Schertzer : Connaissez-vous les autres projets de la Wikimedia Foundation? Si oui, lesquels? Les consultez-vous?
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Paul Ronga : Le Wiktionnaire, Wikinews, Commons, Wikibooks, Wikiquotes, Wikisource, Metawiki, Wikiversity.

J'ai consulté Wikibooks. Je trouve le projet très intéressant. Wikiquote, je connais assez peu. Meta et Wikiversité, je ne les connais que de nom. De temps en temps, je consulte la page d’accueil de Wikinews. J'utilise passablement le Wiktionnaire, parfois les textes disponibles sur Wikisource pour les Lettres. J'aime l'aspect polyglotte du Wiktionnaire.

Darius Rochebin : Non, j'avoue que je connais très mal. En général, j'y arrive par Google. Je repère leur existence, mais je ne les consulte pas directement.


Fanny Schertzer : Utilisez-vous Wikipédia dans un cadre professionnel?
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Paul Ronga : Oui. Si on l'utilise bien, c'est un excellent point d'entrée, comme les encyclopédies papier d'ailleurs. Quand un sujet est vaste, on a une synthèse des références les plus importantes, qui inclut les controverses, mais on ne croule pas sous la masse d'informations. Je ne reprends jamais directement une citation, mais je remonte à l'original. Idem pour les décès récents, je vérifie si c'est une annonce isolée ou si beaucoup de personnes contribuent dessus. Pour ça, l'historique est très pratique. Pour les sujets sensibles, je consulte aussi beaucoup la page de discussion et l'historique.

Par exemple, quand j'ai dû écrire des articles sur les élections italiennes, j'avais besoin d'une synthèse. La meilleure que j'ai trouvée est sur Wikipédia en italien, elle était plus fournie que celles des journaux.

Darius Rochebin : Oui, beaucoup, pour toutes sortes de sujets. Pour une personnalité à interviewer, c'est souvent la première page que je consulte ou alors je m'en sers de «voiture-balai», pour vérifier de n'avoir rien oublié. Et, de façon générale, pour tous les sujets du jour. De plus en plus, pour des curiosités ou des anecdotes, j'apprécie plus la valeur ajoutée que l'information brute. Wikipédia est devenue une source supérieure aux autres pour «pimenter un article», ajouter des anecdotes. L'autre jour, je lisais les biographies des papes, il y a de véritables listes d'anecdotes qui permettent d'enrichir les interventions. Pendant les élections américaines, je cherchais les façons pour démocrates et républicains de se donner des surnoms («rednecks» et autres), ce sont des perceptions de société assez fines que l'on ne trouvait avant que dans de très grands reportages. Maintenant, on a accès à tout une culture populaire, de manière très fine. De même pour le «celodurismo» d'Umberto Bossi; avant, il fallait chercher dans les recoins du net pour trouver ça. Un autre exemple est celle des correspondances entre les différents calendriers, avant, seuls 2 ou 3 passionnés écrivaient là-dessus. Il y a une émulation de curiosités qui donne un résultat extraordinaire.


Fanny Schertzer : Et dans un cadre personnel ?
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Paul Ronga : Oui, j'ai parfois envie de traîner sur Wikipédia pour lire des pages sur l'histoire, des choses que je connais peu, découvrir d'autres cultures. J'ai lu un article très intéressant sur la manière d'exercer la mémoire en travaillant sur les lieux, l’art de mémoire.

Darius Rochebin : Oui, beaucoup, je consulte par exemple souvent l’éphéméride du jour, le matin. Très souvent, c'est le prolongement d'un sujet de curiosité. Après avoir revu le film Titanic, je suis aller consulter l'article sur le navire et j'ai été impressionné par la quantité et la qualité des informations sur le sujet.


Fanny Schertzer : Consultez-vous Wikipédia dans une autre langue que le français ?
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Paul Ronga : Oui, j'aime comparer les articles d'une langue à l'autre, ça donne une idée de ce que la société en question estime important. Quand je dois traduire un texte, je bascule d'une langue à l'autre pour trouver le bon terme. Pour les sujets qui concernent un autre pays, j'aime consulter les articles dans cette langue. J'apprécie de voir les différents styles selon les projets. L'anglais, par exemple, me paraît plus fonctionnel.

Darius Rochebin : Pas beaucoup. Je tombe parfois par hasard sur l'anglais mais passe rapidement au français. Seulement quand le sujet n'est pas traité en français, ou de manière très restreinte, je vais lire en anglais.


Fanny Schertzer : Quelle est votre impression générale de la qualité, exhaustivité, fiabilité des articles ? Avez-vous trouvé de grandes différences de qualité dans des articles existant dans plusieurs langues ?
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Paul Ronga: Ça dépend vraiment de chaque article. Il y en a d'excellents dans toutes les langues. Les articles sont certes plus nombreux et plus exhaustifs en anglais. Je suis parfois surpris de tomber sur des articles en anglais ou en allemand qui sont plus exhaustifs sur des sujets pourtant francophones, par exemple celui sur Roland Barthes.

J'ai l'impression que la plupart des remarques que les gens font s'appliquent à toutes les encyclopédies. Il me semble aussi que le niveau est beaucoup monté depuis mes premières consultations. Même dans certains livres édités, on trouve des dizaines de coquilles, c'est maintenant rare dans les articles importants de Wikipédia.

Darius Rochebin : Je suis très admiratif de la fiabilité. Je fais souvent une double vérification des citations mais je n'ai eu presque que des bonnes surprises.

Je m'étonne parfois de voir qu'il y a encore des entrées qui manquent, ou que d'autres sont très brèves alors qu'elle pourraient être facilement complétées. Par exemple, les articles sur les localités sont très succincts.

Par rapport aux encyclopédies papier, quand j'étais étudiant, j'avais été sollicité pour en rédiger des articles, c'était mal payé pour un résultat médiocre.


Fanny Schertzer : Consultez-vous les historiques, les pages de discussion et les bandeaux des articles, les catégories ?
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Paul Ronga : Oui. Je vais être particulièrement attentif sur les sujet délicats. Je regarde s'il y a eu une grosse modification récemment, des passages caviardés. Je regarde aussi les discussions.

Darius Rochebin : Non, pas tellement. D'abord, j'avoue que je n’y comprends pas grand chose. Je connais l'historique, mais les pseudonymes des contributeurs ne me disent rien. Je ne sais pas très bien comment fonctionne Wikipédia et ça ne me dérange pas plus que ça. je suis d’ailleurs content de vous avoir les deux sous la main pour me renseigner là-dessus.


Fanny Schertzer : Consultez-vous les sources, notes et références ?
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Paul Ronga : Oui, j'utilise les notes pour trouver quelle source appuie tel ou tel passage d'un article. Je m'intéresse moins aux listes de bibliographies.

Darius Rochebin : Pas tellement, je repasse souvent sur Google si je trouve quelque chose qui m'intéresse dans un article. J'ai peu le réflexe de consulter les notes de bas de page. Souvent, les bibliographies sont assez décevantes.


Fanny Schertzer : Connaissez-vous le principe de neutralité de point de vue ? Parvenez-vous à le définir ?
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Paul Ronga : Je crois me souvenir que Jimmy Wales aurait dit quelque chose comme «Il ne faut pas participer au débat, mais le décrire, sans être partisan.»

Darius Rochebin : Pour moi, elle est assez proche de celle du journaliste en général: s'approcher au mieux de la vérité sans se laisser influencer par sa propre opinion ou par l'opinion dominante. Je lisais une fois les biographies de généraux soviétiques impliqués dans la libération d'Auchwitz et j'ai été agréablement surpris d'y trouver des articles neutres et factuels, qui ne cherchaient pas à en faire des héros libérateurs. Les sujets vraiment sensibles sont la limite pour moi, je ne vais pas les consulter si je peux faire autrement. Les pages sur Israël, Dieudonné ou Robert Faurisson, par exemple, m'intéressent peu.

Paul Ronga : Moi, ces pages m'intéressent, pour repérer les points controversés dans l'historique ou la discussion.


Fanny Schertzer : Avez-vous déjà contribué ou envisagé de contribuer à Wikipédia? Pourquoi? Si oui, dans quel domaine?
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Paul Ronga : Très peu. Au début, je voyais souvent des coquilles, je râlais, et j'ai lu un jour «Ne critiquez pas, corrigez.» C'est ce que j'ai fait, et je me suis largement tenu à ça. Je me suis créé un compte très tard, début 2012, que j'utilise très peu.

Darius Rochebin : Non, j'avoue avoir une pratique assez égoïste. Je me suis amusé une fois à compléter l'article sur la rue où un ami emménageait, mais c'est tout.

Fanny Schertzer : Nous arrivons au terme de cet échange, merci à tous les deux du temps consacré.
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